Auteur (s) :
Association pour le développement de l’éducation en Afrique (ADEA)
Cadre stratégique du développement de la filière agricole
Le Bénin est un pays qui a une forte potentialité agricole. Les grandes réformes et politique de développement entreprises ces dernières années ont mis l’accent sur le développement de ce secteur. Le document cadre de stratégie de réduction de la pauvreté a priorisé le sous secteur agricole, en tant que levier du développement. Dans le document d’Orientation Stratégiques de Développement du Bénin 2006 – 2011, cette primauté de l’agriculture transparait dans le paragraphe ci-après : « dans le secteur primaire, l’agriculture y est prépondérante et conserve à elle seule 24,1% du PIB. Elle reste une source importante de devises, malgré la faiblesse de la productivité, la non mécanisation, la non maitrise de l’eau, la mauvaise organisation des filières, l’insuffisance de l’encadrement technique, le manque d’infrastructure, l’absence quasi-totale de financement des activités de production et la faible diversification des cultures d’exportations ».
Le Plan stratégique de relance du secteur agricole affirme que le secteur agricole constitue l’un des leviers pour lutter contre la pauvreté. A cet effet, il préconise l’idée d’une « révolution verte » qui permettra au Bénin de devenir un pays d’économie agricole compétitive dans les prochaines années. Pour y parvenir, il recommande, entre autres, une meilleure formation des agriculteurs qui sont en majorité des analphabètes. En effet, 70% des travailleurs dans l’informel agricole n’ont eu aucune scolarisation. L’acquisition de compétence en vue d’une meilleure productivité dans le secteur agricole fait partie des priorités du gouvernement.
Cadre Institutionnel : les structures chargées de la mise en œuvre de la politique rurale et agricole
Les offres étatiques de formation
Ce sont les structures publiques qui offrent des prestations dans le domaine agricole. Quatre Ministères sont concernés : le Ministère du Travail et de la Fonction Publique (MTFP), (2) le Ministère de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche (MAEP) le Ministère des Enseignements Secondaire, Technique et Professionnel et le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique. Le moins qu’on puisse tirer comme conclusion est que l’offre de formation publique en direction des déscolarisés ruraux est inexistante. Le catalogue de formation existant s’adresse beaucoup plus à ceux qui poursuivent normalement leur cursus.
Le Ministère du Travail et de la Fonction Publique (MTFP) Le MTFP n’a pas de mandat pour assurer directement de la formation professionnelle mais contribue à sa mise en œuvre par le biais des activités développées par le FODEFCA
Le FODEFCA est un dispositif de mise en œuvre de la Politique Nationale de la Formation Professionnelle Continue et de l’Apprentissage. Il est doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière. Il est placé sous la tutelle du Ministère chargé du travail. Les objectifs qui lui sont assignés sont les suivants :
- Satisfaire en permanence les besoins en main d’œuvre qualifiée des entreprises des secteurs formel et informel en vue de l’amélioration du rendement, de la productivité et de la compétitivité ;
- Insérer les populations cibles afin de leur permettre de lutter contre la pauvreté ;
- Renforcer les capacités des organismes de formation. Il a pour mission la valorisation des ressources humaines par le financement d’actions de formation au profit des travailleurs du secteur privé moderne et du secteur informel.
A ce titre, il est chargé notamment de Recevoir et gérer les ressources destinées au financement de la formation professionnelle continue et de l’apprentissage ;
- Financer les actions de formation ;
- Appuyer les entreprises dans la définition des besoins de formation et l’élaboration de plans de formation ;
- Soutenir le développement de la qualité de l’offre de formation, etc.
Les groupes cibles des activités du FODEFCA sont : les travailleurs des entreprises du secteur moderne, les travailleurs du monde rural, les artisans, les apprentis, les actifs sans emploi, les déscolarisés, les déflatés, etc. Pour ce qui concerne le domaine agricole, objet de cette étude, le FODEFCA a appuyé soixante dix (70) centres de formation privés pour des actions de formation.
Les offres non Etatique de formation
Les Maisons Familiales Rurales (MaFaR)
Elles sont des associations non gouvernementales intervenant principalement dans le domaine de la formation professionnelle agricole et de l’alphabétisation. Elles sont subventionnées par le département de la Vendée en France. Il n’y a pas de spécificités pour accéder dans les Mafar et bénéficier de la formation. Il y a deux types de formation (1) la formation initiale de longue durée pour l’exercice d’un métier agricole adressée aux jeunes de 16 à 35 ans; (2) l’administration des modules thématiques de courte durée (quelques jours ou semaines) pour le renforcement des capacités et des compétences des adultes exerçant déjà un métier agricole.
