Nous y sommes presque, à la fin d’une nouvelle année. Une année 2024 chargée d’événements troublants et même déroutants partout sur la planète, une année qui n’aura pas vu des populations se réjouir d’un retour à la paix, à la sécurité, à la cohésion sociale, à la confiance dans l’avenir, là où la guerre, la violence sous des formes variées, la peur, se sont installées depuis plusieurs années ou décennies. Ce fut même plutôt une année de fascination pour l’expression de la puissance, de la loi du plus fort, une année de fascination pour les missiles de dernière génération de la Russie de Vladimir Poutine ou du complexe militaro-industriel des Etats-Unis, ou encore pour les drones turcs au très bon rapport qualité prix, selon les experts, vendus comme des petits pains ou presque aux pays africains, entre autres.
Fascination aussi pour les compétences de l’armée et des services de sécurité et de renseignements israéliens capables de faire exploser à distance des appareils de communication de leurs ennemis jurés. Ils n’ont pas arrêté de montrer leur capacité à ne se fixer aucune limite dans l’usage de la force pour éliminer de manière préventive tous leurs ennemis déclarés, non déclarés et même les menaces considérées comme potentielles à moyen ou long terme. En 2024, la banalisation de l’usage disproportionné de la force, celle du non-respect des principes élémentaires du droit international, se sont ancrées encore davantage.
En Afrique, le piège de la violence et de l’instabilité politique continue à assombrir le présent et des perspectives à court et moyen terme d’un trop grand nombre de pays. Au Soudan, la guerre entre deux généraux, leurs troupes respectives et leurs alliés extérieurs respectifs, dévaste des vies, des communautés et le pays depuis mars 2023. Une guerre qui s’accompagne de massacres de civils non armés prenant des allures de nettoyage ethnique ici et là. En République démocratique du Congo, les régions en proie aux violences depuis des années voire des décennies le sont toujours, et le niveau de tension n’a jamais été aussi élevé entre la RDC et le Rwanda qu’au cours de cette année 2024, des voisins proches de l’affrontement direct toujours avec des armes achetées ailleurs, qui nourrissent les économies des principaux pays exportateurs d’équipements militaires au monde.
En Afrique de l’Ouest, 2024 aura été une année contrastée, illustrant une diversité marquée des situations et des trajectoires sécuritaires et politiques, mais aussi une divergence entre d’une part des sociétés fracturées, déboussolées par des années de violence terroriste, de faillite politique et éducative, et d’autre part, des sociétés qui ont réussi à préserver le socle que constituent des institutions politiques stables, prévisibles, reposant sur quelques principes d’un État de droit. Au Sahel central, du Mali au Niger en passant par le Burkina Faso, 2024 aura été l’année de la consolidation des pouvoirs militaires et de leur inclination naturelle pour les approches musclées, forcément partielles et limitées, pour faire face à tous les défis. Elle aura été l’année de l’ivresse du pouvoir qui finit par s’emparer des hommes forts galonnés qui oublient qu’ils ne sont pas plus éternels que les dirigeants militaires ou civils qu’ils ont renversés.
La fascination pour les présidents issus de forces spéciales subsiste chez une partie des populations de ces pays, notamment des jeunes qui n’ont vu des périodes de gouvernance civile que la corruption, la légèreté, l’incapacité à faire face à l’insécurité et au dénuement. La plupart de ces jeunes ne savent pas à quoi à servi historiquement, à quoi sert et à quoi pourrait servir une organisation régionale comme la CEDEAO. Ils ne savent pas qu’une organisation régionale ne se résume pas à la conférence des chefs d’État et de gouvernement des pays membres. Ils ne savent pas que le détachement du Sahel de ses voisins côtiers a plus de chances de les appauvrir davantage que d’améliorer leurs conditions de vie et de dessiner un avenir de progrès partagé pour les populations de l’ensemble de la région.
Ils ne savent pas non plus que le départ de la France et le plaisir que procure le sentiment de se faire enfin respecter ne justifient pas un soutien aveugle à des régimes qui enlèvent des citoyens à tout va, réduisent au silence toutes les voix critiques, poussent à l’exil une bonne partie de leurs citoyens les mieux formés et les plus lucides sur les perspectives économiques de leurs pays dans un contexte d’incertitude politique permanente. Mais partout au Sahel et en Guinée, se tiennent debout des femmes et des hommes qui résistent ouvertement par l’engagement politique ou qui résistent par leur action sur le terrain social, culturel, économique, se focalisant sur les besoins des populations. Nous devons davantage les mettre en lumière et les soutenir.
La fascination pour les hommes forts au détriment des institutions est loin d’être dominante partout en Afrique de l’Ouest. En 2024, les Sénégalais, les Ghanéens, dans des contextes bien différents, ont montré leur attachement aux principes de base de la démocratie et orchestré des alternances politiques spectaculaires au terme d’élections crédibles. Dans des pays où les indicateurs de démocratie et d’État de droit se sont nettement dégradés comme au Bénin ou dans un pays, le Togo, où les citoyens se sont réveillés avec une nouvelle constitution votée en catimini par un parlement en dépassement de mandat, des hommes et des femmes résistent aussi à la tentation de la résignation. Malgré tout.
Mais 2024, ce furent aussi de nombreux événements qui témoignent du dynamisme économique, culturel, sportif sur le continent et dans la région, qui est la plus jeune du monde. Une superbe coupe d’Afrique des nations en Côte d’Ivoire en début d’année, gagnée par le pays hôte après de spectaculaires rebondissements et dans une ambiance festive unique. Une biennale de Dakar qui a attiré massivement des jeunes de toutes les catégories sociales, grâce aux réseaux sociaux aussi populaires que controversés. Une scène musicale internationale où les artistes nigérians confirment d’année en année leur immense talent et leur professionnalisme. Une myriade d’initiatives, de projets très prometteurs dans tous les pays de la région qui mettent en avant les bénéfices de la collaboration, des synergies, dans un objectif commun d’intérêt général. En 2025, nous comptons donner encore davantage la parole à celles et ceux qui incarnent à la fois l’esprit d’entreprise et la volonté de contribuer délibérément au bien commun.
Alors que l’année 2025 sera celle des dix ans d’activité de WATHI, je ne peux que formuler le vœu d’une année qui verra les jeunesses africaines s’intéresser beaucoup plus aux savoirs, à la compréhension du monde, de manière à cultiver la distance, la mesure, la prudence qui permettent de résister aux assauts massifs de la désinformation et de toutes les formes de manipulation de leurs esprits. C’est ce que nous mettrons dans les têtes des enfants qui fera la différence. À WATHI, nous continuerons en 2025 à apporter notre contribution à une Afrique de l’Ouest meilleure, à travers nos publications et nos événements sur une variété encore plus importante de sujets essentiels. Plus de contenus et de débats sur la culture, sur la jeunesse, sur l’économie et une attention spéciale maintenue pour les questions d’éducation et de formation.
Joyeuse fin d’année 2024, et très belle année 2025 à chacune et à chacun de vous ! N’oubliez pas de danser intensément et de célébrer la vie !