

Bah Traoré
Le 8 mai 2025, dans la chapelle Sixtine, le cardinal américain Robert Francis Prevost, 69 ans, a été élu pape. Il succède au pape François, décédé le 21 avril, et devient ainsi le premier Nord-Américain de l’histoire à accéder au trône de Pierre. Dès le deuxième jour du conclave, et après seulement quatre scrutins, son élection a été proclamée, témoignant d’un large consensus parmi les cardinaux. Un choix qui mêle fidélité à l’esprit de réforme de ses prédécesseurs et affirmation d’une nouvelle étape dans l’histoire de l’Église. En choisissant le nom de Léon XIV, le nouveau pape inscrit son pontificat sous le signe de la tradition et de l’universalité. Son élection confirme la nouvelle étape initiée sous le pontificat du Pape François, alors que l’Église catholique, longtemps centrée sur l’Europe, affirme désormais sa vocation universelle en élargissant son ancrage géographique. Le pape François a fait passer la proportion de cardinaux originaires d’Afrique subsaharienne qui voteront pour son successeur de 9 % lors de son élection en 2013 à 12 % en 2022.
Ce moment traduit non seulement un consensus doctrinal, mais aussi une reconnaissance de la diversité culturelle au sein du catholicisme contemporain. Plusieurs cardinaux étaient considérés comme des papabili, un terme désignant les cardinaux les plus sérieux à la succession du pape François. Parmi eux, Robert Francis Prevost, figurait déjà parmi les favoris. Son nom apparaissait aux côtés de figures européennes influentes, comme le cardinal italien Pietro Parolin, Secrétaire d’État du Vatican et numéro deux du Saint-Siège. Le cardinal philippin Luis Antonio Tagle, proche du pape François et figure majeure de l’Église en Asie, était lui aussi considéré comme un prétendant crédible, fort de son rayonnement et de sa vision pastorale ouverte.
Plusieurs profils africains s’étaient également imposés dans les discussions : Peter Turkson du Ghana, le Congolais Fridolin Ambongo, archevêque de Kinshasa, ou encore le Guinéen Robert Sarah, réputé pour son conservatisme. L’idée d’un pape africain avait suscité un vif engouement, en particulier sur le continent, où elle représentait pour beaucoup le symbole fort d’une Église véritablement mondiale. Toutefois, certains observateurs y ont vu davantage un effet de projection médiatique qu’un véritable virage institutionnel, les équilibres internes du Vatican restant encore fortement marqués par les logiques traditionnelles de pouvoir.
Habemus Papam : comprendre l’élection du souverain pontife
L’élection du pape ou Pontifex Maximus, le « grand pontife » est l’un des rituels les plus solennels et symboliques de l’Église catholique. Elle mêle prière, secret absolu et rituels codifiés. Lorsque le siège de saint Pierre devient vacant, soit par décès, soit,plus exceptionnellement par renonciation (comme celle de Benoît XVI en 2013, une première depuis près de six siècles), l’Église entre dans une période appelée sede vacante, littéralement « siège vacant ». Pendant cette phase, le gouvernement de l’Église est assuré provisoirement par le Collège des cardinaux, qui prépare l’étape suivante nommée le conclave. Celui-ci est organisé entre 15 et 20 jours après la fin du règne d’un pape. Ce mot vient du latin cum clave, « avec clé » et décrit les conditions très particulières de la tenue du conclave. Les cardinaux électeurs, tous âgés de moins de 80 ans, sont enfermés à huis clos au Vatican, dans la Chapelle Sixtine, sans aucun contact avec le monde extérieur jusqu’à l’élection du nouveau Pape. Ce cloisonnement, profondément symbolique, vise à protéger le discernement spirituel des pressions politiques, médiatiques ou diplomatiques.
L’idée d’un pape africain avait suscité un vif engouement, en particulier sur le continent, où elle représentait pour beaucoup le symbole fort d’une Église véritablement mondiale. Toutefois, certains observateurs y ont vu davantage un effet de projection médiatique qu’un véritable virage institutionnel, les équilibres internes du Vatican restant encore fortement marqués par les logiques traditionnelles de pouvoir
Durant le conclave, les cardinaux procèdent à un vote à bulletin secret. Pour être élu, le futur pape doit réunir une majorité qualifiée des deux tiers. Jusqu’à quatre scrutins peuvent être organisés chaque jour, deux le matin, deux l’après-midi. Après chaque vote, les bulletins sont brûlés dans un poêle spécial. Si aucun candidat n’atteint la majorité requise, la fumée qui s’échappe est noire (fumata nera), signe que l’attente se poursuit . Mais lorsque la fumée devient blanche (fumata bianca), le monde entier comprend qu’un nouveau pape vient d’être élu. À ce moment, une scène gravée dans la mémoire collective se joue : le cardinal protodiacre se présente au balcon de la basilique Saint-Pierre et annonce la formule solennelle : « Habemus Papam !» Nous avons un pape. Le latin est la langue officielle de l’Église catholique et du Vatican. Le pape l’utilise dans les documents officiels, les encycliques, ainsi que dans certaines liturgies. Cette langue symbolise l’universalité et la continuité historique de l’Église à travers les siècles.
