

Fati N’Zi-Hassane
Le 31 octobre 2000 marqua un rare moment d’unanimité au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui adopta la résolution 1325 reconnaissant le rôle essentiel des femmes dans la prévention et la résolution des conflits et la nécessité de prendre en compte les besoins spécifiques des femmes et des filles, en période de guerre comme de paix. Partout en Afrique, le rôle traditionnel des femmes dans la résolution des conflits était enfin reconnu.
Cependant, à l’aube du 25ième anniversaire de l’adoption de cette résolution historique, force est de constater qu’il existe bien peu de raisons de célébrer. En effet, les mêmes gouvernements qui s’étaient engagés à soutenir cette résolution phare, ainsi que les missions de maintien de la paix des Nations Unies qui jouent un rôle essentiel dans sa mise en œuvre, se contentent de belles paroles au détriment d’actions concrètes.
Oxfam a récemment démontré dans un rapport que les organisations de défense des droits des femmes et de la paix ne reçoivent désormais que très peu de financement : moins d’un demi-cent pour chaque dollar d’aide. Sur les 148 millions de dollars d’aide mondiale en faveur de l’égalité des sexes, de la paix et de la sécurité qui ont été consacrés aux droits des femmes en 2023, seuls 4,7 millions de dollars, soit 3,1 %, ont effectivement été versés à des organisations locales de défense des droits des femmes.
Les mêmes puissances de l’OTAN qui prônent des politiques étrangères féministes et des plans d’action nationaux sur les femmes, la paix et la sécurité (notamment le Canada, la France, les États-Unis et le Royaume-Uni), ainsi que le Conseil de sécurité des Nations unies, ont largement échoué à agir face aux atrocités commises en République Démocratique du Congo (RDC), au Soudan du Sud et ailleurs.
En première ligne des conflits, les femmes ne sont pas impliquées dans les processus de paix et elles continuent de craindre tous les jours d’être prises pour cible en s’aventurant à la recherche d’eau ou de bois de chauffage pour assurer la survie de leur famille. Les cas avérés de violences sexuelles liées aux conflits ont augmenté de 50 % en 2023, tandis que les violations graves commises contre les filles ont augmenté de 35 %.
À l’aube du 25ième anniversaire de l’adoption de cette résolution historique, force est de constater qu’il existe bien peu de raisons de célébrer. En effet, les mêmes gouvernements qui s’étaient engagés à soutenir cette résolution phare, ainsi que les missions de maintien de la paix des Nations Unies qui jouent un rôle essentiel dans sa mise en œuvre, se contentent de belles paroles au détriment d’actions concrètes
En RDC, seulement 13 % des sièges parlementaires sont occupés par des femmes, et il existe des preuves d’un niveau élevé de violences sexuelles et sexistes liées au conflit. Au Soudan du Sud, le quota politique de 35 % réservé aux femmes ne s’est pas traduit par une influence réelle, dans un contexte de répression et de violence sexuelle et sexiste généralisée utilisée comme arme de guerre.
Quant aux Missions de maintien de la paix, une étude de terrain menée par Oxfam au Mali, en République Centrafricaine, en RDC et au Soudan du Sud révèle que leur manque de communication avec les populations locales les empêche de prendre en compte les besoins spécifiques des femmes.
Une femme représentante de la société civile à Ségou au Mali a mentionné à notre recherchiste, au sujet de la défunte Mission de maintien de la paix au Mali (MINUSMA) : « L’un des plus grands défauts de la MINUSMA était qu’elle n’impliquait pas les populations dans la prise de décision. Ils ne communiquaient pas assez avec les autorités et les communautés. »
Pourtant, à travers le continent, les mouvements féministes réinventent la paix à partir de la base, depuis les « salles de crise féminines » au Liberia et en Sierra Leone jusqu’aux caravanes transfrontalières pour la paix dans la Corne de l’Afrique. Ces efforts montrent que lorsque les femmes prennent les rênes, la paix devient plus inclusive, plus durable et plus ancrée dans le bien-être de la communauté.
Les mêmes puissances de l’OTAN qui prônent des politiques étrangères féministes et des plans d’action nationaux sur les femmes, la paix et la sécurité (notamment le Canada, la France, les États-Unis et le Royaume-Uni), ainsi que le Conseil de sécurité des Nations unies, ont largement échoué à agir face aux atrocités commises en République Démocratique du Congo (RDC), au Soudan du Sud et ailleurs
Si les gouvernements qui ont célébré l’adoption de la résolution 1325 il y a 25 ans souhaitent réellement honorer leurs engagements, ils doivent aujourd’hui amorcer un virage profond. Cela passe par une réorientation significative des budgets militaires vers des initiatives de consolidation de la paix, et par l’allocation d’au moins la moitié des fonds destinés aux femmes et aux enfants affectés par les conflits armés, directement aux organisations locales œuvrant pour les droits des femmes.
Pour que les missions de paix soient réellement efficaces, elles doivent instaurer un dialogue durable avec les communautés locales, en particulier les femmes et les jeunes, veiller à leur offrir une protection ainsi qu’un accès à des services adaptés à leurs besoins et les aider à participer aux processus de paix.
De même, les gouvernements africains et les organismes régionaux tels que l’Union africaine et les Communautés économiques régionales doivent aller au-delà des discours pour veiller à ce que leurs cadres de paix et de sécurité accordent véritablement la priorité au leadership et à la sécurité des femmes.
La paix véritable en Afrique ne viendra pas des fusils ni des déclarations faites dans les salles de réunion, mais de l’investissement dans les femmes et les mouvements qui ont longtemps maintenu la cohésion de leurs communautés malgré les pires crises.
Crédit photo : centrerecherche.com
Fati N’Zi-Hassane est directrice d’Oxfam en Afrique depuis 2022. Avant cela, elle a occupé diverses fonctions de haut niveau au sein de l’Agence de développement de l’Union africaine – AUDA-NEPAD, où elle travaillait depuis 2016. Dans son dernier rôle, elle a notamment supervisé la composante Santé de la réponse de l’Agence à la crise COVID-19.
