

Amélie Dideard
Le système d’immigration canadien s’est fait reconnaître au fil des années comme un modèle basé sur le mérite. Cette approche fondée sur le mérite se reflète notamment dans la répartition des places allouées aux différentes catégories d’immigration. On retrouve des places pour la réunification familiale, pour les réfugiés et personnes protégées pour motif humanitaire, et enfin des places pour l’immigration économique, c’est-à-dire les immigrants qui contribuent à la croissance économique en “fonction de leurs compétences, de leurs compétences linguistiques et des pénuries qui sévissent sur le marché du travail canadien.”
Ces 3 types de résidents permanents sont définis par la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR), principale loi régissant l’immigration au Canada. C’est le dernier type, correspondant à la migration économique, qui est le plus demandé par le Canada. En effet, pour maintenir une croissance économique, soutenir les systèmes publics (santé, retraites), et répondre aux pénuries de main-d’œuvre, le pays mise fortement sur les « immigrants économiques », des personnes ayant des compétences, des diplômes, ou de l’expérience professionnelle jugés utiles à l’économie.
Depuis 1967, le Canada s’est doté d’un système de points pour encadrer son immigration économique, une première mondiale à l’époque. Ce modèle, qui évalue les candidats selon des critères objectifs comme l’âge, la formation, l’expérience ou la maîtrise des langues officielles, a posé les bases d’une immigration “choisie”. S’il a connu de nombreuses transformations au fil des décennies, il est resté fidèle à une logique centrale : attirer des profils qualifiés en fonction des besoins du marché du travail.
C’est cette approche pragmatique, constamment adaptée, qui a forgé la réputation du Canada comme pionnier d’un système migratoire fondé sur le mérite. En 2015, le pays a mis en place le système « Entrée Express ». Ce système a remplacé le traitement des demandes par ordre d’arrivée. Les candidats doivent alors postuler en ligne et réussir un test préliminaire de points. Ils sont ensuite évalués par un système de classement global (SCG).
Il existe deux types de points. Les « points de base », autrement appelés facteur de capital humain, les points supplémentaires. Les points de base concernent l’âge, l’éducation, la maîtrise d’une langue officielle et l’expérience précédente de travail au Canada. Les points supplémentaires concernent entre autres les compétences linguistiques en français, l’emploi réservé, et la désignation comme candidat d’une province ou d’un territoire.
Depuis 1967, le Canada s’est doté d’un système de points pour encadrer son immigration économique, une première mondiale à l’époque. Ce modèle, qui évalue les candidats selon des critères objectifs comme l’âge, la formation, l’expérience ou la maîtrise des langues officielles, a posé les bases d’une immigration “choisie”
Cette dernière attribue la plus grande part de points supplémentaires. Dans une moindre mesure, des points liés à la transférabilité des compétences peuvent entrer en compte. A titre comparatif, les points supplémentaires peuvent attribuer 600 points maximum, tandis que les points de transférabilité ne peuvent en attribuer que 100 maximum. Au total, 1200 points sont disponibles, en additionnant les points de base et les autres.
Il existe 3 programmes gérés par Entrée Express pour l’immigration économique : l’expérience canadienne, le programme fédéral des travailleurs qualifiés et le programme fédéral de métiers spécialisés. Tout au long de l’année, des rondes d’invitation sont effectuées. Les candidats ayant obtenu les notes les plus élevées au SCG sont invités à présenter une demande de résidence permanente.
Le seuil de points pour être invité à présenter la demande change d’une ronde à l’autre. On retrouve différents types de rondes : les « rondes générales » concernent les 3 programmes d’Entrée Express ; les « rondes propres à des programmes » concernent les candidats admissibles à un programme particulier d’Entrée Express ; les « rondes axées sur les catégories » établies par le ministre en fonction de priorités économiques précises. Enfin, les candidats désignés par les provinces ou territoires continuent d’être invités dans le cadre des rondes générales propres au Programme des candidats des provinces (PCP). Les candidats désignés par les provinces peuvent présenter une demande sans passer par entrée express.
Comment provinces et fédéral partagent les responsabilités ?
Au Canada, l’immigration relève en même temps du fédéral et des provinces, en vertu de l’article 95 de la loi constitutionnelle de 1867.Dans les provinces, le gouvernement fédéral, mis à part au Québec, formule entre autres les exigences en matière d’admission, fixe les niveaux nationaux d’immigration et définit les catégories d’immigration. Il peut aussi mettre en place différents programmes ou formuler des instructions ministérielles pour gérer le traitement des demandes.
