Auteur: Banque mondiale
Site de publication: GBM
Type de publication: Rapport
Date de publication: Juillet 2025
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Dynamiques récentes de la croissance et de l’inflation au Cameroun
Le PIB réel du Cameroun a enregistré une croissance de 3,5 % en 2024, contre 3,2 % en 2023, porté par la hausse des cours du cacao et les rendements cotonniers, ainsi que par l’amélioration de l’approvisionnement en électricité. Les cours du cacao sur les marchés internationaux sont en hausse depuis fin 2023, et les prix au producteur ont suivi la même tendance, le marché intérieur ayant été libéralisé dans les années 1990. L’État régule le marché du cacao pour assurer un équilibre de pouvoir entre exportateurs et producteurs locaux, partageant les informations sur les prix internationaux à cette fin.
Cette approche a permis d’augmenter les revenus des producteurs, faisant passer la contribution de la consommation privée à la croissance de 2,6 points de pourcentage en 2023 à 3,6 points de pourcentage en 2024. La production de coton a également progressé en 2024 grâce à de meilleurs rendements et aux efforts de lutte contre la contrebande, la SODECOTON, entreprise publique, appuyant les producteurs individuels par des prêts, des dotations en intrants et des incitations pour améliorer la qualité du coton.
La performance de l’industrie s’est améliorée en 2024 par rapport à 2023 malgré le déclin continu de la production pétrolière. L’approvisionnement en électricité s’est renforcé, principalement grâce à la mise en service complète du barrage hydroélectrique de Nachtigal (420 MW) et à la mise en service du barrage de Lom Pangar (30 MW). Ces améliorations ont toutefois eu un impact limité sur l’activité économique globale (voir Encadré 1 ci-dessous).
Le PIB réel du Cameroun a enregistré une croissance de 3,5 % en 2024, contre 3,2 % en 2023, porté par la hausse des cours du cacao et les rendements cotonniers, ainsi que par l’amélioration de l’approvisionnement en électricité. Les cours du cacao sur les marchés internationaux sont en hausse depuis fin 2023, et les prix au producteur ont suivi la même tendance, le marché intérieur ayant été libéralisé dans les années 1990
Néanmoins, les industries manufacturières et le secteur du bâtiment ont contribué pour 0,6 point de pourcentage à la croissance du PIB en 2024. La valeur ajoutée manufacturière atteint 13,9 % du PIB en 2024 – en hausse de 0,4 point de pourcentage par rapport à 2023 – mais reste en dessous de l’objectif de 25 % du PIB à l’horizon 2030, fixé dans la Stratégie Nationale de Développement 2030 (SND30).
Le secteur des services est resté le principal moteur de la croissance réelle du PIB en 2024. Les tendances d’urbanisation actuelles au Cameroun, marquées par une migration significative du secteur agricole rural vers les services urbains, ont maintenu la contribution du secteur des services à la création de valeur. Cela a notamment stimulé les activités commerciales, qui ont continué de se développer en 2024 malgré les contraintes imposées par l’état de dégradation du réseau routier. Le secteur financier a porté la dynamique des services en 2024, connaissant une croissance notable de l’activité de crédit avec l’entrée de deux nouvelles banques sur le marché. Ainsi, le crédit au secteur privé a augmenté de 25,6 % en 2024, entraînant une croissance annuelle du secteur financier de 8,9 %.
Comptes publics : Dérapage budgétaire et légère augmentation de la dette publique
Le déficit budgétaire global s’est creusé à 1,5 % du PIB en 2024, contre 0,7 % un an plus tôt, en raison de dérapage en matière de dépenses courantes et d’un niveau de recettes inférieur aux prévisions. Selon les estimations début 2025, il était prévu une baisse du déficit public à 0,4 % du PIB en 2024 , grâce à une hausse du ratio recettes/PIB et à l’impact positif de la baisse des subventions aux carburants. Cependant, des résultats moyens en matière de recettes et l’utilisation de l’espace budgétaire libéré par la réduction de ces subventions au profit d’un accroissement des dépenses de biens et services ont provoqué un dérapage budgétaire substantiel en 2024.
