Auteurs : Teegwendé Valérie Porgo, Yao Thibaut Kpegli, Yemdaogo Tougma, Agnes Zabsonré, Ezechiel Abouro Djallo et Zénab Konkobo Kouanda
Site de publication : World Bank
Type de publication : Rapport
Date de publication : Mai 2025
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Résumé
Introduction : L’accès à des services de santé de qualité est limité en Guinée et les taux de morbidité et de mortalité sont élevés, en partie parce que le budget national de la santé ne permet pas de couvrir les besoins du secteur de la santé. Pour l’année 2022, le budget national exécuté ne permettait de couvrir que 15,8 % du financement nécessaire à la mise en œuvre du Plan National de Développement Sanitaire (PNDS) 2015-2024. Il se pose alors la question de savoir comment mobiliser plus de ressources en faveur du secteur de la santé sans porter atteinte aux autres secteurs de l’économie.
Objectifs : Cette analyse visait à évaluer (i) l’efficience technique des dépenses du gouvernement dans le secteur de la santé et (ii) l’espace budgétaire en faveur du secteur de la santé en Guinée.
Résultats : Entre 2000 et 2022, les dépenses de santé annuelles du gouvernement par habitant étaient en moyenne de 3,9 USD (29 391 GNF). Sur cette période, la Guinée a enregistré un score moyen d’efficience technique de 63,5 %. Ce score correspond à une moyenne annuelle de 2,4 USD (17 568 GNF) de dépenses de santé du gouvernement par habitant productifs et de 1,5 USD (11 824 GNF) improductifs. De plus, entre 2001 et 2022, les dépenses de santé annuelles du gouvernement guinéen par habitant ont été de 4,0 USD (soit 30 611 GNF) en moyenne. Sur cette période, le budget national de la santé aurait pu être augmenté de 18,9 % en moyenne compte tenu des caractéristiques sanitaires, macro-budgétaires, économiques, démographiques et institutionnelles du pays et en comparaison aux autres pays à revenu faible ou intermédiaire. Ceci correspond à une augmentation moyenne annuelle de 0,8 USD (5 423 GNF) par habitant. Le pays aurait pu ainsi, en 2022, augmenter ses dépenses de santé par habitant de 10,3 USD (89 583 GNF) à 11,9 USD (103 444 GNF). Cette augmentation aurait permis d’atteindre 38,6 % de la cible d’Abuja (15 % du budget national), au lieu de 33,4 % en 2022. Si la Guinée était aussi efficiente que les pays les plus efficients de l’analyse et avait augmenté son budget selon son espace fiscal, elle aurait pu couvrir 20,6 % des besoins du PNDS en 2022, contre seulement 15,8 %.
Conclusions : Sur la période d’étude, seuls deux tiers des investissements du gouvernement dans le secteur de la santé en Guinée ont conduit à l’amélioration des indicateurs de santé. De plus, le pays disposait d’une marge de manœuvre suffisante pour augmenter le budget de la santé sans compromettre sa viabilité budgétaire et ses impératifs de long terme. Il est recommandé d’accroître les ressources allouées au secteur de la santé pour financer des programmes à haut impact dans les limites budgétaires possibles. Des études approfondies sont nécessaires pour identifier les sources d’inefficience dans le secteur de la santé et quantifier leur impact sur le budget de la santé afin de dégager plus de ressources au sein du secteur de la santé.
Introduction
En Guinée, toutefois, l’accès à des services de santé de qualité est limité et les taux de morbidité et de mortalité sont élevés, en particulier chez les mères, les nouveau-nés et les enfants. [6] Cette situation est due, entre autres, au fait que les ressources publiques allouées au secteur de la santé ne permettent pas de couvrir les besoins du secteur, déclinés dans le Plan National de Développement Sanitaire (PNDS) 2015- 2024. [7-8] En effet, les engagements du gouvernement pour le secteur de la santé sur la période 2020-2024 ne couvrent que 21 % du financement nécessaire à la mise en œuvre du PNDS pour cette période.[7-8] En outre, les dépenses effectives du gouvernement dans le secteur sont souvent largement en dessous des engagements financiers. En 2022, les dépenses effectives du gouvernement ne représentaient que 15,8 % des besoins du PNDS de cette même année.
Contexte sanitaire
Système de santé
La Guinée est divisée en huit régions sanitaires, à savoir Boké, Conakry, Faranah, Kankan, Kindia, Labé, Mamou et N’Zérékoré. Le système de santé en Guinée comprend deux volets, le volet administratif et le volet de la prestation des soins, qui sont tous les deux organisés de façon pyramidale, avec le niveau primaire, secondaire et tertiaire. La gouvernance du système sanitaire souffre de faibles capacités opérationnelles, aux niveaux centraux et décentralisés, et d’une forte centralisation des recrutements, des formations, de la gestion financière et de la supervision.
