Auteur : Organisation mondiale de la santé
Site de publication : WHO
Type de publication : Rapport
Date de publication : Juillet 2025
Introduction
La présente matrice a été élaborée dans le cadre des initiatives de l’Organisation mondiale de la Santé visant à renforcer la souveraineté sanitaire des États membres, notamment en supportant le Cameroun dans ses ambitions d’atteindre une couverture sanitaire universelle efficace et équitable. Le financement de la santé constitue en effet un pilier essentiel du système de santé, déterminant la qualité, l’efficacité et l’accessibilité des soins.
Ce rapport analyse les progrès réalisés par le Cameroun au cours de l’année 2024, en se basant sur un ensemble d’indicateurs clés de mobilisation, de gestion et d’utilisation des ressources dédiées à la santé. Il vise à fournir un diagnostic clair, objectif et documenté, afin d’orienter les décisions politiques et d’améliorer les performances futures dans ce domaine.
Contexte général du financement de la santé au Cameroun
Le Cameroun fait face à plusieurs défis structurels dans le financement de son système sanitaire. Malgré des efforts soutenus pour augmenter les allocations budgétaires et diversifier les sources de financement, la santé publique demeure sous-financée par rapport aux recommandations internationales.
Les dépenses de santé au Cameroun restent largement dépendantes des financements externes et des paiements directs par les ménages, dont la proportion reste élevée, limitant l’accès aux services et aggravant les inégalités.
Les réformes récentes, incluant notamment la mise en œuvre progressive de la couverture sanitaire universelle (CSU) et la création d’un organisme dédié à sa gestion, visent à redresser cette situation, mais les résultats sont encore partiels et inégaux selon les régions et les catégories sociales.
Cadre d’analyse et objectifs de la matrice
La matrice adoptée pour cette évaluation repose sur un cadre conceptuel structuré autour de quatre dimensions essentielles du financement de la santé :
– La mobilisation des ressources financières, couvrant la collecte, la diversification et la pérennité des financements.
– L’allocation budgétaire, analysant la distribution des ressources entre différents niveaux de prestation, programmes et priorités.
– La protection financière, mesurant dans quelle mesure les ménages sont protégés contre les dépenses catastrophiques et l’appauvrissement lié aux soins.
– L’efficience et la gouvernance, évaluant l’utilisation optimale et transparente des ressources pour maximiser les résultats sanitaires.
Chaque dimension fait l’objet d’indicateurs quantitatifs et qualitatifs, avec un suivi sur l’évolution dans le temps.
L’objectif principal est d’établir un état des lieux précis des progrès par rapport à l’année précédente, d’identifier les goulots d’étranglement, et de formuler des recommandations opérationnelles adaptées aux réalités camerounaises.
Évaluation des progrès réalisés
-Mobilisation des ressources financières
En 2024, le Cameroun a enregistré une légère augmentation de la mobilisation des fonds publics pour la santé, avec une hausse de 3,5% du budget national alloué à ce secteur. Cette croissance s’inscrit dans le cadre des engagements internationaux pris lors des sommets sur la couverture sanitaire universelle.
Cependant, la dépendance aux aides externes demeure très élevée, représentant près de 40% des dépenses totales de santé, ce qui expose le système à une grande vulnérabilité financière en cas de fluctuations des financements internationaux.
Par ailleurs, le recours aux paiements directs, bien que légèrement contenu grâce à l’expansion des mutuelles de santé communautaires et à la mise en place de mécanismes de tiers-payant, reste un frein majeur à l’accès aux soins pour les populations les plus pauvres.
-Allocation des ressources
L’analyse de l’allocation budgétaire révèle une concentration des dépenses dans les infrastructures hospitalières de niveaux intermédiaires et supérieurs, au détriment des soins primaires essentiels en milieu rural. Cette répartition contribue à renforcer les inégalités territoriales et à limiter la couverture effective.
Les programmes ciblant les maladies transmissibles, notamment le paludisme, le VIH/SIDA et la tuberculose, continuent de bénéficier d’un financement prioritaire, grâce en partie aux financements spécifiques des partenaires internationaux. Toutefois, la transition vers un financement plus intégré et durable reste à réaliser.