Les Centres de formation de BORNEfonden
BORNEfonden est une ONG danoise appelée « Fondation des enfants » ayant pour objet d’aider les enfants des pays pauvres à devenir des adultes responsables capables de contribuer au développement de leurs milieux. Pour atteindre ses objectifs, la fondation développe des formations actuellement dans 24 centres répartis dans les départements de l’Atacora, du Zou, des Collines, du Mono, du Couffo et de l’Atlantique. Le plus grand nombre de ces centres se trouve dans les départements des Collines et du Mono. Les formations à titre principal portent sur le petit élevage et le maraîchage.
La gestion du centre Songhai et les offres de compétences
Genèse du Centre Songhaï
Avant tout la création du centre Songhai a été sous tendue par une philosophie de développement endogène. Cette dimension caractérise l’institution. Le centre Songhaï a été fondé en 1985 par un prêtre dominicain, Frère Godfrey Nzamujo et un groupe d’amis africains révolté par le niveau très faible de développement sur le continent caractérisé par l’insuffisance alimentaire, l’exode rural, la perte d’espoir en l’avenir chez les jeunes notamment ceux déscolarisés, la dégradation de l’environnement . Il est installé à Porto-Novo (Bénin).
Dans le souci de redonner une dignité à l’Afrique, Songhaï s’est doté d’une philosophie de développement qui vise la constitution d’une plate-forme entrepreneuriale et de développement intégré en vue de la mise en place d’un espace de vulgarisation porteur de solution techniques, organisationnelles, économiques, sociales et morale pour sortir les populations africaine d’une logique de pauvreté, les entraînant ainsi vers une prise en charge et un développement socio-économique durable. Il s’agit de donner aux jeunes, paysans et entrepreneurs les valeurs humaines appropriées à un changement de comportement pour qu’ils deviennent les acteurs de leur propre développement, capables d’initiative et de créativité.
Gestion du Centre Songhaï
Le centre Songhaï est doté d’un statut juridique depuis le 5 mai 1990. C’est une Organisation Non Gouvernementale (ONG) de formation, de production ainsi que de recherche et de développement en entreprenariat agricole et en agro business dont l’objectif est de susciter l’émergence d’une nouvelle société africaine, qui repose sur des dynamiques socioéconomiques en promouvant un type d’économie sociale axée sur un devoir de solidarité qui vise à rendre les pauvres producteurs, acteurs et planificateurs de leur propre avenir.
Les centres Songhaï sont des institutions de formation qui offrent des prestations dans maints spécialités dans le domaine agro alimentaire.( Voir tableau des offres de compétence) L’organigramme du centre (voir annexe), met en évidence plusieurs départements dont : Les finances (2) le marketing (3) la production (4) chaine et valeur alimentaire ((5) administration (6) logistique maintenance et approvisionnement (7) technologie et fabrication mécanique. Songhaï a reçu de nombreuses distinctions pour ses mérites et est en partenariat avec plusieurs institutions étrangères. Une des insuffisances constatée est l’inexistence de partenariats avec les structures nationales.
La dimension nationale du centre Songhaï
Implanté à Porto-Novo, le centre mère, Songhaï s’est démultiplié dans trois autres départements du Bénin à cause des succès enregistrés. Ainsi des centres annexes ont été crées à :(1) Lokossa dans le département du Mono sur une superficie de 30 hectares ;(2) Savalou dans le département des Collines sur une superficie de 300 hectares ; (3 Parakou dans le département du Borgou sur une superficie de 240 hectares. Au total le Centre Songhaï a mis en valeur une superficie de 570 hectares et utilise une main d’œuvre toute catégorie confondue estimée à 258 agents.
Les offres de compétence au Centre Songhaï
Le centre Songhaï offre une diversité de formations dans le domaine de entrepreneuriat agricole. La particularité est l’agro industrie, le centre étant spécialisé dans la transformation obéissant au principe de « déchets zéro ». A l’analyse, les différentes offres de formations de compétences techniques et professionnelles concerne des domaines porteurs de croissance socio-économique et développement durable pour le Bénin et l’Afrique.
