Auteur: David E Kiwuwa
Site de publication: The Conversation
Type de publication: Article
Date de publication: Octobre 2024
Lien vers le document original
Le président Paul Biya du Cameroun est âgé de 91 ans. Il est le chef d’État le plus âgé d’Afrique et seul le président Teodoro Obiang Nguema de la Guinée équatoriale voisine, qui a 82 ans, est resté au pouvoir plus longtemps que lui.
Paul Biya dirige le Cameroun depuis 1982, après avoir exercé les fonctions de Premier ministre à partir de 1975. Ces dernières semaines, les spéculations sur la santé du nonagénaire se sont multipliées. Certaines rumeurs laissaient même entendre qu’il serait mort. Cela a conduit le gouvernement camerounais à publier une déclaration interdisant toute information sur son état de santé.
Ces cycles de rumeurs se sont répétées chaque fois que Biya a disparu pendant une longue période. Avant son arrivée à l’aéroport international de Yaoundé le 21 octobre, Biya a été vu pour la dernière fois en public le 8 septembre, lorsqu’il a participé à un forum Chine-Afrique à Pékin.
Le pays se trouve dans une situation précaire, incertain de ce qui se passera après Biya, qui a gouverné d’une main de fer. Les mandats prolongés ne se terminent souvent pas bien, comme en témoignent de nombreux exemples sur le continent, qui révèlent un risque élevé d’instabilité politique. Les cas les plus frappants sont ceux de la Libye, de la Tunisie, du Soudan, du Gabon, du Tchad et de la République démocratique du Congo.
Paul Biya dirige le Cameroun depuis 1982, après avoir exercé les fonctions de Premier ministre à partir de 1975. Ces dernières semaines, les spéculations sur la santé du nonagénaire se sont multipliées. Certaines rumeurs laissaient même entendre qu’il serait mort. Cela a conduit le gouvernement camerounais à publier une déclaration interdisant toute information sur son état de santé
L’héritage
Selon le Programme alimentaire mondial, plus de 55 % des Camerounais vivent dans la pauvreté et 37,7 % sont gravement appauvris. Les infrastructures du pays sont en mauvais état. Alors que le port de Douala a été modernisé et que les liaisons ferroviaires régionales telles que les lignes Douala-Yaoundé ont été développées, les infrastructures routières et ferroviaires sont à peine fonctionnelles. Selon Transparency International, la corruption est endémique au Cameroun. Le pays se classe 140e sur 180. Et ce, en dépit des efforts officiels déployés pour y remédier.
Le népotisme et le tribalisme perdurent car Biya a mis en place un système étatique clientéliste. Par exemple, les Beti, qui sont les parents ethniques du président, occuperaient une part disproportionnée des postes de haut niveau au sein du gouvernement et de l’armée. Pourtant, ils ne représentent qu’un faible pourcentage de la population. Cette situation a engendré un système kleptocratique qui s’accompagne d’un ressentiment communautaire généralisé. Aujourd’hui, le Cameroun est une société fracturée, le sud-ouest réclamant plus d’autonomie et de justice linguistique, voire l’autodétermination. La création de la Commission du bilinguisme et du multiculturalisme et la désignation d’un statut spécial pour les régions rebelles n’ont guère contribué à apaiser la crise.
Un paysage politique fragmenté
En 1992, Biya a accepté le multipartisme. Mais depuis lors, il a fait supprimer la limitation du nombre de mandats et il en est à son septième mandat. Mais à l’approche de la fin de sa vie et sans successeur désigné, il existe une réelle possibilité que diverses factions du régime Biya, telles que celles de Frank Biya, Ngoh Ngoh, Laurent Esso ou même les militaires, se bousculent et se battent pour le pouvoir. Sans une culture politique fondée sur le respect des contraintes politiques, l’instabilité semble inévitable. Et la rébellion du sud-ouest pourrait intensifier sa pression militaire et politique afin de renforcer son influence sur ceux qui prendront le pouvoir après Biya. La capacité des prochains dirigeants politiques à établir un programme de transformation pour la réconciliation sociopolitique et le renouveau national dépendra de leur aptitude à trouver un grand compromis.