-Protection financière des populations
Selon les données recueillies, environ 15% des ménages camerounais sont exposés à des dépenses catastrophiques pour la santé, c’est-à-dire des dépenses dépassant un seuil significatif de leur capacité financière. Ce taux, bien que légèrement en baisse par rapport à l’année précédente, demeure élevé et préoccupant.
Les mesures de protection sociale, dont la couverture sanitaire universelle en cours de déploiement, montrent des avancées encourageantes mais restent insuffisantes pour protéger l’ensemble des populations, notamment les travailleurs informels, les femmes, et les habitants des zones rurales.
-Efficience et gouvernance des dépenses de santé
Le rapport souligne l’existence de marges de progrès importantes en matière de gestion efficiente des ressources. Des lacunes persistent dans la transparence des processus d’allocation, dans le contrôle des dépenses et dans la lutte contre les gaspillages et les fraudes.
La gouvernance s’appuie aujourd’hui encore sur des structures embryonnaires, avec un besoin urgent de renforcement des capacités en gestion financière et audit, ainsi que de clarification des responsabilités au sein des niveaux déconcentrés et décentralisés.
Résultats clés et tendances observées
Les analyses comparatives entre 2023 et 2024 montrent une tendance globale à l’amélioration dans la mobilisation des ressources et dans la mise en œuvre de la nouvelle politique de couverture sanitaire universelle. Toutefois, ces avancées restent fragiles et fortement dépendantes du contexte macroéconomique et politique.
Les inégalités territoriales et sociales dans l’accès aux soins persistent, et la protection financière demeure largement insuffisante pour les groupes vulnérables. La gouvernance ne permet pas encore d’assurer une allocation optimale des ressources, ce qui limite l’impact des investissements réalisés.
Défis et contraintes identifiés
Le rapport met en lumière plusieurs défis majeurs :
– Une mobilisation des ressources encore insuffisante et trop cyclique, avec une dépendance aux financements externes.
– Une allocation des budgets qui favorise les structures hospitalières au détriment des soins primaires et de la prévention.
– Faible couverture effective des populations non formellement employées et en zone rurale.
– Manque de fiabilité des systèmes d’information financière et sanitaire.
– Gouvernance déficiente, avec un faible contrôle et un manque de transparence.
– Besoin urgent de coordination entre les différents acteurs et niveaux de gouvernance.
Recommandations stratégiques
Pour accélérer les progrès, la matrice propose un ensemble de recommandations stratégiques claires :
– Renforcer la mobilisation interne de ressources, notamment par l’amélioration de la fiscalité sanitaire, la diversification des sources et la réduction des paiements directs.
– Revoir la politique d’allocation budgétaire en faveur de l’équité territoriale et sociale, en priorisant les soins primaires et la prévention.
– Élargir et renforcer la couverture sanitaire universelle en intégrant les populations vulnérables, grâce à des mécanismes innovants et adaptés.
– Améliorer la gouvernance par la mise en place d’un cadre réglementaire clair, la responsabilisation des gestionnaires et la transparence des dépenses.
– Développer les capacités institutionnelles, notamment en gestion financière, audit, et systèmes d’information.
– Encourager la participation des communautés et des acteurs locaux dans la planification et le suivi du financement de la santé.
Perspectives et plan d’action
Le rapport fixe un plan d’action cadre pour la période 2025-2030, structuré autour de trois axes prioritaires :
– Consolidation des ressources financières internes et réduction progressive de la dépendance aux financements externes.
– Mise en œuvre opérationnelle de la couverture sanitaire universelle, avec une couverture prioritaire des populations exclues.
– Renforcement de la gouvernance, de la transparence et des mécanismes de contrôle, accompagné d’un système performant de suivi-évaluation.
Ce plan d’action est assorti d’indicateurs de progression et d’un calendrier précis, en vue d’une évaluation régulière et d’un ajustement continu des mesures.
Conclusion
La matrice des progrès en matière de financement de la santé 2024 pour le Cameroun confirme les avancées positives réalisées, tout en soulignant l’importance d’une dynamique renforcée et soutenue pour surmonter les résistances structurelles et les contraintes financières.
La transition vers un système financier de santé efficient, transparent, équitable et durable constitue un levier essentiel pour atteindre la couverture sanitaire universelle, améliorer la santé des populations, et réduire la pauvreté liée aux dépenses catastrophiques.
