

Type de publication : Policy brief
Date de publication : Juillet 2025
Site de l’organisation: REcAP Network
Auteur: Biran Gai enseigne les sciences politiques à l’Université de Gambie, au sein de la Division des sciences humaines et sociales de l’Unité de science politique. Il est également responsable des programmes au sein du Département de gouvernance démocratique du Centre de recherche et de développement des politiques (CRPD).
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La Gambie, bien qu’elle soit classée parmi les 10 pays les plus sûrs d’Afrique en 2025 selon le Global Peace Index (GPI), n’échappe pas aux risques liés à l’extrémisme violent qui touche la région du Sahel et l’Afrique de l’Ouest. Malgré sa stabilité démocratique retrouvée depuis 2017, des facteurs socio-économiques et politiques rendent certaines populations vulnérables à la radicalisation, ce qui justifie l’importance d’une approche proactive pour prévenir toute escalade de violences extrémistes. Ce rapport met en évidence l’importance de l’action préventive, notamment par la sensibilisation, la formation et la mobilisation des jeunes, des femmes et des leaders communautaires. Ces acteurs jouent un rôle crucial dans la construction d’un climat de confiance et de dialogue, qui constitue la première ligne de défense contre l’endoctrinement violent. La mise en place d’un partenariat entre différentes institutions et organisations de la société civile est également un élément clé identifié dans le rapport, facilitant une réponse concertée et durable. Par ailleurs, le document insiste sur la nécessité d’adopter une approche multisectorielle, combinant la sécurité, le développement socio-économique et l’éducation. En renforçant cette synergie, il devient possible de réduire les facteurs de vulnérabilité, tels que la pauvreté ou le manque d’opportunités, qui alimentent souvent la radicalisation. La Gambie, qui dispose déjà d’un cadre démocratique solide, peut ainsi améliorer l’efficacité de ses stratégies de prévention en s’appuyant sur ces recommandations. Enfin, ce rapport souligne l’importance d’un cadre de suivi et d’évaluation pour mesurer l’impact des initiatives et ajuster les actions en continu. La région ouest-africaine, confrontée à une dynamique régionale complexe, nécessite des approches adaptatives, et ce document constitue une ressource essentielle pour orienter les politiques publiques et renforcer la résilience communautaire face à l’extrémisme violent.
Les pays de la zone de WATHI, confrontés à des dynamiques sécuritaires complexes, peuvent s’inspirer des enseignements tirés de la Gambie en matière de prévention de l’extrémisme violent. Le rapport met en avant la nécessité d’une approche globale qui dépasse la seule logique sécuritaire pour intégrer des actions socio-économiques, éducatives et culturelles adaptées aux spécificités locales. Cela permet d’agir sur les causes profondes du phénomène, telles que la marginalisation, le chômage des jeunes et le déficit de gouvernance. Il est essentiel d’impliquer directement les communautés, notamment les jeunes et les femmes, en tant qu’acteurs clés de la résilience. La mobilisation locale favorise la cohésion sociale et le dialogue intercommunautaire, évitant ainsi l’isolement de certains groupes qui pourraient devenir vulnérables à la radicalisation. Ce principe d’inclusion sociale et participative est un moteur de changement durable dans la région. La coopération régionale et le partage des bonnes pratiques entre les pays de la région constituent un autre levier important. Les contextes nationaux présentent des similitudes mais aussi des spécificités qu’il convient de comprendre pour adapter les programmes et renforcer l’efficacité des interventions. Les réseaux d’experts et d’acteurs civils sont des vecteurs privilégiés pour favoriser des synergies porteuses de paix et de sécurité. Enfin, l’évaluation continue des stratégies mises en œuvre est primordiale afin de répondre aux évolutions rapides des contextes locaux et régionaux. La flexibilité et l’innovation dans les approches de la prévention de l’extrémisme violent permettent de renforcer les actions et de mieux soutenir la stabilité et la cohésion sociale dans l’ensemble de la région.
