Auteur: Groupe de la banque africaine de développement
Site de publication: GBAD
Type de publication: Rapport
Date de publication: 2024
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La performance macroéconomique
Le Cameroun continue à subir plusieurs chocs, aussi bien endogènes qu’exogènes, qui ont un impact négatif sur sa croissance économique. Au nombre des chocs endogènes, figurent notamment, : i) la crise qui sévit dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du pays, créée par des groupes sécessionnistes dans les régions d’expression anglaise ; ii) les incursions des groupes armées dans l’Extrême-Nord du pays, iii) les effets de la crise en Centrafrique sur la partie orientale du Cameroun. Sur le plan externe, les multiples chocs ont des conséquences sur des chaînes d’approvisionnement et influent négativement sur la performance économique du pays.
Le taux de croissance de l’économie camerounaise a connu une légère décélération et est passé de 3,6 % en 2022 à 3,3 % en 2023. La croissance s’explique en 2023 principalement par : le dynamisme du secteur tertiaire, l’électricité (4.4%), les BTP (3.9%), l’industrie agroalimentaire (3.8%), la sylviculture et l’exploitation forestière (5.2%). Du côté de la demande, la croissance a été tirée par l’investissement privé.
Autres évolutions macroéconomiques et sociales récentes
Le taux d’inflation, qui était à 6,3 % en 2022, est monté à 7,4 % en 2023, tiré principalement par les prix des produits alimentaires, qui ont augmenté de 11,1 % sur la même période, tout comme ceux du transport, suite à l’augmentation du prix du carburant (21 % en février 2023 et 15 % en février 2024).
Pour lutter contre l’inflation dans la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (CEMAC), la Banque des états d’Afrique centrale (BEAC) a successivement augmenté le taux d’intérêt d’appel d’offre (TIAO), le principal instrument de régulation monétaire, en le portant de 3,25 % en mars 2020 à 4 % en mars 2022, 4,5 % en septembre 2022 et 5 % en avril 2023. En 2023, la situation monétaire a été marquée par des hausses de 11,4 % des avoirs extérieurs nets du système monétaire, et de 19,0 % du crédit intérieur suite à une augmentation de la masse monétaire de 7,6 %.
Perspectives macroéconomiques et risques
Perspectives
Le taux de croissance économique du pays devrait continuer d’augmenter, passant à 4,1 % en 2024 et à 4,4 % en 2025, grâce aux bonnes performances des secteurs de l’agriculture, des services, de la construction, et des investissements dans les infrastructures routières et énergétiques.
Le taux d’inflation devrait baisser à 6,3 % en 2024 et 4,3 % en 2025, sous l’effet des prix des denrées alimentaires et de l’augmentation du prix du carburant. La BEAC devrait poursuivre sa politique de resserrement de la politique monétaire en vue de stabiliser les prix. Le déficit budgétaire pourrait davantage s’améliorer à 0,5 % du PIB en 2024 et atteindre 0,2 % en 2025, grâce à une plus grande efficacité dans la collecte des impôts, à la poursuite des réformes fiscales et à une meilleure rationalisation des dépenses publiques.
Risques à la baisse
Les conflits dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, ainsi que l’insécurité dans la région de l’Extrême-Nord due à la présence des groupes armés, Boko Haram, pourraient s’intensifier, affectant ainsi la production agricole et perturbant les activités économiques dans le pays. D’autres facteurs de risque, tels qu’une baisse des prix du pétrole et du gaz sur les marchés mondiaux, les fluctuations des prix des matières premières agricoles comme le cacao et le café, pourraient entraîner la réduction des recettes d’exportation, ce qui affecterait les finances publiques et la balance commerciale.
De même, des perturbations dans les chaînes d’approvisionnement mondiales pourraient avoir un impact négatif sur les coûts des importations, qui augmenteraient de plus en plus, tandis que des conditions climatiques défavorables, telles que la sécheresse ou des inondations qui affectent la production agricole, compromettrait la sécurité alimentaire et les exportations agricoles, constituant ainsi des facteurs de risque à ne pas négliger.
La transformation structurelle / économique du Cameroun
La structure actuelle de la répartition de l’emploi entre les différents secteurs d’activité n’est pas révélatrice d’un développement industriel affirmé, et encore moins de la transformation structurelle souhaitée. La part du secteur agricole demeure la plus importante malgré sa baisse amorcée au milieu des années 1990, puisque cette part est passée de 75 % en 1990 à 54 % en 2018.