Le Cameroun s’appuie largement sur des impôts indirects régressifs, la majorité de ses recettes fiscales provenant de ces sources, principalement la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). En 2024, les impôts indirects — TVA, droits d’accise, taxes spéciales sur les produits pétroliers, taxes sur le commerce international, taxes forestières, droits d’enregistrement et de timbre — ont représenté près de 70 % du total des recettes fiscales. À elle seule, la TVA a contribué à plus de 35 % des recettes fiscales en 2024, principalement à partir de la consommation intérieure. En revanche, la fiscalité directe, notamment l’impôt sur le revenu, est restée stationnaire à 30 % des recettes fiscales. Les taxes sur le commerce international, malgré des taux de droits de douane supérieurs à ceux de la plupart des pays à revenu faible ou intermédiaire d’Afrique subsaharienne, ont représenté environ 1,6 % du PIB ou 13,2 % des recettes fiscales totales en 2024, affichant une tendance à la hausse.
Enjeux et défis structurels au Cameroun
Les mesures relatives au secteur privé, telles que les investissements directs étrangers et la valeur ajoutée industrielle, ont stagné ou reculé au cours de la période de référence. Les indicateurs relatifs aux infrastructures, tels que l’accès à l’électricité et la performance logistique, affichent des résultats mitigés. Le secteur privé camerounais reste confronté à des défis systémiques : insuffisance des services publics, infrastructures défaillantes, accès limité au financement et concurrence faussée par la prédominance de l’État, le tout accentué par des barrières commerciales élevées.
Cependant, le secteur des services, bien que représentant plus de la moitié du PIB, est très informel et manque d’emplois de qualité. L’industrie manufacturière pâtit de coûts de production élevés et d’un accès limité au crédit, à la technologie, aux intrants étrangers et aux compétences. De multiples contraintes pèsent sur le climat d’investissement, comme en témoignent un taux de formation brute de capital et un niveau d’IDE inférieurs à ceux observés chez les pays pairs. Par ailleurs, la productivité du travail décline, du fait de la croissance d’emplois peu qualifiés et du manque d’expansion de la production et d’investissements.
Évolution de la richesse nationale du Cameroun
Les actifs de richesse du Cameroun sont majoritairement constitués de capital naturel et de capital humain, dont la valeur a presque doublé entre 1995 et 2020. La richesse totale du pays suit une trajectoire de croissance continue, atteignant 553 milliards USD en 2020, contre 311 milliards USD (en dollars constants de 2019) en 1995. En 2020, cette richesse représentait environ 14 fois le PIB nominal. du Cameroun.
Les mesures relatives au secteur privé, telles que les investissements directs étrangers et la valeur ajoutée industrielle, ont stagné ou reculé au cours de la période de référence. Les indicateurs relatifs aux infrastructures, tels que l’accès à l’électricité et la performance logistique, affichent des résultats mitigés. Le secteur privé camerounais reste confronté à des défis systémiques : insuffisance des services publics, infrastructures défaillantes, accès limité au financement et concurrence faussée par la prédominance de l’État, le tout accentué par des barrières commerciales élevées
Le capital humain constitue historiquement la principale composante du portefeuille d’actifs du pays, représentant 54 % de la richesse nationale en 2020, suivi du capital naturel (39 %) et du capital produit (7 %). Si la valeur des actifs naturels du Cameroun n’a progressé que de 4 % entre 1995 et 2020, le capital humain a bondi de 129 %. La croissance la plus rapide a été observée en ce qui concerne le capital produit, qui a augmenté de 231 %, en grande partie grâce aux investissements publics massifs dans les infrastructures au cours des années 2010.
Malgré la croissance globale de la richesse totale, la richesse nationale par habitant a diminué de 11 % entre 1995 et 2020 (figure 27d), sur fond de forte croissance démographique, comme dans d’autres pays de la région. La population du Cameroun a plus que doublé au cours de cette période, passant de 13 à 28 millions d’habitants. L’indice de richesse nationale (IRN) par habitant, qui mesure la valeur réelle du capital produit, humain, naturel et physique du pays, est passé de 100 en 1995 à 89 en 2020, ce qui correspond à une baisse annuelle moyenne de –0,4 %.