Les extraits proviennent des pages : 2, 3, 4, 5
Les facteurs de l’extrémisme violents au Sahel et les implications pour la Gambie
L’extrémisme violent au Sahel est alimenté par de multiples facteurs interconnectés, qui vont de l’instabilité politique aux difficultés économiques, mais aussi la radicalisation et le fanatisme religieux croissants. La situation au Mali en est l’illustration. Le pays a été le théâtre de crises attribuées en grande partie à une insurrection séparatiste menée par le groupe ethnique des Touaregs, à un territoire fracturé par la violence de milices ethniques, à la formation de milices d’autodéfense parmi les communautés paysannes (Ganda Koi) et à la violence djihadiste dans les régions du nord. Bien que la rébellion des Touaregs soit antérieure à la chute du régime de Kadhafi en Libye, la chute de Kadhafi et l’implosion de l’État libyen ont ouvert la voie à une nouvelle vague d’insurrection des Touaregs. Celle-ci a été exploitée par les groupes djihadistes/extrémistes, avec pour conséquence l’effritement des institutions socio-politiques traditionnelles et de la faible structure de gouvernance étatique dans le nord du Mali (Farhaoui, 2013).
Cette situation est à présent aggravée par la violence extrémiste/djihadiste et de nombreux autres problèmes sécuritaires, y compris le banditisme, le crime organisé transnational et la violence intracommunautaire, en particulier dans les régions centrales de Mopti et de Segou (Ananyev & Poyker, 2023 ; Berger, 2019 ; Thurston, 2018). L’intervention humanitaire d’acteurs internationaux tels que l’Union Européenne (UE) s’est accrue dans ce pays qui est l’une des nations les plus pauvres de l’Afrique sub-saharienne et qui a subi en outre des sécheresses prolongées, des coups d’État militaires et l’aggravation de ses conditions économiques (Zoubir, 2017). Cette sombre situation représente un terrain fertile pour les organisations terroristes qui exploitent les vulnérabilités socio-économiques afin de recruter une jeunesse sans emploi et marginalisée.
Le Centre de coopération antiterroriste mondiale (Centre on Global Counterterrorism Cooperation ; CGCC) a identifié d’autres facteurs de l’extrémisme violent tels que l’instabilité politique, l’exclusion et la marginalisation politique, la violation flagrante des droits humains par les gouvernements, la corruption et une gouvernance faible. Des conflits violents prolongés et des gouvernements perçus comme illégitimes représentent des facteurs d’incitation qui poussent les individus à rejoindre les groupes extrémistes dans la recherche de bénéfices matériels, d’une source de sécurité et d’une cause idéologique (CGCC, 2013). Certains de ces facteurs, en particulier ceux liés à la participation politique, aux violations des droits humains et à la gouvernance, sont présents en Gambie, un pays qui a subi 22 ans de dictature et qui fait face à des problèmes continus de gouvernance depuis la transition démocratique de 2016 – 2017.
Les vulnérabilités de la Gambie à l’extrémisme violent
La Gambie n’a jamais connu de cas d’extrémisme violent ; néanmoins, elle y est susceptible. Cette susceptibilité se situe dans le contexte de ses frontières poreuses avec le Sénégal (un État qui fait frontière avec les pays du Sahel, Mali et Mauritanie), de ses difficultés de gouvernance interne et du nombre croissant de jeunes attirés par les groupes réformistes. L’étendue de la radicalisation de la jeunesse dans le pays n’a pas été documentée de façon exhaustive ; cependant une étude de 2023 par le Timbuktu Institute montre que la ligne dure adoptée par certains leaders religieux dans leurs enseignements et leurs prêches, ainsi que l’absence de régulation des madrasas et daaras (centres éducatifs axés sur la mémorisation des passages du Coran) représentent des sources potentielles de radicalisation de la jeunesse en Gambie. L’étude préconise la supervision de l’éducation religieuse et des messages diffusés dans les prêches publics (dawa’ah) par le gouvernement et la surveillance des intellectuels qui rentrent au pays, en particulier en provenance du Moyen Orient (Timbuktu Institute, 2023).