La part de l’emploi du secteur du commerce de gros et de détail, par rapport au stock d’emploi total, s’est en revanche accrue, passant de 7,3 % en 1990 à 17,7 % en 2018 ; tandis que celle de la fonction publique est passée de 1,8 % à 6,4 %. Celle du secteur manufacturier a légèrement augmenté, passant de 5,6 % en 1990 à 8,9 % en 2018.
La plus faible contribution du changement structurel à la productivité du travail a été observée entre 1991 et 1999. C’est la période pendant laquelle le Cameroun a subi une forte crise économique conjuguée à un désengagement quasi-total de l’État de l’appareil productif. L’industrie de première transformation a été sévèrement frappée par cette crise économique, avec la persistance de la baisse des prix des principales matières premières. L’agroalimentaire, plus à l’abri de la concurrence extérieure, a été moins touchée que l’industrie manufacturière.
Principaux obstacles à une transformation structurelle rapide au Cameroun
La faiblesse des infrastructures : En 2018, le pays était classé 28e sur 54 pays avec un score de 19,813 sur 100, selon l’indice de développement des infrastructures en Afrique (AIDI), et 16e sur 54 avec un score de 21,497, selon l’indice des TIC. À la fin du DSCE en 2020, il existait un écart de 1 226 km sur l’objectif attendu, et 88 km d’autoroutes sur 480 km prévus étaient déjà réalisés, mais pas encore mis en exploitation. Ce déficit augmente les coûts de transactions et influe négativement sur la compétitivité de l’économie. Dans le secteur de l’énergie, les différents projets réalisés dans le cadre du DSCE 2010-2020 ont permis de réduire le déficit énergétique du pays. Cependant, le potentiel hydroélectrique reste largement sous-exploité. Seuls 3 % de ce potentiel, estimé à 12 000 MW (le troisième plus grand d’Afrique sub-saharienne, après ceux de la République démocratique du Congo et de l’Éthiopie) est actuellement exploité.
Les défis liés au climat des affaires et de la gouvernance : D’après son classement dans l’indice de compétitivité mondiale, la position du Cameroun a légèrement baissé. Le pays est passé de 121e sur 140 pays avec un score de 45,10 en 2018, à 123e sur 141 pays en 2019 avec un score de 46,02. Selon l’indice de liberté économique élaboré par la « Heritage Foundation » et le Wall Street Journal le Cameroun est classé 121e pays le plus libre sur 184 pays recensés en 2024, avec un score de 53,6, ce qui le place dans la catégorie « mostly unfree ». En matière de gouvernance, le Cameroun se classe à la 36ème position sur 54 pays selon l’indice Mo Ibrahim de 2021.
Insuffisance des compétences et de l’éducation : L’un des défis majeurs posés au Cameroun est le niveau élevé du sous-emploi, évalué à 65 % en 2021. En 2021, le taux de sous-emploi des jeunes avait atteint 70 %, alors que 78 % de la population avait moins de 35 ans. Le taux de chômage se situait à 5,3 % en 2021, comparé à 3,8 % en 2010 selon l’INS, et le chômage des jeunes s’accroît avec le niveau d’instruction, traduisant ainsi l’inadéquation entre la formation et les compétences requises par l’emploi.
Les conflits armés et l’insécurité : Les conflits armés et l’insécurité, surtout dans les régions anglophones (nord-ouest et sud-ouest) et l’Extrême-Nord du pays avec les attaques successives du groupe islamique, Boko-Haram, découragent les investissements, perturbent les activités économiques, compromettant ainsi la croissance économique. Ils entravent également le développement des infrastructures et des services essentiels.
Recommandations de politiques
Recommandations de politiques pour le Cameroun :
- Renforcement de la gouvernance et de la transparence financière dans la gestion des fonds publics et des financements extérieurs afin d’attirer davantage d’IDE.
- Développement des capacités institutionnelles en formant les fonctionnaires et les gestionnaires de projets aux meilleures pratiques de gestion des financements externes.
Réformes nécessaires au niveau de l’architecture financière mondiale :
- Révision des critères d’éligibilité et des conditions de prêt afin d’instaurer des critères plus flexibles et adaptés aux réalités économiques des pays en développement. Un pays comme le Cameroun a besoin de ressources stables, de longue durée, avec des taux d’intérêt bas pour financer ses besoins de développement.
- Promotion de l’inclusivité et de l’équité en assurant une représentation plus équitable des pays en développement dans les instances de décision des institutions financières internationales. Une coopération fiscale internationale inclusive qui concourrait à la réduction des flux financiers illicites au Cameroun pourrait contribuer à augmenter le ratio impôts / PIB, qui est encore très faible (12,6 % en 2023) dans le pays.
