Auteur : PMI Measure Malaria
Site de publication : PMI Measure Malaria
Type de publication : Rapport
Date de publication : septembre 2021
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Introduction
Le paludisme reste un enjeu majeur de santé publique au Cameroun, affectant significativement la population et pesant sur le système de santé. Conscient de cette réalité, le gouvernement camerounais, à travers son Programme National de Lutte contre le Paludisme (PNLP), a placé la surveillance épidémiologique au cœur de sa stratégie pour contrôler et éliminer la maladie. Dans ce cadre, une évaluation approfondie du système de surveillance, suivi et évaluation (SSE) du paludisme a été commanditée en 2021, avec l’appui de PMI Measure Malaria. L’objectif était de mesurer la performance du système de surveillance par rapport aux objectifs nationaux et aux normes internationales, et d’identifier les leviers d’amélioration pour renforcer la lutte contre cette maladie.
L’évaluation du système de surveillance du paludisme a été entreprise afin d’analyser ses forces, ses faiblesses et ses lacunes, afin de proposer des recommandations ciblées pour améliorer sa performance. Cette démarche s’inscrit dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre le paludisme au Cameroun, soutenue par le President’s Malaria Initiative (PMI) et d’autres partenaires techniques et financiers.
Contexte
Le Cameroun fait face à un fardeau élevé de paludisme, avec une prévalence variable selon les régions, mais généralement persistante malgré les efforts déployés. La surveillance est une composante stratégique du contrôle et de l’élimination du paludisme, indispensable pour identifier les zones à risque, suivre l’impact des interventions, et orienter les politiques de santé publique.
Le système de surveillance national doit intégrer les données issues des établissements de santé publics et privés, les résultats de la recherche, les données des campagnes de prévention, ainsi que les informations relatives aux stocks de médicaments et au traitement.
Cependant, le système camerounais présente encore plusieurs défis importants, notamment la fragmentation des informations, les retards dans la transmission des données, la faiblesse des infrastructures informatiques, et des capacités analytiques limitées au niveau déconcentré.
Résultats
Structure du système de surveillance
Le système de surveillance du paludisme au Cameroun est structuré en une chaîne hiérarchique allant des centres de santé locaux au Ministère de la Santé Publique. Cette structure comprend :
– Les sites de collecte primaires (établissements de santé, laboratoires de diagnostic).
– Les comités de district et de région chargés de consolider et valider les données.
– Le niveau central, responsable de l’analyse nationale, de la diffusion des rapports et de l’orientation stratégique.
L’intégration avec le système d’information sanitaire nationale (Système National d’Information Sanitaire – SNIS) est en cours, avec des progrès variables selon les régions.
Performance du système
– Collecte des données :La majorité des centres de santé collecte les indicateurs essentiels, notamment le nombre de cas suspects, les cas confirmés, les décès liés au paludisme, ainsi que les données sur la couverture des interventions (distribution de moustiquaires, traitement, etc.). Toutefois, la complétude et la qualité des données varient fortement.
– Transmission des données :Les délais de transmission des rapports sont un défi majeur, avec des retards fréquents. La transmission électronique est encore limitée, et dépend largement des rapports papier, ce qui génère des erreurs et des délais.
– Analyse des données : Au niveau central, des capacités analytiques existent, mais elles sont limitées localement, freinant l’utilisation des données pour ajuster rapidement les interventions.
– Utilisation des données :L’utilisation des informations de surveillance dans la prise de décision et la planification reste limitée, notamment aux niveaux régional et district. L’accès aux données pour les décideurs locaux n’est pas toujours optimal.
Coordination et ressources
Le système souffre d’un manque de coordination claire entre les acteurs impliqués dans la surveillance, avec des responsabilités parfois redondantes ou mal définies. Les ressources humaines dédiées sont insuffisantes, surtout dans les districts, et la formation continue est irrégulière.
Les infrastructures matérielles (ordinateurs, logiciels, connectivité internet) ne sont pas toujours disponibles ou fonctionnelles dans tous les sites, affectant la transmission et le traitement des données.
Analyse des forces et faiblesses
Forces
– Existence d’un cadre institutionnel établi pour la surveillance du paludisme.
– Engagement politique fort et soutien des partenaires internationaux.
– Certaines infrastructures performantes au niveau national.
– Présence d’indicateurs de surveillance standards, alignés sur les recommandations OMS.
Faiblesses
– Faible couverture géographique et inégalités régionales dans la collecte des données.
– Retards fréquents dans la transmission et la consolidation des informations.
– Capacités analytiques limitées aux niveaux déconcentrés.
– Systèmes informatiques inadéquats ou inexistants dans de nombreuses structures.
– Manque de formation et de motivation du personnel consacré à la surveillance.
– Coordination insuffisante entre les niveaux et acteurs du système.
– Faible attractivité des données pour la prise de décision opérationnelle locale.
Recommandations principales
Pour améliorer le système de surveillance du paludisme au Cameroun, les recommandations suivantes s’imposent :
*Renforcement des capacités matérielles et technologiques
– Généraliser l’utilisation de dispositifs électroniques (tablettes mobiles, systèmes électroniques de santé) pour la collecte et la transmission des données.
– Améliorer la couverture et la qualité des infrastructures informatiques dans les régions et districts.
– Mettre en place des plateformes intégrées et interopérables facilitant le partage et l’analyse des données.
Renforcement des ressources humaines
– Former régulièrement le personnel en charge de la surveillance aux techniques de collecte, d’analyse et de rapport.
– Introduire des programmes de motivation et d’incitation, y compris des mécanismes de reconnaissance, pour maintenir l’engagement.
– Clarifier les rôles et responsabilités dans la chaîne de surveillance, notamment à l’échelle décentralisée.
*Amélioration de la coordination et de la gouvernance
– Structurer un mécanisme national de coordination des activités de surveillance, impliquant les ministères, partenaires, et acteurs locaux.
– Développer des standards communs et des protocoles harmonisés pour la collecte et la gestion des données.
– Renforcer la supervision régulière et le suivi des performances du système.
*Optimisation de l’utilisation des données
– Promouvoir une culture de la donnée, afin que les acteurs locaux utilisent davantage les informations pour ajuster les interventions.
– Faciliter l’accès aux rapports et statistiques à tous les niveaux.
– Intégrer la surveillance paludisme dans les processus de planification et de gestion des programmes de santé.
*Assurer une veille continue et évolutive
– Mettre en place un système de suivi-évaluation performant avec des indicateurs clés de performance du système de surveillance.
– Utiliser les évaluations périodiques pour apporter des ajustements adaptés et améliorer continuellement le système.
Conclusion
L’évaluation du système de surveillance du paludisme au Cameroun révèle un dispositif en place avec des acquis importants, mais également une série de défis qui limitent son efficacité. Les faiblesses liées à la collecte, la transmission et l’analyse des données ainsi qu’à la gouvernance doivent être prises en charge sans délai pour répondre aux exigences de la lutte contre le paludisme.
Un renforcement ciblé des capacités techniques, humaines et organisationnelles, soutenu par un engagement politique fort et un appui soutenu des partenaires, est nécessaire pour transformer la surveillance paludisme en un véritable outil d’aide à la décision, garant de la réussite des stratégies nationales de lutte.
La modernisation du système, l’amélioration de la qualité des données et leur utilisation optimale sont des leviers essentiels pour réduire le fardeau du paludisme au Cameroun dans les prochaines années.