Le rapport souligne que l’intolérance religieuse risque de devenir un moteur fort de radicalisation, d’extrémisme religieux et de conflit en Gambie si rien n’est fait pour y remédier. Des incidents se sont déjà produits du fait de divisions sectaires croissantes au sein de la communauté islamique, en particulier entre les groupes sunnites (notamment les Salafi, Ahlus Sunnah et Tabligh Jamaat) et les sectes Ahmadi. Badjie (2024) and Jawo (2022) mettent aussi l’accent sur les dangers que pose l’accroissement de l’intolérance religieuse pour la stabilité, la sécurité et la paix en Gambie. Un participant à une session d’Entretien avec informateur clé (EIC) souligne ces dangers : L’extrémisme violent provoque la peur et la division au sein de nos communautés. Même si la Gambie n’a pas connu d’attaques majeures, l’influence croissante des idéologies extrémistes menace notre coexistence. Nous avons connu quelques incidents du fait de l’expression de l’intolérance religieuse. La présence de différentes sectes au sein de l’islam est alarmante, en particulier pour les jeunes qui sont attirés par les idées radicales en réponse à la frustration, aux difficultés économiques ou à la désinformation (transcription de EIC, leader religieux islamique, Kanifing, 2024).
La Gambie n’a jamais connu de cas d’extrémisme violent ; néanmoins, elle y est susceptible. Cette susceptibilité se situe dans le contexte de ses frontières poreuses avec le Sénégal (un État qui fait frontière avec les pays du Sahel, Mali et Mauritanie), de ses difficultés de gouvernance interne et du nombre croissant de jeunes attirés par les groupes réformistes
La secte Ndigal, un mouvement islamique fondé dans le village de Kerr Morr Ali, est l’illustration que les tensions entre sectes peuvent être source d’extrémisme et de violence. La secte pratique une interprétation distincte de l’islam qui dispense ses fidèles des obligations traditionnelles, telles que les cinq prières quotidiennes et le jeûne pendant le ramadan, à moins que cela ne soit instruit divinement par leur leader, Sering Ndigal. Cet écart par rapport à la pratique courante de l’islam a conduit à un désaccord avec le Conseil suprême islamique (Supreme Islamic Council ; SIC) de Gambie qui affirme que les pratiques de la secte ne sont pas islamiques (The Gambia Victims Bantaba, 2022). Pendant le régime de Yahya Jammeh, l’État s’est aligné avec les acteurs dominants sunnites et a accusé la secte d’activités criminelles, notamment l’organisation d’un complot pour renverser le gouvernement, bien que des personnalités clés telles que Muhammed Secka aient été ensuite libérées pour manque de preuves.
La secte a subi des persécutions non seulement de la part des agents de sécurité de l’État, mais aussi des autres communautés musulmanes qui l’accusaient d’hérésie. Les membres de la secte ont été harcelés, torturés, leurs propriétés ont été détruites et ils ont été forcés à s’exiler au Sénégal voisin (The Gambia Victims Bantaba, 2022). Malgré les protections constitutionnelles pour la liberté de religion et un jugement de la Haute cour (High Court) de 2017 qui assure leur droit au retour, en 2025 la secte est toujours en exil et continue de réclamer justice et le rétablissement de ses droits (Forayaa, 2025).
Outre le problème de la radicalisation religieuse, la Gambie fait face aux mêmes facteurs socio-économiques de l’extrémisme violent que ceux présents au Sahel. Un chômage élevé chez les jeunes et des difficultés économiques produisent un environnement propice à l’enracinement du radicalisme et de l’extrémisme. D’après des données mesurées par Afrobarometer en 2024, 68% des Gambiens ont considéré émigrer et citent pour raison première les difficultés économiques. Parmi eux, 75% sont de jeunes adultes de 18 – 35 ans, ce qui reflète la vulnérabilité de la jeunesse au radicalisme et à l’extrémisme en Gambie. De même, le Recensement de la population et de l’habitat de 2024 montre qu’il existe en Gambie une jeunesse en souffrance face à la crise économique et que cela correspond à une susceptibilité au radicalisme et à l’extrémisme (Government of The Gambia, 2025).