L’accès au centre Songhaï
Le Centre Songhaï s’est donné pour vocation de former les jeunes déscolarisés en entrepreneuriat agricole. Les modalités d’accès dépendent du type de formation et du public cible. Le centre accueille trois catégories d’apprenants. Plus de douze mille (12 000) apprenants ont acquis des compétences dans les différents centres Songhaï comme le témoigne le tableau ci-dessus :
Cas des élèves fermiers
L’admission des élèves fermiers dans les centres Songhaï est subordonnée à un test de sélection. Ce sont des jeunes (de la tranche d’âge de 18 ans à 35 ans ayant au moins le niveau CEP) qui veulent devenir des entrepreneurs agricoles socioéconomiques. Ainsi après un tri sur les dossiers , les candidats dont les dossiers sont retenus sont convoqués à une interview de validation de choix Une attention particulière est accordée aux postulants béninois. La prise en charge des élèves fermiers est gratuite (hébergement, restauration, encadrement pédagogique …). La durée de formation est comprise entre six (06) et dix huit (18= mois selon le cas pour la première phase (Niveau I). cette phase est suivie d’une seconde phase pratique d’un an. Il s’agit d’une épreuve de prise en charge des apprenants eux-mêmes sur la base d’un mini projet validé. Pour la mise en œuvre dudit projet, il est octroyé un crédit sans intérêt à ceux-ci.
Cas des étudiants
Le centre Songhaï accueille d’autres groupes d’apprenants. C’est le cas des étudiants à la recherche de stage de terrain. Ce groupe rassemble les étudiants des lycées agricoles, universités ou tout autre domaine en lien avec les activités du centre. Leur acceptation est liée aux besoins de Songhaï sur telle ou telle thématique.
Cas de ceux qui demandent une formation à la carte
Songhaï reçoit également tout public en recherche d’une spécialisation pour une durée d’une semaine à trois (03) mois ainsi que les cadres, autorités gouvernementales et locales soit pour un programme d’inspiration (1 à 3 semaines) ou programme d’appui à la conceptualisation pour les futurs gestionnaires de nouveaux centres Songhaï.
Ingénierie de la formation au centre Songhaï 34- La formation qui est dispensée vise à la fois le développement humain, (éveil à la confiance en soi, à la responsabilité, à la créativité, à la prise de risque, à la prise en charge de soi-même, à l’ouverture aux autres) et le développement économique basé sur l’agriculture, l’élevage, la pisciculture, les énergies renouvelables, l’agro-industrie, les technologies appropriées, le tout formant un système intégré d’agriculture durable. La transmission des connaissances est basée sur une véritable pédagogie d’accompagnement qui fait de l’apprenant un élément focal et actif du processus d’apprentissage.
Il est tenu compte de trois éléments fondamentaux au cours du processus de formation : (1) La personnalité de l’apprenant, (2) son background ; (3) ses aspirations/son projet de vie. L’essentiel de la formation est basée sur l’apprentissage pratique et se déroule dans les ateliers pratiques. Ces ateliers ne sont des séances de démonstration pédagogique car il s’en dégage forcément des résultats. Il y a également des cours théoriques. Les élèves sont astreints à des contrôles périodiques. Ils subissent un examen final avant d’être admis au niveau II. Plus significatif est la rédaction et la soutenance d’un projet d’installation en fin de formation. (voir en annexe le canevas de présentation du projet individuel).
Le profil de fin de formation au Centre Songhaï
La fin de la formation au centre Songhaï est sanctionnée par une attestation interne qui n’a pas d’équivalence avec les diplômes du système éducatif classique béninois. Cette option est conforme à la philosophie de base du centre qui forme des apprenants pour l’auto emploi et non pour exercer un emploi dans la fonction publique .Conformément à sa vision, Songhaï met sur le terrain de véritables leaders entrepreneurs socio-économiques, c’est-à-dire des hommes et des femmes qui vont créer des entreprises et les gérer d’une manière très professionnelle, efficace dans l’esprit du développement intégré, rentable économiquement et socialement. Ces leaders seront aussi des pionniers, des entraîneurs pour leurs régions.
Le référentiel de fin de formation est élaboré en conséquence. En fin de formation ,les fermiers ont acquis les aptitudes ci-après : (1) Conception de leur plan d’installation tenant compte du contexte socio-économique, (2) Création et gestion de leur entreprise : élaboration de vision claire de leur avenir et de leur contexte,( 3) Analyse de leur entreprise agricole, leur milieu, leur environnement, (4) Vulgarisation de leurs techniques et connaissances à partir de leurs activités,(5) Animation d’ une équipe ou une coopérative qui peut les solliciter dans leur milieu,(6) Entraînement du monde rural autour d’eux pour un dynamisme socio-économique, impacter leur milieu.
Le système d’accompagnement des sortants du centre Songhaï
Une chose est d’acquérir des compétences dans le domaine agricole, une autre est de réinvestir ces acquis. La question majeure est relative à l’installation des jeunes qui ont acquis des compétences au centre Songhaï. Quelles sont les dispositifs mis en place pour les aider à s’installer. Il existe le (1) dispositif national d’accompagnement de ceux qui veulent s’installer dans l’agriculture et le (2) dispositif mis en place par le centre Songhaï pour accompagner les apprenants.