De leur côté, les provinces appliquent la politique mise en œuvre au niveau fédéral. L’intégration des immigrants est aussi une compétence partagée. Les rôles et responsabilités divergent en fonction des provinces. Le Québec fut le premier à obtenir d’importantes prérogatives. Cette province peut sélectionner tous ses immigrants économiques depuis 1991. Il dispose de pouvoirs plus étendus que les autres provinces, qui élaborent des politiques publiques pour désigner des candidats. Les principaux instruments sont les Programmes des candidats des provinces (PCP). Cette sélection par le Québec et les divers PCP sont très importants puisqu’ils permettent une personnalisation par neuf provinces et deux territoires (exception du Nunavut qui ne possède pas d’accord bilatéral) en fonction de leurs besoins. Ces PCP sont également importants du fait de leur expansion rapide. En 2022, ils ont sélectionné 88 265 immigrants et leurs familles, ce qui constitue 35% de tous les nouveaux immigrants économiques au Canada. Cette part était de 1% en 2000.
En examinant plus en profondeur ces programmes, on remarque que les volets axés sur l’emploi prévalent. De plus, ils peuvent être ouverts aux travailleurs peu qualifiés, même si les programmes pour ce groupe restent limités et imposent souvent des critères additionnels. Les PCP sont adaptés aux besoins spécifiques des provinces, que ce soit en termes économique, démographique ou linguistique par exemple. Des professions précises peuvent alors être demandées. C’est le cas des camionneurs longue distance en Saskatchewan ou des médecins en Nouvelle-Écosse.
Le Québec fut le premier à obtenir d’importantes prérogatives. Cette province peut sélectionner tous ses immigrants économiques depuis 1991. Il dispose de pouvoirs plus étendus que les autres provinces, qui élaborent des politiques publiques pour désigner des candidats
D’autres visent les qualifications académiques, comme les titulaires de doctorat en Colombie Britannique et en Ontario. Une interaction « provincial-fédéral » impacte la phase de nomination. Pour certains volets, les provinces recourent à l’entrée express et peuvent émettre des invitations quand le candidat mérite des points supplémentaires. Ainsi, en Colombie Britannique, les candidats peuvent être sélectionnés à la fois dans les bassins provinciaux et fédéraux pour un même volet, avec des exigences identiques. Cela permet d’offrir plusieurs voies de sélection. Enfin, certaines provinces s’orientent vers un système en deux étapes, c’est-à-dire qu’elles incluent dans les critères d’un volet, la possession d’un diplôme canadien et/ou d’avoir été travailleur temporaire pour la nomination. En 2022, 45 à 58 % des individus nominés l’étaient à travers des volets exigeant une expérience canadienne Au niveau fédéral, d’autres métiers peuvent être recherchés. Selon les prévisions 2024-2028, cuisinier, soudeur, électricien, mécanicien industriel seront des métiers à forte demande.
Vers une immigration plus sélective ajustée aux priorités canadiennes
Chaque année, le gouvernement canadien établit des cibles pour chaque catégorie d’immigrants. Ces dernières entrent dans le plan d’immigration canadien. Durant les dernières décennies, on remarque que la politique canadienne d’immigration souhaite favoriser l’entrée d’immigrants. Dans un contexte de faible natalité, l’immigration constitue un outil essentiel au maintien de la population active au Canada. En effet, il y a plus de Canadiens qui prennent leur retraite que ceux entrant sur le marché du travail. Il y a moins de Canadiens payant des impôts pour les services sociaux et moins de jeunes pouvant pourvoir aux besoins du marché du travail.
A titre d’exemple, 25% des travailleurs de la santé sont issus de l’immigration. Ils représentent 40% des dentistes. Cependant, le plan d’immigration 2025-2027 a vu ses cibles et engagements théoriques d’immigration diminuer. De plus, des cibles ont – pour la première fois- été établies pour les résidents temporaires comme les étudiants ou les travailleurs étrangers. Cette baisse et cette nouvelle mesure inquiètent ceux qui souhaitent s’établir dans le pays.
Le 24 octobre 2024, le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté a annoncé le Plan des niveaux d’immigration 2025-2027. Ce plan vise dans un premier temps à réduire la croissance démographique pour obtenir ensuite une croissance durable et efficacement gérée sur le long terme. Après la crise du Coronavirus, des mesures avaient été prises pour attirer des talents, notamment en raison du manque de travailleurs disponibles par rapport à la demande des entreprises.