Analyse du rôle du nexus humanitaire-développement-paix et de la coordination dans la prévention de l’extrémisme violent en Gambie
Les efforts de prévention de l’extrémisme violent en Gambie ont été orientés par des cadres juridiques et politiques nationaux et internationaux. Depuis la transition démocratique en 2016, les acteurs du nexus humanitaire-développement-paix (HDP) dans le pays ont joué un rôle déterminant dans les réformes du secteur sécuritaire, dans la justice transitionnelle (y compris l’avancement de la réconciliation et de la cohésion sociétale) et dans le processus de réforme constitutionnelle. Ces réformes ont pour objectif de remédier aux vulnérabilités structurelles qui favorisent la montée des idéologies radicales, de l’extrémisme et du crime organisé. Au niveau régional, la CEDEAO a mis en œuvre la Stratégie régionale de résilience pour l’Afrique de l’Ouest 2024 – 2025, axée sur la bonne gouvernance, la paix et la sécurité, la résilience économique, les moyens durables de subsistance, l’inclusion sociale et l’adaptation au changement climatique.
La secte Ndigal, un mouvement islamique fondé dans le village de Kerr Morr Ali, est l’illustration que les tensions entre sectes peuvent être source d’extrémisme et de violence. La secte pratique une interprétation distincte de l’islam qui dispense ses fidèles des obligations traditionnelles, telles que les cinq prières quotidiennes et le jeûne pendant le ramadan, à moins que cela ne soit instruit divinement par leur leader, Sering Ndigal
Cette stratégie plaide pour une approche collaborative, avec de multiples parties prenantes, pour encourager une stabilité à long terme et faire face aux difficultés de gouvernance interne qui sont source de radicalisation et d’extrémisme chez les jeunes (UNDP, 2024). En parallèle avec ces efforts régionaux, la CEDEAO a organisé en 2022 en Gambie une formation Réforme et gouvernance du secteur de la sécurité qui a rassemblé des responsables politiques, des groupes de la société civile et des professionnels de la sécurité afin de renforcer les cadres juridiques et politiques de sécurité nationale (ECOWAS Commission, 2022). Le gouvernement gambien a élaboré des documents de politique clés, notamment la Politique de sécurité nationale (National Security Policy) en 2019, et les Stratégie de sécurité nationale (National Security Strategy) et Stratégie de réforme du secteur de la sécurité (Security Sector Reform Strategy) en 2020.
Ces cadres juridiques ont pour objectif de construire un secteur de la sécurité robuste et axée sur les personnes, capable de répondre aux menaces actuelles, telles que l’extrémisme violent et le crime organisé transnational (Saka, 2025). L’élaboration de ces documents témoigne d’un haut niveau de coordination indispensable pour rassembler les institutions sécuritaires, en particulier le Centre pour la gouvernance du secteur de la sécurité, Genève (DCAF). Un membre du personnel de DCAF, lors d’un EIC sur l’importance de fournir un cadre juridique favorable et des accords de collaboration pour répondre aux défis sécuritaires, notamment lutter contre la radicalisation et l’extrémisme violent, a fait ce constat : Nous avons joué un rôle déterminant dans le développement de la Doctrine de la police (Police Doctrine) et de la Politique de sécurité nationale (National Security Policy), en rassemblant toutes les institutions sécuritaires, notamment le Bureau de sécurité nationale (Office of National Security ; ONS), pour collaborer sur ces documents.
De plus, nous prévoyons d’organiser un programme de sensibilisation de la communauté sur le rôle de la police, en partenariat avec des organisations telles que la Commission nationale des droits de l’homme (National Human Rights Commission ; NHRC) et le Conseil national pour l’éducation civique (National Council for Civic Education ; NCCE). (Transcription de EIC, DCAF, Kanifing, 2025) Grâce à son Programme de police en Afrique, Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ) a étendu le soutien à la réforme du secteur de la sécurité, qui s’aligne sur les priorités et les défis de sécurité nationale, y compris la prévention de la radicalisation et de l’extrémisme violent, aux institutions de la Gambie. Le soutien de la GIZ repose sur le nouveau Projet de loi sur la police (Police Bill), en cours d’examen au parlement, qui a pour objectif d’améliorer la structure, les responsabilités et les standards éthiques des forces de police gambiennes (Gagigo, 2024). De même, le Projet de loi sur la sécurité nationale (National Security Bill), également en cours d’examen au parlement, s’efforce de remédier aux failles persistantes dans la coordination centralisée et dans la collecte de renseignements des problèmes qui ont exposé le pays à de graves vulnérabilités au niveau sécuritaire (Office of National Security, n.d.).