Le Cameroun a ainsi connu un déclin de la richesse par habitant tout en enregistrant une croissance positive du PIB par habitant. En comparaison, la moyenne des pays d’Afrique subsaharienne et des PRITI a connu une croissance positive à la fois du PIB et de la richesse. Ce constat indique que la croissance économique au Cameroun ne s’est pas accompagnée d’une accumulation durable de richesse.
Capital naturel non renouvelable
La richesse naturelle non renouvelable du Cameroun est en déclin constant, principalement en raison de l’épuisement des ressources pétrolières. Les actifs en capital non renouvelable dépendent fortement de facteurs tels que les cours des matières premières, les avancées technologiques et la découverte de nouvelles réserves. Entre 1995 et 2020, la valeur du capital naturel non renouvelable du Cameroun a chuté de 57 % en valeur absolue, une tendance largement portée par la baisse des actifs pétroliers, qui ont diminué de 50 %. En 2020, la valeur totale du capital naturel non renouvelable était estimée à 7,5 milliards USD, contre 17,5 milliards en 1995 (en dollars constants de 2019).
Le Cameroun est moins dépendant des ressources non renouvelables que bon nombre de ses pays voisins. En 2020, le pétrole représentait 45 % et le gaz 48 % du capital naturel non renouvelable du Cameroun, tandis que les métaux et les minéraux en constituaient les 7 % restants. À titre de comparaison, dans des pays voisins tels que le Gabon et le Congo, le pétrole représente respectivement 93 % et 97 % de ce capital.
Le Cameroun dispose d’un fort potentiel minier, qui devrait être exploité tout en veillant à éviter les dommages écologiques non soutenables. Malgré l’ampleur des réserves, une grande partie de la richesse minérale du pays reste inexploitée en raison de plusieurs contraintes. Les faibles cours des matières premières ont souvent rendu l’extraction et la commercialisation de ces ressources peu rentables à l’échelle mondiale. Le développement des industries minières a été freiné par la volatilité historiquement élevée des cours des matières premières, et le manque d’infrastructures de transport adéquates complique l’acheminement des minerais depuis les sites d’extraction vers les zones de transformation ou d’exportation.
Implications des Comptes des services écosystémiques forestiers (CSEF) du Cameroun pour le développement économique et les politiques
Les forêts du Cameroun représentent également l’un des actifs climatiques les plus sous-évalués de l’économie mondiale — elles assurent un piégeage du carbone à l’échelle planétaire, dont les avantages dépassent largement les compensations perçues au niveau national. Comme les CSEF le soulignent, les peuplements forestiers du Cameroun ont stocké plus de 7,1 milliards de tonnes de carbone en 2020, soit l’équivalent de 26 milliards de tonnes de CO2, principalement dans les forêts de plaine, les tourbières et les mangroves.
En appliquant un Coût social du carbone (CSC) de 100 USD par tonne de CO2 , la valeur mondiale de ces services de rétention du carbone atteignait près de 59 milliards USD rien qu’en 2020, éclipsant la valeur marchande combinée de tous les autres services écosystémiques forestiers. Pourtant, moins de 0,3 % de cette valeur revient au Cameroun, ce qui souligne une asymétrie structurelle dans la répartition mondiale des avantages tirés de l’atténuation climatique.
Cette disparité n’est pas simplement technique — elle est aussi financière, politique et éthique. Le Cameroun contribue à la stabilité climatique mondiale en maintenant ses forêts, tout en assumant l’intégralité des coûts d’opportunités perdues en termes d’expansion agricole, d’exploitation du bois et d’aménagement d’infrastructures. Comme souligné précédemment, la déforestation n’est cependant pas sans coût pour le Cameroun lui-même, en raison des services locaux rendus par les forêts. Les CSEF met en évidence ce compromis, sans pour autant prendre en compte le déficit de compensation dans les systèmes comptables nationaux. Une évaluation plus complète des services forestiers — incluant les valeurs optionnelles et les coûts d’adaptation futurs évités — pourrait renforcer les arguments du Cameroun pour réclamer un financement climatique international. Plus important encore, cela permettrait de repositionner la conservation des forêts en actif macro-budgétaire stratégique, plutôt qu’en simple bien environnemental.
