Auteur: Oumar Doumbouya
Site de publication : La Recherche En Éducation
Type de publication : Article de revue
Date de publication : 2024
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L’émergence dans le monde de femmes cadres, conceptrices de projets a permis à l’opinion internationale de traiter le “genre” en tant que catégorie de réflexion ouvrant la voie à une existence équitable dans un monde de progrès et d’égalité. Une nouvelle ère de prise de conscience débute, marquée par l’idée qu’hommes et femmes doivent avoir les mêmes droits. L’émergence de ce débat marque la fin du masculin en tant que définition de l’universel générique.
Depuis le début de la Décennie de la Femme, les Nations Unies ont parrainé, tous les cinq ou dix ans, des grandes conférences sur les femmes, qui ont été relayées par des assises régionales dont cinq conférences africaines. Le Programme d’action mondiale adopté lors de la quatrième conférence mondiale sur les Femmes qui s’est déroulée du 4 au 15 septembre 1995 à Pékin et qui énonce les principes auxquels les gouvernements seront tenus pendant les dix prochaines années, constitue désormais la référence fondamentale pour toutes les actions visant l’égalité des sexes. Cette conférence a, entre autres, permis de passer en revue la situation des femmes au cours de la décennie écoulée, d’évaluer la mise en œuvre et l’application des stratégies Prospectives de Nairobi.»
Droit des femmes porté par l’agenda politique
Comme le font remarquer Charlier et Ryckmans, les grandes conférences des Nations Unies ont eu, indéniablement, un impact important sur les droits des femmes. Elles servent de base à l’agenda politique des organisations et des réseaux de femmes. Leurs droits sont en effet définis comme des droits fondamentaux, à protéger comme partie intégrante des droits humains.
A la suite des rencontres tenues sous l’égide de l’Organisation des Nations Unies, de grandes avancées permettant de conscientiser les décideurs sur les questions de droit des femmes ont été remarquées. La multiplication des tables rondes autour du sujet casse l’image négative attribuée aux femmes dans nombre de sociétés. Trois conférences permettront aux pays africains d’engager de véritables réformes visant à annihiler toute tentative de coller aux femmes des stéréotypes.
Le genre dans l’enseignement supérieur guinéen. Cas de l’Université Général Lansana Conté de Sonfonia à Conakry en République de Guinée
Les premières luttes pour l’égalité des sexes auraient commencé au Moyen-Âge, consciemment ou non, à une échelle individuelle et collective. Par contre, l’introduction de cette thématique dans le champ académique se situerait aux alentours de la seconde-moitié du 20ème siècle. A cause de la plus grande ancienneté des sciences de la nature notamment la biologie par rapport à certaines disciplines clés des sciences sociales qui s’occupent aujourd’hui de la question de l’inégalité des sexes, comme la sociologie et ce qu’on pourrait appeler les études féministes par exemple, des savants de l’époque (du moyen-âge au début du 20èmesiècle) trouvèrent nécessaire d’expliquer les rapports hommes/femmes en termes biologiques, autrement dit, sous l’angle de la nature.
Pour résorber cette vision discriminatoire dans les questions des rapports hommes/femmes, des intellectuelles, anglaises, américaines et françaises ont cru nécessaire de mettre au point un vocable pouvant tenir compte de la dimension socio-culturelle qui faisait, jusque-là, défaut dans la définition et la compréhension des deux sexes. D’où l’apparition du terme “gender” qu’on a un peu mal traduit en français par le mot “genre”.
L’éducation à tous les niveaux en Afrique est un lieu de genre et les disparités liées au genre sont plus prononcées. Même si des avancées ont été faites dans la participation des femmes dans l’enseignement supérieur tel que démontré par le nombre croissant d’étudiantes et celui également croissant de femmes atteignant la maîtrise. De plus, les structures de nombre d’universités africaines restent délibérément masculines, en termes de structure représentative, des procédures de prises de décisions et de la culture de ses membres. Les femmes continuent d’être la minorité dans l’enseignement supérieur et les femmes dans ces institutions sont divisées et isolées pour différentes raisons sociales, économiques, culturelles et psychologiques.

La sous-représentation des femmes aux postes de prise de décision est à l’image des axes stratégiques et des actions définies par la politique du département de tutelle pour la période 2016-2020. En effet, sur un total de 157 postes de responsabilité du secteur, seules quinze (15) femmes sont nommées pour le modique pourcentage de 9,55%.
