Auteur : L’union Bénédict
Site de publication :Réseau Africain des Chercheurs et Enseignants-Chercheurs en Sciences de l’Éducation (RACESE)
Type de publication : document d’orientation et de planification
Date de publication : Juillet 2024
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Contexte de la Côte d’Ivoire
En Côte d’Ivoire, la scolarisation primaire universelle reste un défi.Pourtant, jusqu’au début des années 2000, le pays est considéré comme un exemple pour les autres pays de la sous-région, en raison de ses choix et de ses orientations en matière d’éducation. En revanche, à partir des années 2000, la situation se dégrade rapidement plongeant le pays dans le chao, et ce, jusqu’en 2010.
Tout d’abord, en 2002, la situation bascule alors qu’une guerre civile éclate divisant le pays en deux zones, la zone gouvernementale et la zone des forces nouvelles. Le système éducatif a été fortement touché durant cette période puisque l’on recense près de 700 000 enfants déscolarisés entre 2002 et 2004.
Également, durant cette période plusieurs écoles ont été détruites ou assiégées par des forces armées. Le pays est à nouveau frappé par une crise importante à partir de 2010.Lors de cette crise sous fond politique, deux clans s’affrontent. Cette politisation s’immisce dans les écoles perturbant ainsi la cohésion existant au sein des équipes. Il résulte de cette crise une forme d’insécurité qui s’est répandue dans tout le pays.
Au regard de ce contexte post-crise, il semble pertinent de faire un état des lieux de l’éducation en Côte d’Ivoire.
État des lieux de l’éducation en Côte d’Ivoire
La réussite scolaire en Côte d’Ivoire
Depuis la Loi sur l’enseignement de 2015, l’école est obligatoire de 6 à 16 ans. Pourtant, la scolarisation primaire universelle demeure un défi. Un élève sur quatre abandonne en cours de cycle.
En 2019-2020, 81,2 % des élèves entrant au CP1 sont susceptibles d’atteindre le CM2. Près de 20 % n’achèvent pas le cycle primaire, ce qui est problématique pour l’alphabétisation. Les redoublements restent élevés : 338 818 redoublants en 2020-2021 sur 4 102 825 élèves. En 2019-2020, la classe de CE2 compte le plus de redoublants, soit 79 604 élèves. 45 % des redoublants sont des filles, 55 % des garçons.
Les élèves peinent à maîtriser les compétences attendues au cycle primaire. Le Gouvernement note des difficultés en français et en mathématiques : « 87 % et 73 % des élèves de CE1 maîtrisent moins de la moitié de ce qu’ils devraient avoir acquis ».
L’enquête PASEC 2019 montre que les résultats en français s’approchent de la moyenne des pays africains francophones, mais ceux en mathématiques restent parmi les plus bas.
Le système scolaire ivoirien se caractérise par « des taux de redoublement excessifs […] et par un nombre d’abandons important ».
La réussite scolaire
Le leadership exercé par la DES vise à améliorer la réussite scolaire des élèves. Plusieurs définitions du concept ont été proposées.
Pour certains auteurs, la réussite scolaire répond aux attentes de l’institution :
« Une appréciation globale et institutionnelle des acquis de l’élève […] présentée sinon comme une vérité unique, du moins comme la seule légitime dès lors qu’il s’agit de prendre une décision de redoublement, d’orientation/sélection ou de certification. » (Perrenoud, 1998)
D’autres estiment que sa perception varie selon les individus. Marquis (2016) note :
La réussite c’est souvent une bonne note, formellement 60 %, mais culturellement, […] les usages peuvent varier selon que la personne estime réussir avec 60 % ou 80 %.
La définition retenue ici est celle de Deniger (2004), proche de Perrenoud :
L’atteinte d’objectifs d’apprentissage liés à la maîtrise des savoirs propres à chaque étape du cheminement scolaire […] et, ultimement, l’obtention d’un diplôme ou l’intégration du marché du travail.
La réussite scolaire repose donc sur l’atteinte d’objectifs définis par l’institution : bonnes notes, réussite aux examens, obtention de diplômes.
Ce cadre conceptuel conduit à un modèle d’analyse basé sur celui du leadership pédagogique de Hallinger et Murphy (1985), ainsi que la typologie de Blake et Mouton (1980).
Les caractéristiques de la DES en Côte d’Ivoire
Dans un premier temps, il a semblé pertinent de permettre aux DES d’exprimer leur perception de la place qu’elles occupent au sein de leur école d’une part et au sein du système éducatif d’autre part.