Les dispositifs d’accompagnement du centre Songhaï
Le système d’accompagnement et de suivi vise à développer chez les fermiers la logique de productivité en tant que principal levier de leur épanouissement et à faire de ceux-ci des créateurs autonomes de la richesse communautaire grâce à leur force de production. La stratégie de Songhaï en matière de politique d’accompagnement consiste à :
- faciliter l’émergence d’un réseau d’échanges autour des fermiers Songhaï pour le développement d’une économie communautaire et ceci dans une logique de « farmer to farmer » ;
- faciliter l’accès à la caisse de microcrédit Songhaï par la mise en place de procédures souples ;
- faire une assistance technique et financière aux fermes ayant des potentialités de valorisation et appuyer la réalisation d’investissements durables liés aux nouvelles performances acquises.
La spécificité du centre Songhaï
Songhaï n’est pas le seul centre qui offre des compétences pour les déscolarisés ; sa réussite est due à une combinaison de facteurs. Une comparaison avec les autres centres de formation laisse apparaître des spécificités que des insuffisances.
Contribution du centre au maintient de l’environnement
Le Centre Songhaï a acquis une expertise dans le maintient de l’environnement. Selon les statistiques Songhaï produit cent (100) tonnes de déchets par mois qui sont valorisés pour : (1) la fertilisation du sol et la fabrication du compost, (2) la production du biogaz, (3) la production des asticots, (4) la purification des eaux usées.
Le modèle Songhaï est basé sur les interrelations entre les ressources de l’environnement, l’agriculture, la technologie, les services et l’industrie et surtout le renforcement des capacités humaines. Dans la pratique, le modèle encourage l’utilisation des ressources locales, la combinaison de pratiques agricoles traditionnelles et modernes, l’adaptation des technologies ainsi que la diversification des activités. Grâce à ces pratiques, Songhaï intègre les concepts ‘’zéro déchet’’ et ‘’productivité totale’’ en ayant recours à des pratiques agricoles biologiques et écologiques. Les sous produits utilisés par le Centre Songhaï proviennent des différentes sections de production (production animale, pisciculture, production végétale, restauration, transformation agroalimentaire…).
Leçons et recommandations
Constat
L’offre éducative reste faible dans le domaine technique et professionnel – en ce qui concerne la branche agricole au Bénin ou l’agriculture occupe 47,1% des emplois. Le nombre d’établissement technique professionnel est très inférieur par rapport au nombre d’établissement moyen général. Selon les statistiques de 2010, il existe 551 établissements secondaires publics qui scolarisent 55 3018 élèves et 1041 établissements secondaires privés qui scolarisent 68 593 élèves dans l’Enseignement Général. Dans le domaine technique et Professionnel, sur un total de dix neuf (19) établissements publics, cinq (5) ont pour vocation l’agriculture. Il y a disproportion entre le nombre d’établissements qui dispense des formations générales et le domaine technique. Ces chiffres illustrent la faiblesse de la politique éducative en matière d’enseignement technique et professionnel dans le secteur agricole qui utilise un pourcentage élevé de la main d’œuvre.
Le pourcentage des jeunes déscolarisé reste encore élevé. Selon les statistiques il est estimé à dans l’enseignement primaire, à dans l’enseignement secondaire et à dans l’enseignement technique et professionnelle. C’est encore la preuve de la faible efficacité interne du système éducatif formel. Selon une étude menée par le BIT , 95 % des emplois relève du secteur informel dont 57, 6% dans le secteur agricole. Les travailleurs du secteur informel sont insuffisamment qualifiés. Selon la même source, 70% des travailleurs dans l’informel agricole n’ont eu aucune scolarisation.
Recommandations
Au terme de cette étude, quelles sont les recommandations et les enseignements à tirer dans le cadre de la Triennale de l’Association pour le Développement de l’Education en Afrique ? Les actions bénéfiques à entreprendre concerneront trois grands axes : (1) préservation des acquis du centre (2) institutionnaliser la formation des déscolarisés en entreprenariat agricole (3) révision des curricula. Pérenniser les acquis du centre Songhaï Le centre a acquis une notoriété qui est reconnue de tous. Il urge de pérenniser les acquis en renforçant le dispositif de fonctionnement.
Des actions en vue de l’amélioration du dispositif de la collecte et du traitement des données statistiques sont à envisager. Etendre l’expérience du centre Songhaï dans toutes les communes du Bénin. Il aura fallu pour cela entreprendre une étude d’identification des besoins de formation en tenant compte des spécificités de chaque région Elaborer un document cadre d’acquisition de compétence des jeunes déscolarisés (multiplier les dispositifs de formation des jeunes déscolarisés dans le secteur agricole).
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