Auteur: Groupe de la banque mondiale
Site de publication: BM
Type de publication: Rapport
Date de publication: 2024
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Contexte et objectifs
Le Bassin du Congo s’étend sur six pays : le Cameroun, la République centrafricaine, la Guinée équatoriale, le Gabon, la République démocratique du Congo (RDC) et la République du Congo. Ensemble, ces pays abritent la deuxième forêt tropicale du monde par sa taille et le plus vaste paysage forestier ininterrompu restant. Ce bassin constitue un puits de carbone vital, crucial pour l’équilibre écologique et la stabilisation du climat à l’échelle régionale et mondiale. C’est un riche réservoir de biodiversité et un précieux habitat pour 60 millions d’habitants pour qui ces forêts sont des ressources naturelles indispensables et font également partie intégrante de leur patrimoine culturel.
Les bienfaiteurs internationaux ont reconnu l’importance primordiale des forêts du Bassin du Congo, engageant 1,5 milliard USD entre 2021 et 2025 pour contribuer à leur protection et à leur gestion durable. Pourtant, ces engagements, bien que louables, ne se sont pas pleinement concrétisés en actions. Selon les constats de l’évaluation mondiale de la Déclaration sur les forêts de 2022, un an après la COP 26, le monde a enregistré une perte de 6,8 millions d’hectares de forêt, entraînant l’émission de 3,9 milliards de tonnes de gaz à effet de serre. Il reste à peine six ans pour réaliser l’objectif ambitieux de mettre un terme à la déforestation et de l’inverser d’ici 2030.
La politique fiscale est un instrument institutionnel souvent sous-exploité dans les actions visant à favoriser l’utilisation durable des ressources forestières et la croissance alors qu’elle peut jouer un rôle complémentaire important par rapport à d’autres instruments tels que la réglementation, l’information et le bénévolat. En particulier, la politique fiscale tend à agir avec efficacité dans les cas où les agents économiques réagissent aux signaux de prix et où la faiblesse de la capacité de gouvernance entrave l’application effective des réglementations.
État et tendances des forêts au Cameroun
Le Cameroun possède de vastes zones forestières, riches en biodiversité et essentielles à la régulation climatique et aux moyens de subsistance des peuples autochtones et des communautés locales qui dépendent des ressources forestières. Les forêts couvrent environ 35 % de la superficie du Cameroun et jouent un rôle essentiel dans la régulation du carbone et par-là dans la régulation du climat à l’échelle du pays et de la région. Elles représentent également un sanctuaire pour les populations autochtones qui dépendent fortement des ressources forestières pour leur alimentation et leur cadre de vie. La végétation est dominée par la steppe et le Yaéré à l’Extrême-Nord, la savane au Nord, l’Adamaoua et les forêts semi-décidues au Sud, et les forêts sempervirentes et les mangroves dans la zone côtière.
La politique fiscale est un instrument institutionnel souvent sous-exploité dans les actions visant à favoriser l’utilisation durable des ressources forestières et la croissance alors qu’elle peut jouer un rôle complémentaire important par rapport à d’autres instruments tels que la réglementation, l’information et le bénévolat
Place de l’exploitation forestière dans l’économie camerounaise
L’agriculture est un secteur majeur de l’économie camerounaise, représentant 17 % de son PIB en 2022 et employant 43 % de la main-d’œuvre. Malgré un potentiel agricole important, le pays reste confronté à de grandes difficultés à assurer une alimentation appropriée pour sa population. Cette situation, combinée à la croissance rapide de la population– à un rythme annuel moyen de 2,7 % au cours des cinq dernières années – et à d’autres défis économiques et sociaux, soulève de véritables problématiques en matière de sécurité alimentaire, de gestion durable de l’expansion agricole et de gestion des terres face à l’objectif de préserver la biodiversité et la viabilité des forêts.
La contribution du secteur forestier à l’économie camerounaise a toujours été significative, bien qu’elle soit faible par rapport à son potentiel. Bien que sa contribution au PIB national ait légèrement diminué au cours des deux dernières décennies, l’industrie forestière continue de jouer un rôle crucial dans l’économie. Au début des années 2000, elle représentait 20 % des exportations et 4,0 % du PIB. En 2022, sa contribution au PIB était de 3,8 %.
