Auteur : Ministère de la santé publique
Site de publication : P4H Network
Type de publication : Rapport
Date de publication : Janvier 2023
Introduction
Le secteur de la santé au Cameroun fait face à des défis majeurs liés à la gestion efficace des ressources, à la coordination des programmes et à la pérennisation des financements. Dans ce contexte, le Rapport d’analyse de l’efficience inter-programmatique en santé au Cameroun, publié en janvier 2023, constitue une étape cruciale pour orienter les réformes et optimiser les interventions. Ce rapport a été élaboré par le Ministère de la Santé Publique avec l’appui de l’Organisation Mondiale de la Santé et d’autres partenaires techniques. Il vise à analyser l’efficience des différents programmes de santé, à identifier les leviers d’amélioration et à proposer des recommandations pour un système de santé plus intégré, efficient et durable.
Ce rapport s’inscrit dans la volonté affirmée du Ministère de la Santé Publique du Cameroun de renforcer la performance globale du secteur sanitaire, dans le cadre de la réalisation des Objectifs de Développement Durable et de la couverture sanitaire universelle.
Contexte général du secteur de la santé au Cameroun
Le système de santé camerounais est caractérisé par une diversité importante de programmes ciblant diverses priorités sanitaires. Le cadre institutionnel est structuré autour du ministère, des délégations régionales et des districts de santé où s’appuient les interventions.
Malgré des progrès en matière d’accès aux soins, des disparités persistent, notamment entre milieu urbain et rural, et des contraintes majeures de financement et de coordination freinent la cohérence des actions.
Le portefeuille de programmes de santé est vaste, couvrant la lutte contre les maladies transmissibles, la santé maternelle et infantile, la prise en charge des maladies non transmissibles, la vaccination, et d’autres interventions prioritaires dans les zones vulnérables.
Cependant, la multiplication des programmes, souvent financés par des bailleurs internationaux avec des critères et objectifs variés, occasionne des chevauchements, des doublons et parfois des inefficiences dans l’allocation et l’utilisation des ressources.
Justification et objectifs de l’analyse
Face à ce contexte, le Ministère de la Santé Publique a engagé cette analyse afin de :
- Identifier et comparer le niveau d’efficience entre les différents programmes sanitaires nationaux, en tenant compte des coûts, des résultats et des impacts.
- Comprendre les causes sous-jacentes des écarts d’efficience, qu’il s’agisse de facteurs organisationnels, financiers, techniques ou institutionnels.
- Fournir des recommandations précises pour améliorer la coordination inter-programmatique, optimiser l’utilisation des ressources et renforcer la performance globale du système de santé.
L’enjeu principal est d’orienter les politiques publiques vers une gestion plus intégrée et efficiente, réduisant la fragmentation, assurant une meilleure complémentarité des actions, et maximisant les bénéfices en santé pour les populations camerounaises.
Cadre conceptuel de l’efficience inter-programmatique
L’efficience est ici entendue au sens économique comme la capacité à obtenir le maximum d’effets sanitaires positifs avec le moindre coût possible.
L’efficience inter-programmatique se définit comme la performance comparative entre plusieurs programmes dans l’utilisation des ressources disponibles pour atteindre leurs objectifs.
Le cadre analytique du rapport repose sur :
- Une évaluation des intrants (ressources financières, humaines, matérielles).
- Le suivi des processus exécutés (activités, gestion, coordination).
- Une mesure des résultats immédiats (indicateurs de couverture, qualité).
- L’estimation de l’impact sanitaire final (réduction de la morbidité, mortalité).
Cette approche permet de situer chaque programme par rapport à ses performances relatives, d’identifier des domaines de sous-performance et de dégager les facteurs explicatifs.
Analyse des programmes sanitaires clés
* Programme de lutte contre les maladies transmissibles
Ce programme regroupe les interventions ciblant le paludisme, la tuberculose, le VIH/SIDA et autres maladies infectieuses prioritaires. Malgré un fort financement, les résultats en couverture restent hétérogènes selon les régions, avec des écarts importants de performance.
Les coûts de fonctionnement par bénéficiaire varient sensiblement, souvent en raison de disparités dans la gestion logistique et le suivi des cas.
Programme de santé maternelle et infantile
Le programme santé maternelle et infantile vise à réduire la mortalité chez les mères et les enfants grâce à l’amélioration de la qualité des soins prénatals, l’accouchement assisté et la nutrition.
Les indicateurs montrent une progression des taux d’accouchements assistés en milieu institutionnel, mais une persistance d’inégalités géographiques et socio-économiques.
L’efficience est freinée par des coûts de formation élevés, un turn-over du personnel et des ruptures fréquentes de stocks pharmaceutiques.
Programme de prévention et contrôle des maladies non transmissibles
Plus récent, ce programme cible la prévention des maladies cardiovasculaires, diabète, cancers et autres pathologies chroniques.