Grâce à cela, la reprise économique avait pu être accélérée. Cependant, le Canada fait encore face à une crise du logement. Le prix moyen d’une maison est passé de 48 715 $ en 1980 à 424 844 $ en 2021. Ce plan transitoire de réduction du nombre d’immigrants est censé alléger cette pression, ainsi que celle pesant sur les services sociaux et les infrastructures. Ainsi, il est prévu une diminution du déficit de l’offre de logements d’environ 670 000 unités d’ici fin 2027. Les cibles de résidents permanents par rapport au plan de 2023 passent de 500 000 à 395 000 en 2025, 500 000 à 380 000 en 2026, et une cible de 365 000 résidents permanents en 2027 est établie.
Un objectif concernant les travailleurs temporaires est également mis en place. Leur nombre devrait passer de 6,3 % en 2023 à 5 % de la population canadienne d’ici à la fin de 2026. Ainsi, la population temporaire diminuera dans les prochaines années : plus d’individus obtiendront le statut de résident permanent ou quitteront le pays que n’arriveront de nouveaux résidents temporaires. Plus de 40% des admissions pour la résidence permanente en 2025 seront effectuées parmi les résidents temporaires se trouvant sur place.
En effet, il y a plus de Canadiens qui prennent leur retraite que ceux entrant sur le marché du travail. Il y a moins de Canadiens payant des impôts pour les services sociaux et moins de jeunes pouvant pourvoir aux besoins du marché du travail
Selon le gouvernement Canadien, cela permettra de soutenir la main-d’œuvre et l’économie sans solliciter davantage les services sociaux, puisque ces derniers sont déjà établis au Canada. Des changements avaient déjà été opérés courant 2024, comme le plafonnement des étudiants étrangers et la limitation du pourcentage de travailleurs temporaires en entreprise.
Il convient alors de se demander quels sont les espoirs et changements que peuvent attendre les aspirants à la migration au Canada. Pour ce qui est des résidents temporaires,, parmi les 109 840 arrivés en juin 2024, 9 555 viennent d’Afrique. Environ 35 000 du total de ces travailleurs sont au Québec et un tiers d’entre eux est employé dans la récolte agricole.
Cependant, les ressortissants africains (dont la plus grande part provient d’Afrique du Nord et du Cameroun) ne sont que peu présents dans le secteur agricole. On les retrouve plutôt dans l’assistance à domicile, la restauration, le tourisme ou l’informatique.
Ce programme vise à pallier les pénuries de main-d’œuvre, notamment de travailleurs agricoles et peu qualifiés, lorsque les Canadiens ou les résidents permanents ne sont pas disponibles pour occuper ces postes, selon le gouvernement. Cependant, si l’impact de ces embauches est jugé défavorable, les autorités peuvent décider de rejeter la demande.
Elles avaient finalement estimé que la situation et les besoins avaient changé et encourageaient plutôt à recruter parmi les travailleurs locaux, qui pouvaient, selon le gouvernement canadien, occuper bon nombre de postes vacants. La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, estimait que la réduction de travailleurs temporaires intervenue en 2024 ajouterait une pression sur beaucoup d’entreprises peinant à trouver du personnel.
Concernant la résidence permanente, les 10 pays les plus représentés au sein des nouveaux résidents permanents sur les sept premiers mois de l’année 2024 sont : l’Inde (86 855), Les Philippines (20 645), la Chine (19 055), le Nigeria (12 280), le Cameroun (10 965), l’Afghanistan (8905), l’Érythrée (7,845), l’Iran (7815), le Pakistan (6735), et enfin la France (6085). Durant la dernière décennie, les pays asiatiques et africains ont pris plus d’importance dans ces taux, alors que les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont disparu de la liste.
L’Iran et le Pakistan sont, quant à eux, descendus dans la liste. Puisque les nouvelles admissions de résidents permanents vont concerner pour une part importante les résidents temporaires déjà sur place, on s’attend à ce que les pays qui envoient beaucoup de résidents temporaires soient représentés dans les nouvelles admissions. Comme mentionné, l’immigration économique sera la part la plus importante, les personnes pouvant y prétendre seront alors surreprésentées. Il en est de même pour les francophones hors Québec, pour lesquels la part de nouvelle résidence permanente devrait atteindre 10% d’ici 2027.
Crédit photo: Image générée sur Midjourney
Amélie Dideard est étudiante en troisième année de Licence en Sciences politiques.