Le cardinal élu est alors interrogé en latin : « Acceptasne electionem de te canonice factam in Summum Pontificem ? » « Acceptes-tu ton élection canonique comme Souverain Pontife ? » S’il accepte, il choisit immédiatement un nom de règne (nomen pontificium), un choix hautement symbolique, souvent porteur d’un message théologique ou politique. Le pape change de nom pour marquer une rupture symbolique avec sa vie antérieure et signifier l’entrée dans sa nouvelle mission spirituelle. Ce nom reflète souvent une orientation pastorale ou rend hommage à un prédécesseur, ou à une figure religieuse majeure . Il s’agit aussi d’une tradition ancrée dans l’histoire de l’Église, inspirée de figures bibliques ayant changé de nom lors d’un tournant décisif. Le nouveau pape est ensuite vêtu de blanc, présenté au peuple, puis entame officiellement son ministère. Depuis le balcon de la basilique Saint-Pierre, le nouveau pape bénit la foule rassemblée sur la place avec la bénédiction “Urbi et Orbi” (à la ville et au monde). C’est sa première bénédiction en tant que souverain pontife. Ce geste marque solennellement le début de son pontificat.
Dans les coulisses du Vatican : voyage au cœur de l’histoire des papes
L’histoire de la papauté, institution vieille de près de 2 000 ans, reflète les grands bouleversements religieux, politiques et sociaux du monde. Chaque pontificat porte la marque de son époque. Certains papes se sont distingués par leur âge, d’autres par la brièveté ou la longueur de leur règne. Tous ont contribué, à leur manière, à forger l’histoire et l’autorité de l’Église catholique. Benoît IX, élu au XIe siècle, demeure le plus jeune pape de l’histoire : il aurait été nommé avant l’âge de 20 ans, bien que les sources divergent sur son âge exact. À l’opposé, Clément X accéda au trône pontifical en 1670, à l’âge avancé de 79 ans, dans un contexte d’instabilité. Son règne fût de six ans . Le pontificat le plus court revient à Urbain VII, élu en 1590, qui mourut treize jours plus tard, sans avoir été couronné. À l’ère contemporaine, certains papes ont marqué l’histoire non seulement par la durée de leur règne, mais aussi par leur impact mondial. Jean-Paul II, élu en 1978, a exercé son ministère pendant 26 ans et 5 mois. Il fut le premier pape non italien (polonais) depuis des siècles et devint une figure centrale de la diplomatie vaticane. Grâce à ses nombreux voyages, ses appels constants au dialogue interreligieux et son rôle déterminant dans la chute du communisme en Europe de l’Est, il a profondément redéfini la place et la mission du Saint-Père dans une époque mondialisée.. Son pontificat a laissé une empreinte durable, tant dans la mémoire collective que dans l’histoire contemporaine.
Lorsque le siège de Pierre devient vacant, soit par décès, soit,plus exceptionnellement par renonciation (comme celle de Benoît XVI en 2013, une première depuis près de six siècles), l’Église entre dans une période appelée sede vacante, littéralement « siège vacant ». Pendant cette phase, le gouvernement de l’Église est assuré provisoirement par le Collège des cardinaux, qui prépare l’étape suivante nommée le conclave
Plus récemment, le pape François a joué un rôle central dans la dénonciation du conflit à Gaza, appelant inlassablement à la paix, à la justice et à la défense des libertés. Il a réclamé un cessez-le-feu immédiat et dénoncé la situation humanitaire, qu’il a qualifiée de « très grave et honteuse », en particulier en évoquant la souffrance des civils et des enfants. Fermement opposé à la guerre, qu’il considère comme une « défaite de l’humanité », il a rappelé que « sans justice, pas de paix », soulignant la nécessité d’une paix durable fondée sur le droit. Il a également exprimé une solidarité forte envers la communauté chrétienne de Gaza, en maintenant un lien constant avec la paroisse de la Sainte-Famille. Dans ses dernières prises de parole, le pape a évoqué pour la première fois les accusations de « génocide » à Gaza et appelé à une enquête sérieuse. Jusqu’à la fin de son pontificat, il a renouvelé ses appels à la fin des hostilités, à la libération des otages, à l’acheminement de l’aide humanitaire, et a exhorté la communauté internationale à agir. Son message a incarné un leadership moral puissant, fondé sur le dialogue et la paix.
L’élection d’un pape est un événement à la fois sacré et stratégique, où les dynamiques spirituelles se mêlent aux équilibres géopolitiques. Si certains conclaves se sont étalés sur plusieurs semaines, d’autres ont été plus rapides. En 1939, Pie XII fut élu en deux jours. De manière similaire, l’élection récente de Robert Francis Prevost s’est jouée en seulement deux jours de conclave et après quatre tours de scrutin. Ce rythme rapide reflète une volonté d’unité au sein du Collège des cardinaux ainsi qu’une reconnaissance de son profil consensuel. Le conclave de Viterbe, entre 1268 et 1271, dura près de trois ans. Les divisions entre cardinaux étaient telles que les autorités locales finirent par prendre des mesures radicales : enfermement strict des électeurs, rationnement de la nourriture, et même retrait du toit du palais pour accélérer la prise de décision. Cet épisode donna naissance aux règles modernes du conclave.
Crédit photo: diakonos.be
Bah Traoré est chargé de recherche à WATHI. Il s’intéresse aux questions politiques et sécuritaires au Sahel. Il anime Afrikanalyste, un site dédié à l’analyse de l’actualité au Sahel. Il a travaillé sur des projets liés à la désinformation et au fact-checking en Afrique de l’Ouest.