Les ressources allouées restent faibles par rapport à l’ampleur du problème, limitant la capacité d’intervention. Les résultats en termes de sensibilisation et dépistage sont inégaux dans les régions.
La gestion des ressources, la coordination entre acteurs publics et privés, ainsi qu’un manque de données fiables, freinent l’amélioration de l’efficience.
Programme de vaccination
Le programme élargi de vaccination est considéré comme un succès relatif, avec des taux de couverture élevés dans la plupart des régions.
Néanmoins, des inefficiences subsistent, notamment liées à la chaîne d’approvisionnement, la formation des équipes mobiles, et la planification dans les zones difficiles d’accès.
Les coûts par enfant vacciné sont variables, suggérant des marges d’amélioration par une meilleure rationalisation des interventions.
Programme d’appui aux soins essentiels en milieu rural
Ce programme vise à renforcer l’accès aux soins de santé primaire dans les zones rurales isolées, via la construction d’infrastructures, la formation des agents communautaires et la distribution de médicaments essentiels.
Les résultats sont mitigés, avec des contraintes liées au sous-financement, à la mobilité des agents et à la logistique.
L’efficience est particulièrement affectée par une faible coordination avec les autres programmes, notamment maladies transmissibles et maternels.
Résultats de l’analyse inter-programmatique
L’analyse comparative met en évidence que le programme de vaccination affiche l’efficience la plus élevée, avec un ratio coût-bénéfice favorable et une couverture populationnelle robuste.
Le programme santé maternelle et infantile, bien que présentant des résultats positifs, doit faire face à des coûts de gestion élevés qui limitent son efficience.
Le programme de lutte contre les maladies transmissibles montre des performances contrastées, la gestion logistique étant identifiée comme un point critique.
Les programmes relatifs aux maladies non transmissibles et aux soins en milieu rural sont les moins efficients, en raison de contraintes organisationnelles, financières et de coordination.
Un constat général souligne l’existence d’un chevauchement important des ressources humaines et des activités entre certains programmes, pouvant conduire à une dilution des efforts et à des conflits d’objectifs.
Facteurs influençant l’efficience
Plusieurs facteurs clés influencent ces résultats :
- Gestion financière et administrative : faiblesse des mécanismes de suivi, retards dans les décaissements, insuffisance des audits.
- Coordination entre programmes : absence de plateforme de pilotage unique, ce qui engendre des redondances et prive certains programmes de synergies.
- Capacités techniques et formation : inégalités dans la formation continue, taux de rotation élevé du personnel, défauts dans l’encadrement.
- Logistique et approvisionnement : ruptures fréquentes de stocks, problèmes de chaîne du froid et de distribution, particulièrement en zones rurales.
- Mobilisation communautaire : implication insuffisante des acteurs locaux et des bénéficiaires, limitant l’appropriation des interventions.
- Financement : insuffisance et variabilité des apports financiers, dépendance aux bailleurs internationaux, difficulté à mobiliser des ressources propres pérennes.
Recommandations stratégiques pour l’amélioration de l’efficience
Le rapport formule plusieurs recommandations majeures visant à améliorer l’efficience inter-programmatique :
- Améliorer la gouvernance et la coordination : création d’un comité national de pilotage inter-programmatique chargé d’harmoniser les objectifs, les ressources et les activités.
- Renforcer les capacités de gestion financière : développement des systèmes d’information intégrés, déploiement d’audits réguliers et transparents, respect des délais de décaissements.
- Optimiser le déploiement des ressources humaines : mise en place de plans de formation continue et de fidélisation, renforcement de la supervision technique.
- Rationaliser la logistique et la chaîne d’approvisionnement : mise en œuvre de plateformes communes de gestion des stocks, amélioration des infrastructures de stockage et de transport.
- Accroître la participation communautaire : développer les dialogues locaux, renforcer les organisations communautaires et favoriser les approches participatives.
- Mobiliser des financements durables : diversification des sources, amélioration des mécanismes d’allocation budgétaire, réduction de la dépendance aux financements externes.
- Développer un système d’évaluation continue : formalisation d’indicateurs d’efficience standardisés, suivi régulier et restitution des résultats aux acteurs.
Conclusion
L’analyse de l’efficience inter-programmatique en santé au Cameroun révèle des disparités notables entre les programmes, malgré des avancées encourageantes dans certains secteurs. Le potentiel d’optimisation est important, notamment en renforçant la coordination, la gestion intégrée des ressources, et la participation communautaire.
Les préconisations formulées offrent une feuille de route claire pour un pilotage plus rationnel des programmes de santé, indispensable pour maximiser les résultats sanitaires dans un contexte de ressources contraintes.
La réussite de cette démarche repose sur un engagement soutenu des autorités, une mobilisation collective des acteurs du secteur, et le développement d’une culture d’efficience et de transparence.