Le système de santé de la Guinée est caractérisé par une faible disponibilité des services et produits de santé. En 2022, le pays comptait 0,3 établissements de santé (tout niveau de soin confondu) et 2,6 lits d’hôpital pour 10 000 habitants, ce qui est inférieur aux normes de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de 2 et 25 pour 10 000 habitants, respectivement. En outre, en 2020, seulement 70 %, 30 % et 70 % des établissements de santé offraient des soins obstétricaux, des soins néonatals et des services de vaccination, respectivement.
De plus, seulement 15 % des établissements de santé disposaient des outils nécessaires pour la prévention des infections. En 2018, la Guinée comptait 8 professionnelles de santé (médecins, infirmiers, et sage-femmes) pour 10 000 habitants, alors que l’OMS recommande un minimum de 45 pour parvenir à une couverture adéquate des soins de santé primaires. En 2020, aucun établissement de santé ne disposait de tous les 25 médicaments essentiels. Concernant par exemple les antibiotiques, l’ampicilline et l’amoxicilline étaient disponibles dans 60 % et 55 % des établissements de santé, respectivement, et les sels de réhydratation orale étaient disponibles dans 43 % des établissements de santé. Les taux de rupture de stock de vaccins étaient également préoccupants: 33 % pour le BCG, 28 % pour la poliomyélitique, 27 % pour le pentavalent et 9 % pour le pneumocoque .
État de santé de la population
Les indicateurs de santé de la Guinée sont faibles. En 2022, l’espérance de vie à la naissance était de 59 ans, comparé à la moyenne mondiale de 72 ans. En matière de taux de mortalité et d’espérance de vie à la naissance, la Guinée avait une performance inférieure à ses pairs structurels.
Entre 2000 et 2020, le ratio de mortalité maternelle a baissé de 43 % en Guinée mais il est resté très élevé, avec 553 décès pour 100 000 naissances vivantes. En 2020, ce ratio était plus élevé en Guinée comparativement à ses pairs structurels. En 2016, les décès maternels en Guinée représentaient 41 % des décès chez les adolescentes (15-19 ans) et 29 % des décès chez les femmes de 15 à 49 ans. Ces résultats s’expliquent par une faible utilisation des services de santé et des problèmes de qualité des services de soins obstétricaux.
En 2018, seulement 35 % des femmes enceintes faisaient au moins quatre visites prénatales, 55 % des femmes accouchaient assistées d’un professionnel de santé qualifié et 11 % des femmes en âge de procréer utilisaient des méthodes contraceptives. La faible prévalence contraceptive est préoccupante, surtout qu’on estimait en 2018 qu’un quart (26 %) des adolescentes avaient des enfants ou étaient enceintes. Par ailleurs, entre 2016 et 2018, 15 % des femmes enceintes ont rapporté des abus physiques, 33 % des abus verbaux, 21 % une césarienne effectuée sans leur consentement, 88 % une épisiotomie effectuée sans leur consentement et 45 % des examens vaginaux effectuées sans leur consentement ou informations préalables.
Entre 2000 et 2022, le taux de décès infanto-juvénile a baissé de 42 % mais il est resté très élevé, avec environ 96 décès pour 1000 naissances vivantes. Ce taux était plus élevé que celui des pairs structurels de la Guinée. En outre, entre 2005 et 2018, la proportion d’enfants de moins de 5 ans souffrant de retard de croissance est restée à 30 %. Sur cette même période, la proportion d’enfants de moins de 5 ans souffrant de malnutrition aiguë est restée à 10 %. On note également qu’en 2018, seulement 24 % des enfants de moins de deux ans étaient complètement vaccinés selon le calendrier vaccinal en vigueur (tuberculose, pentavalent, poliomyélite et rougeole).
Chaque année, la Guinée fait face à de multiples épidémies, parfois de façon simultanée. En 2021 par exemple, le pays a connu celles de la COVID-19, de la maladie à virus Ebola, de la fièvre jaune, de la rougeole, de la poliomyélite, de la fièvre de Lassa et de la maladie de Marburg. Cette année-là, les maladies infectieuses et parasitaires représentaient 32 % des décès.[20] En 2016, environ la moitié (45 %) des décès en Guinée étaient attribuables au manque d’accès à l’eau potable, à un mauvais assainissement et à une hygiène insuffisante. Un bon nombre des maladies infectieuses et parasitaires auraient pu être évitées en améliorant les infrastructures d’eau, d’assainissement et d’hygiène.
