Auteurs : OCDE
Site de publication : OCDE
Type de publication : Rapport
Date de publication : Mars 2024
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Introduction
Le financement de la santé est un enjeu majeur pour le Cameroun, où les performances sanitaires restent en deçà des attentes malgré les efforts déployés. Le pays fait face à des défis importants, notamment une faible espérance de vie, des taux élevés de mortalité maternelle et infantile, ainsi qu’une forte prévalence de maladies telles que le VIH, le paludisme et la tuberculose. Dans ce contexte, la mobilisation des recettes fiscales apparaît comme un levier essentiel pour renforcer le financement public de la santé, garantir la couverture santé universelle et améliorer l’accès aux soins. Ce rapport de l’OCDE propose une analyse approfondie des mécanismes fiscaux actuels, des marges de manœuvre pour augmenter les recettes, et des pistes de réforme adaptées au contexte camerounais.
En s’inscrivant dans une démarche intégrée, ce rapport décline des recommandations concrètes visant à améliorer la mobilisation, la répartition et l’utilisation des revenus fiscaux, en insistant notamment sur leur impact direct sur les systèmes de santé et leur équité.
Contexte économique et fiscal au Cameroun
Le Cameroun, pays à revenu intermédiaire de la zone Afrique centrale, connaît une croissance économique modérée avec des secteurs dynamiques tels que l’agriculture, le pétrole, les matières premières, et les services. Toutefois, la structure fiscale reste encore sous-optimale pour répondre aux besoins croissants en investissements publics, notamment dans le secteur de la santé.
Évolution du PIB et performance économique
Le PIB du Cameroun a affiché une croissance annuelle moyenne d’environ 4% sur les cinq dernières années, malgré des chocs externes et des turbulences économiques régionales. Cela offre un cadre macroéconomique relativement stable, propice au développement des services publics.
Structure et performance du système fiscal
Le système fiscal camerounais repose principalement sur la TVA, les droits d’accises, les impôts directs (impôt sur le revenu des personnes physiques et des sociétés), et les taxes spéciales. Le taux de pression fiscale global reste relativement faible, environ 14% du PIB, légèrement en dessous des moyennes régionales.
Plusieurs goulots d’étranglement demeurent : faiblesse de la base imposable, évasion et fraude fiscales importantes, complexité des procédures administratives, faible capacité de contrôle et d’audit fiscal dans certaines branches économiques.
Le financement de la santé dépend en large part des recettes fiscales public, à côté des autres sources comme les cotisations sociales, les aides internationales et les paiements directs des ménages.
Importance de la mobilisation fiscale pour le financement de la santé
La mobilisation efficace des recettes fiscales est une condition sine qua non pour assurer un financement suffisant et stable des systèmes de santé. Elle permet non seulement de sécuriser les ressources nécessaires pour l’accès universel aux soins, mais aussi d’assurer une meilleure redistribution sociale, en réduisant la dépendance aux paiements directs et leurs impacts financiers négatifs sur les ménages vulnérables.
La santé publique bénéficie d’un financement multidimensionnel, mais la fiscalité constitue le fondement principal des moyens publics, garantissant la planification et l’équité. L’amélioration de la collecte des recettes fiscales aura ainsi un effet direct sur la qualité, la disponibilité et la pérennité des services de santé.
Analyse des sources de recettes fiscales
Cette section détaille les différentes sources de recettes et leur contribution actuelle au financement de la santé :
Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)
La TVA constitue une part importante des recettes fiscales, représentant environ 40% des recettes fiscales totales. Toutefois, la TVA est souvent critiquée pour son impact régressif, affectant davantage les ménages à faible revenu. Par ailleurs, les exonérations fréquentes, notamment dans les secteurs agroalimentaires et médicaux, réduisent l’assiette fiscale.
Impôts sur le revenu
Les impôts sur le revenu des personnes physiques et des sociétés fournissent une ressource significative, bien que leur collecte reste limitée par un secteur informel très étendu et des difficultés d’identification des contribuables. La réforme fiscale et la simplification des règles pourraient améliorer leur rendement.
Taxes spécifiques et droits d’accises
Les taxes sur les produits pétroliers, le tabac, l’alcool, et les sucres ajoutés sont non seulement des instruments de mobilisation de ressources, mais aussi de politique sanitaire (taxes anti-tabac, lutte contre l’obésité).
L’utilisation ciblée de ces taxes permet de générer des recettes supplémentaires dédiées potentiellement à des programmes de santé publique.
Cotisations sociales
Même si les cotisations sociales demeurent une source complémentaire importante pour le financement de la santé, notamment dans le régime de sécurité sociale, elles sont limitées par la faible couverture des actifs formels et une organisation administrative à renforcer.
Défis actuels dans la mobilisation des ressources fiscales pour la santé
Le Cameroun fait face à plusieurs défis qui limitent la capacité à mobiliser efficacement les ressources fiscales :
– Base fiscale étroite : le secteur informel représente une large part de l’économie, échappant ainsi à l’imposition régulière.