Ce constat est d’autant plus vrai que le sujet qui nous intéresse ici, la situation sexospécifique à l’Université Général Lansana conté de Sonfonia n’échappe pas à la règle qui voudrait que les femmes universitaires soient de loin numériquement inférieures à leurs homologues masculins. Cet état de fait est d’autant plus ancré qu’il découle d’une considération, comme nous l’avons démontré plus haut, d’ordre socioculturel qui voudrait que le savoir soit la chasse gardée des hommes comme pour de nombreux secteurs de la vie socio-économique, politique de la nation guinéenne.
Leçons tirées de l’Institut sur le genre 2009 de Dakar
Nous faisons nôtre les raisons évoquées lors de l’Institut sur le genre 2009 pour justifier les raisons du thème de la participation des femmes dans l’enseignement supérieur:
- Les universitaires, doyens, professeurs, recteurs, responsables de service de scolarité, dirigeants de syndicats d’enseignement jouent un rôle très important dans le développement des institutions. Leurs contributions à la création d’institutions sensibles au genre est indispensable à différent niveaux
- La visibilité des femmes dans les postes de responsabilité agit comme un catalyseur qui motive les jeunes femmes à jouer un rôle plus important dans les institutions d’enseignement supérieur, ce faisant à changer les injustices postcoloniales persistantes
- Bien que le nombre de femmes obtenant des diplômes supérieurs dans les universités africaines ait augmenté avec le temps, peu de femmes sont retenues dans les institutions d’enseignement supérieur et encore moins atteignent des postes de responsabilité
- La plupart des institutions d’enseignement ont de vieilles manières patriarcales d’opération. Il est difficile de remettre en question ces structures à partir des amphithéâtres. Pour qu’il y ait un réel changement, il est nécessaire de régler les questions de genre au plus haut niveau des institutions en impliquant les femmes dans la prise de décisions, dans l’enseignement, dans la gestion et dans les activités syndicales
- L’absence persistante de femmes universitaires dans des postes de décision est la réflexion de disparités sérieuses à tous les niveaux de l’éducation en Afrique. Il existe un goulot d’étranglement systématique, basé sur le genre qui a besoin d’être compris, pris en charge et éliminé. Le tableau ci-dessous édifie sans peine le gap dans les effectifs du point de vue du genre des enseignants-chercheurs de l’Université GLC de Sonfonia à Conakry, en République de Guinée.

Conclusion
Avec les chiffres ci-dessus qui sont loin d’être en équilibre à plus forte raison en faveur du personnel enseignant de sexe féminin à l’Université GLC de Sonfonia, et cela quel que soit le nombre d’étudiantes présentes dans les différents cursus, comment contribuer efficacement à la formation du patrimoine intellectuel de tout un pays et qui devra constituer un socle pour les enjeux que l’humanité affrontera dans les décennies à venir?
Les Universités guinéennes et l’Université GLC de Sonfonia à Conakry qui est notre objet d’étude et qui est spécialisée dans les sciences humaines et sociales ont tout intérêt à changer la donne et à faire de l’équilibre du genre dans les institutions d’enseignement supérieur du pays. Ce faisant, elles encouragent l’éclosion d’une nouvelle énergie positive additionnelle à celle existant déjà. Mais cela ne pourra être possible qu’en encourageant les politiques qui produisent des résultats et adressent des stratégies transformatives liées à la recherche, au développement des enseignements, à la gestion et à la prise de décision.
Ces stratégies devraient pousser les enseignants-chercheurs à travailler sur des moyens de déconstruire les dynamiques complexes d’injustice et d’inégalité postcoloniale dans l’enseignement supérieur guinéen, tout en tenant compte de l’environnement particulier dans lequel se trouvent les institutions d’enseignement supérieur guinéennes de ces dernières années.
Malgré ces quelques dispositifs non négligeables en faveur du rééquilibrage du point de vue du genre dans l’enseignement supérieur mondial et africain, l’on pourrit se demander pourquoi l’Université GLC de Sonfonia se trouve à la queue de peloton des universités dans le cadre d’égalité homme-femme concernant le personnel enseignant? Il s’agit d’un constat inacceptable pour tout établissement digne d’être considéré comme étant un établissement d’enseignement supérieur et, à plus forte raison une université des sciences humaines et sociales.