Les résultats montrent à ce propos que les DES se considèrent comme des éléments essentiels au bon fonctionnement de l’école.
Selon elles, la place qu’elles occupent au sein du système éducatif ivoirien est primordiale puisqu’elles se perçoivent comme les organisateurs du quotidien.
Dès lors, en lien avec la place qu’elles occupent au sein du système éducatif ivoirien, les DES ont précisé avoir des responsabilités liées à leur fonction.
Les responsabilités des directions d’école ivoiriennes
Les DES de l’étude ont distingué trois types de responsabilités : les responsabilités matérielles et organisationnelles, les responsabilités administratives et les responsabilités pédagogiques.
Elles se sont d’abord penchées sur les responsabilités matérielles et organisationnelles.
Il ressort que cette responsabilité revient à gérer les propriétés de l’école. Cette responsabilité est partagée avec les parents à travers un comité qui leur est dédié.
La DES fait ainsi connaitre au comité les besoins de l’école afin de fournir aux élèves des conditions de travail adaptées. Au-delà du mobilier, la DES gère également, l’ensemble du matériel didactique et pédagogique confié aux écoles.
En somme, cette responsabilité consiste à s’occuper de tout l’aspect organisationnel permettant le bon fonctionnement de l’école. Les DES ont ensuite évoqué les responsabilités qu’elles ont à accomplir au plan administratif.Selon elles, cette responsabilité concerne la gestion administrative de leur établissement. Cette gestion repose notamment sur la tenue de plusieurs documents exigés par la hiérarchie.
En plus des documents et registres mentionnés par les DES, elles ont précisé que la responsabilité administrative repose également sur la gestion des ressources humaines, soit la gestion des enseignants
Finalement, les DES ont précisé les responsabilités qui leur incombent au plan pédagogique. À ce propos, elles ont déclaré être les responsables de l’enseignement et de l’apprentissage au sein de leur établissement. Cette responsabilité détient une place centrale dans leur rôle de DES.De ce fait, les DES ont fait ressortir un rôle de superviseur pédagogique qu’elles ont développé davantage dans le courant de l’entretien. Par ailleurs, en lien avec les responsabilités qui leur reviennent, les DES ont précisé avoir des missions à accomplir.
Les missions des en Côte d’Ivoire
Lors des entretiens, les DES ont distingué leur mission scolaire et leur mission sociale.
En ce qui concerne la mission scolaire dans un premier temps, les DES ont précisé qu’elles ont le devoir d’offrir à tous des chances égales de réussite. Dès lors, elles mettent tout en œuvre pour atteindre cette excellence. Il ressort que les DES ont et véhiculent des attentes élevées en termes de réussite.
Or, il est déjà possible d’avancer que ces préoccupations semblent liées à l’exercice d’un leadership pédagogique qui s’intéresse à la performance des élèves. En plus de leur mission au plan scolaire, les DES ont affirmé poursuivre une mission sociale. Cette mission s’apparente à une mission d’éducation au sens global du terme. Elle revient à former les futurs citoyens qui viendront contribuer à la société ivoirienne. Il leur revient de fournir aux élèves les outils nécessaires afin qu’ils puissent appréhender au mieux leur environnement.
Au-delà de cette mission sociale, les résultats ont montré que les DES ont particulièrement insisté sur la mission au plan scolaire. Elles ont à ce titre exprimé l’intérêt qu’elles portent à la pédagogie.
La supervision pédagogique
Les DES ont souligné que la supervision pédagogique détient une place de premier plan dans leur fonction de DES. Elles ont alors distingué la supervision des enseignants de la supervision des élèves.
La supervision des enseignants
La supervision des enseignants est décrite comme une prérogative de la fonction de DES en Côte d’Ivoire. Afin de suivre le travail des enseignants, les DES ont déclaré disposer de deux points d’appui, les cahiers journaux et les visites de classes. Le cahier journal est un cahier qui regroupe le programme précis de chaque enseignant pour chaque jour de classe de la semaine. La DES a la responsabilité de contrôler ce cahier et de faire des observations aux enseignants le cas échéant.
En ce qui concerne les visites de classe, celles-ci s’apparentent à de véritables outils d’évaluation pour les DES. À cette occasion, la DES vérifie comment les cours sont donnés, elle vérifie également l’environnement de travail des élèves.