– Évasion et fraude fiscale : l’absence de systèmes robustes de contrôle fiscal, couplée à un niveau élevé d’informalité, affaiblit les recettes.
– Complexité administrative : lourdeur des procédures et manque de coordination inter-agences fiscales.
– Faible ciblage des recettes dédiées à la santé : peu de mécanismes d’affectation directe de recettes spécifiques au financement sanitaire dans la loi de finances.
– Inadéquation de la fiscalité environnementale et comportementale : non-exploitation optimale des taxes sur produits nocifs pour la santé.
Ces éléments freinent la capacité du gouvernement à augmenter durablement les ressources affectées à la santé.
Impact des recettes fiscales sur le financement du système de santé
L’analyse montre que la part des dépenses publiques dédiées à la santé dans le budget global de l’État est en stagnation, approchant environ 6% en 2023. Cette progression demeure insuffisante face aux plans de développement sanitaire et à la demande croissante.
Les recettes fiscales ne sont pas encore suffisamment mobilisées ni affectées pour soutenir intégralement les ambitions de couverture sanitaire universelle (CSU). L’absence d’un cadre légal clair d’affectation spécifique des recettes entrave l’accroissement du financement disponible.
De plus, la faiblesse des recettes redistribuées aux niveaux régional et local compliquent la gestion efficiente et le déploiement équitable des infrastructures sanitaires.
Recommandations pour améliorer la mobilisation fiscale en faveur de la santé
Élargir la base fiscale
– Renforcer les mécanismes d’identification et d’imposition des contribuables, notamment dans le secteur informel.
– Simplifier et moderniser la fiscalité pour favoriser la conformité volontaire.
– Lutter plus efficacement contre la fraude et l’évasion fiscale à travers le renforcement des moyens d’audit et d’investigation.
*Adapter les instruments fiscaux
– Revisiter les exonérations fiscales jugées inefficaces ou contre-productives, surtout dans les secteurs à fort potentiel rétributif.
– Développer les taxes comportementales, telles que les taxes sur le tabac, l’alcool et les produits sucrés, en les affectant spécifiquement à la santé publique.
– Accroître la progression des impôts directs pour réduire la charge proportionnelle pesant sur les ménages à faible revenu.
* Améliorer la gouvernance fiscale
– Optimiser la coordination entre les administrations fiscales, douanières et les entités chargées du financement de la santé.
– Mettre en place un cadre légal clair pour l’affectation et le suivi des recettes dédiées à la santé dans la loi de finances.
– Renforcer la transparence et le contrôle dans la gestion des fonds publics alloués à la santé.
*Mobiliser davantage les ressources internes
– Développer les partenariats public-privé pour valoriser les recettes fiscales en investissement sanitaire.
– Intégrer la fiscalité dans une stratégie nationale globale de financement de la santé soutenue par une planification à moyen terme.
*Renforcer la communication et la sensibilisation
– Informer les citoyens sur l’importance et l’impact des recettes fiscales pour la santé, favorisant la confiance et l’adhésion au système de collecte.
Perspectives d’évolution et stratégie nationale
Le rapport invite à adopter une vision stratégique cohérente à horizon 2030, alignée sur les objectifs de développement durable (ODD) et la couverture sanitaire universelle. Cette stratégie, à élaborer avec l’ensemble des parties prenantes, doit inclure :
– La mise en place de réformes fiscales structurelles visant à une hausse progressive mais stable de la pression fiscale.
– L’introduction d’un cadre légal affectant explicitement une portion des recettes fiscales au financement des systèmes de santé.
– L’amélioration de la décentralisation du financement sanitaire pour mieux répondre aux besoins locaux.
– L’intégration d’outils d’évaluation régulière pour ajuster les mécanismes fiscaux en fonction de leur efficacité et équité.
Cette feuille de route constitue un levier essentiel pour garantir les ressources nécessaires à l’accès équitable aux soins et à la protection sociale des populations camerounaises.
Conclusion
Le rapport souligne que, malgré certains progrès récents, la mobilisation des recettes fiscales au Cameroun reste insuffisante pour répondre pleinement aux besoins croissants du secteur de la santé. Les contraintes liées à la faible base fiscale, à l’informalité économique, et aux insuffisances dans la gouvernance fiscales doivent être rapidement adressées.
Le développement d’une assiette fiscale plus large, la mise en place de taxes ciblées et dédiées à la santé, ainsi que l’amélioration des mécanismes de contrôle sont des pistes d’action prioritaires. La mise en œuvre conjointe de ces mesures, combinée à un cadre légal clair et un engagement politique fort, permettra d’assurer un financement durable du système de santé camerounais, conditionné à l’atteinte des objectifs sociaux et sanitaires nationaux.
La mobilisation fiscale ainsi optimisée contribuera fortement à la construction d’un système de santé équitable, performant et résilient.