En parallèle avec ces efforts régionaux, la CEDEAO a organisé en 2022 en Gambie une formation Réforme et gouvernance du secteur de la sécurité qui a rassemblé des responsables politiques, des groupes de la société civile et des professionnels de la sécurité afin de renforcer les cadres juridiques et politiques de sécurité nationale (ECOWAS Commission, 2022)
En outre, le gouvernement a développé la toute première Stratégie antiterroriste nationale (National Counter-Terrorism Strategy) de la Gambie, une avancée importante dans la sauvegarde des intérêts nationaux et dans l’assurance d’une vie sans crainte de la menace terroriste pour les citoyens grâce à la mise en place d’un cadre juridique favorable (Office of National Security, n.d.). Le Plan d’action national pour la jeunesse, la paix et la sécurité (National Action Plan on Youth, Peace, and Security ; YPS), une autre initiative politique d’importance, a été élaboré pour inciter les jeunes à s’impliquer dans la consolidation de la paix. Développé grâce à la consultation de plus de 2 000 participants incluant des jeunes, des femmes et des groupes marginalisés, le plan YPS s’aligne avec les 5 piliers de la résolution 2250 du Conseil de sécurité des Nations unies : « participation, protection, prévention, partenariats, désengagement et réintégration ». Ces efforts ont reçu le soutien actif des organisations de la société civile ; par exemple, Peace Hub The Gambia a formé 50 femmes et jeunes gens au plan YPS en 2023, tandis que le Conseil national de la jeunesse (National Youth Council ; NYC) s’est associé avec PNUD pour organiser des tables rondes au cours desquelles 72 participants ont discuté du développement du Plan d’action national pour la jeunesse, la paix et la sécurité (UNDP, 2024).
En plus de l’organisation de ces programmes de formation, Peace Hub The Gambia met en œuvre des initiatives ciblées pour faire participer les communautés, avec comme priorité la responsabilisation des jeunes. Grâce à des partenariats stratégiques avec les leaders communautaires, ces initiatives proposent des formations qui donnent aux jeunes les outils pour plaider pour la paix, favorisant ainsi la résolution des conflits au niveau local. En outre, elles encouragent l’introduction de l’éducation pour la paix dans les programmes scolaires, ce qui favorise les changements sociétaux à long terme grâce à l’éducation. Tandis qu’il faisait un résumé de ces initiatives, un participant à Peace Hub The Gambia a fait le commentaire suivant : L’une de nos initiatives clés est le Programme de médiateurs initiés (Insider Mediator Program) qui forme les jeunes à plaider pour la paix dans leurs communautés. Nous organisons aussi des sessions de dialogue dans les communautés qui rassemblent les leaders religieux et traditionnels et les forces de sécurité pour discuter des signes précoces de la radicalisation et de l’extrémisme. En outre, nous formons des partenariats avec les écoles pour introduire le thème de la paix dans les programmes d’éducation. (Transcription de EIC, Peace Hub The Gambia, Kanifing, 2025
Le rôle de la société civile et des leaders religieux et coutumiers dans la prévention de l’extrémisme violent en Gambie
Des organisations locales, telles que la branche gambienne du Réseau ouest africain pour l’édification de la paix (WANEP The Gambia), ont été déterminantes dans le développement de systèmes d’alerte précoce, dans la prévention des conflits et dans la consolidation de la paix. L’ Analyse des conflits et du développement (ACD) par WANEP pour la Gambie, mise à jour en 2024, identifie la vulnérabilité économique, le chômage chez les jeunes et les difficultés de gouvernance, comme des facteurs clés de conflit. Pour y remédier, WANEP a lancé des programmes de formation communautaires et des projets de médiation par des initiés qui visent à renforcer la résilience de la communauté et à promouvoir une paix durable. En outre, les leaders religieux et traditionnels jouent un rôle crucial dans la promotion de la paix et dans la lutte contre la radicalisation et la diffusion de messages extrémistes. D’après un rapport de Afrobarometer (2024), 62% des Gambiens font confiance aux leaders religieux et 35% aux leaders traditionnels.