La chaîne de valeur forestière est la troisième source de recettes d’exportation du Cameroun après les secteurs du cacao et des hydrocarbures. En 2022, elle représentait 314,8 milliards FCFA de recettes d’exportation (9,0 % des recettes totales d’exportation). Les exportations du secteur de l’exploitation forestière et du bois sont principalement composées de produits sous forme de grumes et de bois sciés.
L’agriculture est un secteur majeur de l’économie camerounaise, représentant 17 % de son PIB en 2022 et employant 43 % de la main-d’œuvre. Malgré un potentiel agricole important, le pays reste confronté à de grandes difficultés à assurer une alimentation appropriée pour sa population
Le Cameroun est le plus grand producteur et exportateur de grumes de la région CEMAC, mais la transformation des grumes en produits finis y est encore faible. En raison de problèmes liés au manque d’infrastructures adaptées, à l’exploitation forestière illégale et aux problèmes de gouvernance et à la corruption, l’industrie forestière camerounaise est limitée aux produits de bois de première transformation, à savoir les bois ronds industriels et le bois scié, qui constituent l’essentiel des exportations de bois.
Augmentation de la déforestation
Le taux annuel de déforestation au Cameroun suit une tendance à la hausse, passant de 0,1 % à 0,6 % entre 2008 et 2020, alors que le taux de reboisement stagne à 0,1 %. Ces tendances ont entraîné un déclin de la biodiversité et une baisse de la séquestration du carbone et posent des défis en matière de gestion forestière. De nombreuses menaces pèsent sur les terres forestières du Cameroun, notamment la déforestation due à l’agriculture à petite échelle, l’exploitation forestière illégale, les activités minières incontrôlées et les pratiques non durables d’utilisation des terres telles que l’agriculture sur brûlis et le développement agro-industriel non réglementé.
Les facteurs de déforestation sont divers et liés entre eux, variant d’une région à l’autre dans bien des cas. Dans la zone des trois frontières Dja-Odzala-Minkebe (TRIDOM), la déforestation est principalement due à la construction d’infrastructures minières, routières et ferroviaires et à l’exploitation forestière. À Ebo, la production d’huile de palme et de maïs sont les principales sources de déforestation. À Campo, l’expansion urbaine, les projets d’infrastructures et les plantations de palmiers à huile sont les grands contributeurs à la perte du couvert forestier. Au Grand Mbam, les activités forestières et la culture du cacao sont les principales causes de la déforestation. Enfin, dans le nord du pays, la déforestation est imputable à la culture du coton, aux cultures vivrières, à l’exploitation du bois de feu et à la transhumance.
De nombreuses menaces pèsent sur les terres forestières du Cameroun, notamment la déforestation due à l’agriculture à petite échelle, l’exploitation forestière illégale, les activités minières incontrôlées et les pratiques non durables d’utilisation des terres telles que l’agriculture sur brûlis et le développement agro-industriel non réglementé
Émissions de carbone et engagements au titre de la CDN
Les émissions liées au changement d’affectation des terres et à la foresterie sont le deuxième contributeur aux émissions totales de gaz à effet de serre au Cameroun, après l’industrie. Les émissions de gaz à effet de serre (GES) du Cameroun n’ont que légèrement augmenté au cours des deux dernières décennies tandis que les émissions par habitant ont considérablement diminué. Cette situation résulte des efforts de reforestation et de la réorientation du bouquet énergétique en faveur des énergies renouvelables. Les émissions totales ont augmenté modérément, passant de 126 millions de tonnes en 2001 à 128 millions de tonnes en 2020, tandis que les émissions par habitant ont diminué de 9,54 tonnes d’équivalent CO2 par habitant en 1998 à 4,84 tonnes en 2020.
