Auteur: Institut international de l’UNESCO pour la planification de l’éducation
Site de publication : UNESCO bibliothèque numérique
Type de publication : rapport: document de programme et de réunion
Date de publication : 2021
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L’éducation en Guinée est financée par une diversité d’acteurs : l’État, mais aussi les familles, les communautés de base, les partenaires techniques et financiers (PTF), ainsi que des ONG. Hallak et Poisson (2009) ont montré que les risques de corruption (tels que la transgression des règles et procédures, le non-respect des critères, l’inflation des coûts et activités, la prévarication, etc.) diffèrent selon les flux de financement, selon qu’ils sont destinés aux salaires, à la construction d’infrastructures, etc. Levačić et Downes ont également mis en avant le fait qu’à chaque formule d’allocation des fonds correspondent des risques différents. Une identification précise de ces risques requérait, dans le contexte guinéen, des enquêtes complémentaires telles qu’une ESDP ou une enquête d’évaluation citoyenne. Cette étude se contentera à ce stade d’une revue des risques possibles de corruption en matière de financement, de contributions des familles et de bourses aux étudiants.
Financement des écoles et des Universités
Depuis les années 2000, la budgétisation des programmes éducatifs a été déconcentrée. Elle mobilise à la fois le niveau central, régional, préfectoral et celui de l’école. La responsabilité des budgets de fonctionnement a été transférée au niveau local. Une cellule interministérielle, chargée de coordonner le développement d’un cadre des dépenses à moyen terme, est hébergée au MENA, mais chaque ministère ayant en charge l’éducation produit depuis 2012 son propre cadre tous les trois ans. Cette cellule élabore une note de cadrage chaque année et aide les autorités déconcentrées à préparer leur plan budgétaire. Elle suit l’exécution budgétaire tant au niveau central que local.
La subvention aux écoles, introduite en 1993, a été reprise plus récemment dans le cadre du Fonds commun pour l’éducation de base. Calculée sur la base des effectifs de chaque école, elle est versée directement aux établissements pour leur fonctionnement et les frais de formation du personnel. Elle est transférée aux DPE puis aux délégations scolaires de l’enseignement. Les directeurs d’école doivent communiquer aux autorités leur plan d’action expliquant la manière dont ils vont dépenser ces sommes et suivre le manuel de procédures. Ils doivent également communiquer des pièces justificatives une fois les activités réalisées. La Direction nationale de l’enseignement fondamental procède chaque année à des vérifications dans deux ou trois écoles par préfecture pour contrôler la mise en œuvre des activités déclarées. En cas de problème, elle envoie un avertissement aux directeurs. Toutefois, les autorités restent confrontées à l’absence de pièces justificatives ou à la présentation de pièces non conformes, ainsi qu’à la difficulté de faire remonter l’information sur les activités non exécutées.
Dans le cas de l’enseignement supérieur, les universités soumettent leurs demandes de financement au MESRS. Ces demandes sont débattues lors de la Conférence consacrée à la planification budgétaire du cadre des dépenses à moyen terme qui a lieu tous les trois ans. Les allocations sont calculées non pas sur la base du nombre d’étudiants mais du budget de l’année précédente majoré de 5 %. Le salaire des enseignants n’est pas inclus dans le budget affecté aux universités, contrairement à celui des assistants et contractuels. La subvention de l’État est accompagnée d’un état de liquidation, qui oriente l’exécution des dépenses : fonctionnement, recherche, pédagogie, personnel (notamment contractuel).
Chaque université possède un pôle financier composé d’un département des affaires financières, un agent comptable, ainsi qu’un contrôleur financier qui dépend du ministère de l’Économie et des Finances. Le recteur est l’unique ordonnateur des dépenses. Tous les documents passent par le contrôleur financier chargé d’autoriser les dépenses. Chaque université doit justifier l’utilisation de ses fonds auprès du ministère du Budget. Ses comptes sont soumis au contrôle de la Cour des comptes. Les possibilités de transfert entre lignes budgétaires ont été suspendues depuis l’arrivée du nouveau recteur. Les visites des membres de la Cour des comptes sont plus fréquentes ; à cette occasion, la Cour recommande que l’université fournisse des factures même pour des petites sommes et qu’une comptabilité auxiliaire soit mise en place au niveau des facultés. L’IGE audite le budget de chaque université tous les trois ans ; elle peut également être saisie ou s’autosaisir en cas de problème avéré.