La DES s’assure alors que les élèves bénéficient de conditions adéquates pour travailler. Considérant cela, il semble que la DES est en mesure d’influencer directement les pratiques des enseignants puisque si cette dernière constate une erreur ou un écart lors du contrôle des cahiers journaux ou lors des visites de classe, elle demande à ce que l’enseignant apporte les corrections nécessaires afin que ses pratiques soient conformes à ce qui est attendu. En plus de suivre le travail des enseignants, les DES ont déclaré suivre de près les apprentissages des élèves.
La supervision des élèves
Les DES de notre étude ont déclaré suivre les élèves au même titre que les enseignants.
Elles ont précisé que cette supervision leur permet de s’assurer de la répercussion des enseignements sur les apprentissages des élèves.
Elles ont alors indiqué disposer de deux leviers pour ce faire : les cahiers des élèves et les évaluations. En ce qui concerne les cahiers des élèves, les DES les contrôlent afin de s’assurer de la conformité des enseignements fournis par les enseignants. Par ailleurs, en plus du contrôle des cahiers, les DES ont déclaré suivre de près les résultats des élèves aux évaluations. Elles ont alors précisé que le parcours des élèves ivoiriens est parsemé d’évaluations.
Dans ces circonstances, les DES suivent de près les résultats des élèves qu’elles collectent dans des fichiers informatisés. Cela leur permet d’identifier des régressions qui pourraient perdurer dans le temps. Dès cet instant, les DES ont la responsabilité d’interpeller l’enseignant ainsi que les parents de l’élève afin de remédier à la situation.
La gestion du climat au sein des écoles ivoiriennes
Finalement, en plus de superviser l’enseignement et l’apprentissage, les DES ont déclaré être responsables du climat au sein de leur établissement scolaire. À ce titre, elles ont évoqué plusieurs pratiques en lien avec cette gestion. Elles ont distingué en ce sens la valorisation de la réussite, le développement professionnel des enseignants, ainsi que la relation entretenue avec divers acteurs du système scolaire.
Discussion des résultats
Les témoignages exposés ont montré que les DES se considèrent comme des membres à part entière de la communauté éducative. En lien avec cette position, les DES ont déclaré avoir des responsabilités et des missions à accomplir.
En revanche, les résultats ont montré que ces dernières ont particulièrement insisté sur leur mission au plan scolaire.
À ce titre, les DES ont manifesté des attentes élevées en termes de réussite scolaire.
Or, cette préoccupation pour la réussite concorde avec les propos de Dhuey et Smith (2011) qui ont affirmé que le leader exerçant un leadership de type pédagogique a le devoir de véhiculer au sein de son établissement scolaire des attentes élevées en termes de réussite.
De plus, tel que Hulley et Dier (2005) l’ont rappelé, l’instauration et le maintien d’attentes élevées en termes de réussite est une priorité pour le leader qui exerce un leadership de type pédagogique.
En continuité, puisque les DES poursuivent des objectifs de réussite élevés, elles ont déclaré suivre de près les enseignants et les élèves. En ce qui concerne la supervision des enseignants, Hallinger et Murphy (1985) ont précisé que la DES exerçant un leadership de type pédagogique a justement la responsabilité de travailler avec les enseignants sur tout ce qui concerne l’enseignement.
De plus, Ross (2012) a affirmé que la DES est l’acteur en charge de superviser l’enseignement dans son établissement dans la mesure où une supervision de l’enseignement soutenue par la DES a une influence sur la réussite scolaire des élèves. En plus de superviser les enseignants, les résultats ont montré que les DES suivent de près les apprentissages des élèves.
Or, cette pratique concorde avec les écrits d’Hallinger et Heck (1998) qui ont affirmé que le suivi du progrès des élèves est une responsabilité d’une DES exerçant un leadership pédagogique. Également, les résultats ont montré l’importance que les DES accordent aux évaluations. Cependant, Hallinger et Murphy (1985) ont justement souligné que la DES doit mettre l’accent sur des tests standardisés pour suivre le progrès des élèves, puisque c’est à partir de ces tests qu’elle peut diagnostiquer leurs forces et leurs faiblesses.
Finalement, plusieurs pratiques en lien avec la gestion du climat ont été exposées par les DES de l’étude. Par ailleurs, pour Hallinger et Murphy (1985), la gestion du climat repose justement sur plusieurs pratiques demandant toutes l’exercice d’un leadership pédagogique. En continuité, Laferrière et ses collaborateurs (2011) ont affirmé que la qualité du climat au sein d’une école est un facteur pouvant affecter la réussite scolaire.Force est de constater que tout est mis en œuvre par les DES de l’étude afin de développer et de maintenir un climat de qualité propice à la réussite des élèves et au plein épanouissement de tous.