La confiance populaire en ces institutions traditionnelles et l’influence qu’elles exercent en font des agents efficaces dans le règlement des conflits et le renforcement de la résilience communautaire. Une personne interrogée sur les rôles que jouent les leaders religieux et traditionnels dans la lutte contre la radicalisation et les messages extrémistes en Gambie remarque ainsi : Les leaders religieux et traditionnels éduquent les communautés sur les dangers de l’extrémisme au travers de sermons, de discussions et de médiations qui promeuvent la paix et la tolérance. (Transcription de EIC, leader traditionnel, 2025). Même si les dangers de l’extrémisme violent sont communément admis, une attitude de déni persiste consistant à affirmer que de tels dangers ne représentent pas un défi imminent pour la Gambie. Sur ce sujet, un participant au Conseil national de la jeunesse a fait ce commentaire : De nombreuses communautés reconnaissent que l’extrémisme violent est un risque, mais certaines continuent à le considérer comme une menace lointaine à la paix de la société.
Les difficultés économiques, l’exclusion sociale et la désinformation rendent certains jeunes plus vulnérables aux idéologies radicales. Dans certains endroits, il existe aussi un manque de confiance entre les jeunes et les agences sécuritaires et cela affecte les efforts de résilience de la communauté. (Transcription de EIC, NYC, 2025) Cependant, il est clair qu’un certain nombre de facteurs de radicalisation, d’extrémisme et de violence ont impacté les communautés dans la Gambie rurale de façon disproportionnée. Ces facteurs contribuent souvent aux conflits violents ou exacerbent les difficultés auxquelles les jeunes sont confrontés dans ces zones. Le point de vue suivant d’un leader communautaire rejoint l’observation plus large selon laquelle les difficultés structurelles et le manque de confiance en les institutions sécuritaires sont des obstacles majeurs à la paix et à la résilience dans les zones rurales en Gambie : Dans les zones rurales, les jeunes font face à des luttes quotidiennes, au manque de travail, au manque d’opportunités et à de piètres services.
En outre, les leaders religieux et traditionnels jouent un rôle crucial dans la promotion de la paix et dans la lutte contre la radicalisation et la diffusion de messages extrémistes. D’après un rapport de Afrobarometer (2024), 62% des Gambiens font confiance aux leaders religieux et 35% aux leaders traditionnels
Ces frustrations s’accumulent et quand vous y ajoutez les contrôles insuffisants aux frontières et une présence limitée de l’État, cela crée un environnement propice aux conflits. (Transcription de EIC, leader communautaire, 2025). Bien que des efforts soient déjà en place dans le cadre du nexus HDP en Gambie, le pays manque de mécanismes de coordination structurelle formels qui permettraient de lier de façon efficace les initiatives humanitaires, de développement et de consolidation de la paix. Cette étude met en lumière une corrélation entre les efforts de consolidation de la paix et le soutien aux interventions humanitaires qui visent à prévenir la radicalisation et l’extrémisme violent. Cependant, le niveau de fragmentation et de recouvrement des fonctions parmi les institutions/agences gouvernementales, les ONG et les partenaires internationaux pour le développement reste élevé, car ils fonctionnent tous en silos et avec un manque évident de synergie et de coordination. Ces défis ont été clairement identifiés lors d’interviews par des participants qui ont souligné qu’une meilleure coordination pourrait améliorer la collaboration entre les acteurs HDP et accroître la durabilité des interventions en Gambie.
L’un des participants a fait cette remarque portant à la fois sur les failles dans la coordination et la durabilité des projets à long terme : L’une des difficultés est d’assurer un engagement à long terme, au-delà des cycles de financement des projets. Tandis que les réponses humanitaires apportent un répit immédiat, le développement et la consolidation de la paix nécessitent des efforts continus. Il existe aussi des failles dans la coordination entre les différents acteurs et assurer l’alignement entre les différentes parties prenantes doit rester une priorité. (Transcription de EIC, représentant de l’UE en Gambie, 2025).