Plus de la moitié des enseignants à l’université touchent leur salaire directement sur leur compte bancaire, les autres lors d’opérations de billetage. Les risques de prélèvement lors du billetage apparaissent limités. Les risques résident davantage dans le cas d’enseignants qui n’occupent plus leur poste mais dont le salaire continue à être versé du fait de délais dans la remontée de l’information auprès du ministère de la Fonction publique.
Contributions des familles
Les familles participent au financement de l’éducation principalement par l’intermédiaire des APEAE. Leur contribution peut être en nature, en participant à des travaux réalisés dans l’école, ou en argent, sous forme de cotisations versées à l’APEAE pour couvrir l’achat de mobilier, de fournitures, des primes destinées aux enseignants, ou le paiement des salaires d’enseignants contractuels au primaire et au secondaire. Le montant des cotisations parentales est fixé par l’APEAE et les fonds sont collectés à la demande de son président. Les représentants des APEAE interrogés se plaignent que seuls les directeurs d’école sont décisionnaires dans l’utilisation de ces fonds et que les APEAE disposent de peu de moyens de contrôle. Selon eux, les familles paient par fatigue et leur relation de confiance avec l’école est mise en question.

Bourses versés aux étudiants
Selon les chiffres de 2017 communiqués par le MESR, les étudiants boursiers étaient au nombre de 96 062 (soit 95 % des étudiants) en 2016/2017. Le montant des bourses représentait près des deux tiers de la totalité des dépenses courantes affectées au supérieur en 2016. Ils se répartissaient entre 54 559 boursiers scolarisés dans les universités publiques et 41 503 boursiers dans les universités privées. Cette situation faisait suite à la décision prise par l’État en 2006 d’accorder des bourses aux étudiants du privé afin de favoriser l’accès à l’enseignement supérieur dans un contexte de faible capacité d’accueil des établissements publics. Ce système de financement a été suspendu depuis la rentrée 2017/2018 du fait de coûts trop élevés, ce qui a réduit le nombre d’étudiants du privé et le nombre d’étudiants globalement.
Les entretiens réalisés dans le cadre de cette étude ont fait apparaître plusieurs arguments en défaveur de l’attribution de bourses aux étudiants du privé : redirection des fonds publics vers des établissements privés détenus en partie par d’anciens décideurs politiques ou des retraités de l’Éducation nationale, et surévaluation des coûts par filière. Un nouveau calcul des coûts unitaires par filière serait en cours pour améliorer la transparence.
La gestion des bourses se pose également pour le secteur public avec le problème des étudiants fictifs. Le recensement biométrique de tous les étudiants en 2016/2017, l’obligation de présence pour toucher la bourse et la volonté de bancariser les bourses par le MESRS sont autant de mesures allant dans le sens d’une plus grande transparence et redevabilité.
Le Tableau 5 récapitule les principaux risques de corruption liés au financement, aux contributions des élèves et aux bourses étudiantes.

Recommandations
- Réaliser une nouvelle ESDP pour tracer les flux de financement depuis le niveau central jusqu’aux écoles, en priorité la subvention scolaire dans l’enseignement général et EFTP.
- Renforcer les capacités en planification et gestion des budgets au niveau local et scolaire, chaque école devant élaborer un plan d’action pour justifier ses dépenses.
Chaque école (enseignement général, technique et professionnel) devrait disposer de son propre compte bancaire. - Instaurer des règles claires sur le montant des frais collectés auprès des familles et les communiquer au public par divers canaux (affichage, radio, etc.).
- Établir des normes transparentes pour le recrutement du personnel contractuel et le versement des primes aux enseignants, les rendre publiques et veiller à leur application.
Revoir le système de gouvernance des écoles pour mieux associer l’ensemble des acteurs (APEAE, communautés, élèves) aux décisions. - Promouvoir des enquêtes d’évaluation citoyenne pour estimer les montants réellement prélevés au niveau des familles et favoriser la discussion avec les parties prenantes.
- Réaliser un calcul approfondi des coûts unitaires dans l’enseignement supérieur par filière pour plus de transparence et d’efficacité dans l’allocation des fonds entre IES.
- Poursuivre l’inclusion financière au niveau du MESRS, incluant tous les paiements dans un système de gestion électronique unique.
- Encadrer les transferts entre lignes budgétaires au niveau des universités.
- Encourager la mise en place de comptabilités auxiliaires dans les facultés où elles n’existent pas.
- Continuer le recensement biométrique des étudiants et la bancarisation des bourses avec obligation de toucher la bourse à l’endroit de scolarisation.
- Encourager les universités à renforcer leurs systèmes d’audits internes.
- Former les représentants de l’Inspection générale de l’éducation au contrôle financier et les doter des outils appropriés.