Les secteurs contribuant le plus aux émissions de GES sont l’industrie (60,3 millions de tonnes), le changement d’affectation des terres et la foresterie (35,1 millions de tonnes) et le secteur de l’énergie (15,7 millions de tonnes). En l’absence de toute action et dans un scénario de statu quo, une augmentation significative des émissions de gaz à effet de serre (GES) devrait se produire d’ici 2030, selon les propres projections du Cameroun. Les émissions devraient augmenter de 71 % par rapport à leur niveau de 2010, soulignant le besoin urgent d’engagements forts et de réformes des politiques forestières.
Étude des instruments de politique fiscale forestière au Cameroun
Charges annuelles récurrentes
Les charges annuelles récurrentes se présentent sous plusieurs formes, notamment les taxes foncières (correspondant à un pourcentage de la valeur de la propriété, valeur des arbres incluse ou exclue) et la redevance superficiaire (une taxe fixe en fonction de la superficie du terrain). Les redevances superficiaires sont généralement plus simples à mettre en œuvre étant donné que la fiscalité foncière exige de réaliser régulièrement des réévaluations des terres. Cependant, les redevances superficiaires impliquent également un certain niveau de sophistication administrative dans la mesure où elles sont généralement déterminées par une évaluation de la concession forestière qui peut devoir être ajustée au fil du temps. Cette réévaluation est parfois réalisée par mise en enchères.
Le Cameroun n’impose pas de taxes foncières sur les terres forestières quoiqu’il lève des taxes foncières. Le taux applicable, l’assiette fiscale et les autres modalités fiscales sont énoncés en détail à l’article 243 du Code général des impôts, les recettes fiscales étant détaillées dans le projet de loi de règlement de l’année suivante. Une redevance annuelle minimale de 2 500 FCFA par hectare est appliquée pour une licence d’exploitation d’une durée d’un an, tandis qu’une redevance annuelle de 1 000 FCFA est appliquée par hectare pour les licences d’exploitation de plus longue durée.
Ajuster les taxes forestières en fonction de la durabilité des méthodes de production
Les avantages fiscaux et écologiques des taxes forestières dépendent du ciblage précis de l’assiette fiscale. Les taxes sur les produits de bois pèsent essentiellement sur la production, alors que l’impact environnemental varie considérablement en fonction des méthodes de production utilisées. Idéalement, les taxes forestières environnementales devraient cibler directement les méthodes de manière à encourager les investissements dans la gestion durable des forêts.
Une redevance annuelle minimale de 2 500 FCFA par hectare est appliquée pour une licence d’exploitation d’une durée d’un an, tandis qu’une redevance annuelle de 1 000 FCFA est appliquée par hectare pour les licences d’exploitation de plus longue durée
En particulier, l’ajustement dynamique des taux d’imposition en fonction de la durabilité des pratiques de production, qui est l’idéal, ressort comme un principe optimal de fiscalité environnementale forestière, marquant une rupture d’avec les modèles d’imposition uniforme du passé.
Bien que les régimes fiscaux des produits de base puissent favoriser des pratiques durables, la variation des taux d’imposition en fonction des méthodes de production se heurte souvent un défi pratique, à savoir la faible compréhension que les autorités fiscales ont des spécificités de ces méthodes. Ce manque d’information entrave la capacité à ajuster les taux d’imposition avec précision en rapport à la durabilité des pratiques de production, diluant ainsi l’efficacité environnementale de ce type de fiscalité. Pour surmonter cet obstacle, il faut des stratégies innovantes permettant aux autorités fiscales d’accéder à des informations détaillées sur les techniques de production, facilitant ainsi des politiques fiscales plus nuancées et plus efficaces.
L’intégration de la certification de durabilité dans la politique fiscale offre une solution prometteuse à ce défi. En tirant parti des évaluations détaillées menées par les agences de certification, les autorités fiscales peuvent mettre les taux d’imposition en plus étroite cohérence avec l’impact environnemental des méthodes de production. Le fait d’accorder des réductions ou des exonérations fiscales aux produits certifiés durables introduit une structure incitative qui encourage les producteurs à adopter des pratiques plus respectueuses de l’environnement.
