Auteur : Institut National de la Statistique ( INS Cameroun)
Site de publication : INS
Type de publication : Rapport
Date de publication : Juin 2023
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Introduction
L’éducation demeure un pilier fondamental dans la stratégie de développement de tout pays, surtout dans un contexte comme celui du Cameroun marqué par une dynamique sociale, économique et démographique importante. Le rapport d’analyse des données du recensement scolaire 2021-2022, publié par l’Institut National de la statistique (INS), met en lumière la situation éducative du pays en dressant un tableau exhaustif de la réalité scolaire à l’échelle nationale, régionale et locale. Ce rapport regorge des résultats les plus marquants , en abordant notamment la structure du système éducatif, l’accès et la participation, la répartition territoriale, les inégalités constatées, l’état des infrastructures, le personnel enseignant, ainsi que les enjeux relatifs à la gouvernance et aux politiques éducatives.
Le système éducatif camerounais : organisation et dynamique
Le système éducatif camerounais s’organise autour de plusieurs niveaux comprenant notamment l’enseignement maternel, primaire, secondaire (premier et second cycle) et les filières techniques. Cette organisation reflète une volonté d’assurer une éducation de base pour tous, tout en ouvrant la voie à une spécialisation progressive et à un accès à l’enseignement supérieur.
Le rapport met en avant la diversité des acteurs impliqués dans l’offre scolaire, avec un partage entre les secteurs public, privé laïc et privé confessionnel. Cette pluralité constitue à la fois une opportunité d’élargissement de l’offre éducative et un défi de régulation pour garantir l’équité et la qualité sur l’ensemble du territoire.
On assiste à une croissance notable de la demande scolaire, alimentée par une démographie jeune et des politiques incitatives en matière d’éducation. Cette pression démographique s’accompagne d’une mutation socio-économique marquant la transition progressive d’une scolarisation de masse vers une scolarisation de qualité, enjeu central pour le développement du pays.
L’accès et la participation à l’éducation
L’analyse de l’accès à l’éducation met en lumière un taux d’inscription élevé au niveau de l’enseignement primaire, signe d’une prise de conscience collective de l’importance de la scolarisation dès le plus jeune âge. Le rapport souligne toutefois des disparités entre groupes sociaux et entre régions. Certains groupes vulnérables, notamment les filles, les enfants en situation de handicap ou issus des zones rurales, font face à des obstacles persistants.
La transition entre les différents niveaux du système éducatif reste l’un des points critiques soulignés par le rapport, particulièrement à l’issue du cycle primaire où une proportion non négligeable d’élèves abandonne le parcours scolaire ou n’accède pas au secondaire. Ce phénomène peut s’expliquer par une multitude de facteurs : coût de la scolarisation, éloignement des établissements, faiblesse de l’encadrement, contraintes économiques des familles, ou encore insuffisance de l’information sur l’utilité de la poursuite scolaire.
On mentionne également des tendances préoccupantes relatives à la participation dans l’enseignement secondaire, notamment chez les adolescents en situation de vulnérabilité. L’abandon précoce, le redoublement, l’absentéisme, tout comme la faible prise en compte des besoins éducatifs spéciaux, sont identifiés comme des freins majeurs à la consolidation d’une éducation inclusive et équitable.
Répartition territoriale et disparités régionales
Le système éducatif camerounais renvoie l’image d’un pays traversé par de profondes différences régionales, fruit d’une histoire spécifique, mais aussi de contextes économiques, culturels et politiques distincts. Le rapport fait état de variations sensibles dans l’offre scolaire selon les régions, entre le milieu urbain et rural, mais aussi selon les spécificités géographiques (zones de montagne, plaines, régions enclavées ou frontalières).
Ces disparités se traduisent aussi bien sur le plan du nombre d’établissements scolaires disponibles que sur celui de la qualité des infrastructures, de la répartition des enseignants ou encore du taux de scolarisation. Les régions en situation d’insécurité ou affectées par des crises sociopolitiques voient leur système éducatif fortement fragilisé, avec des conséquences négatives sur la fréquentation et la performance scolaires.
La concentration des établissements scolaires dans les zones urbaines contraste avec leur rareté dans les régions rurales ou difficiles d’accès. Le rapport analyse les défis posés par ce déséquilibre dans la perspective d’une éducation pour tous et insiste sur la nécessité d’une politique éducative différenciée, capable de répondre aux réalités locales.
L’état des infrastructures et les conditions d’apprentissage
Les infrastructures scolaires constituent un facteur déterminant de la qualité de l’éducation. Le rapport dresse un bilan nuancé sur ce point, mettant en avant l’existence d’établissements encore en nombre insuffisant, mais aussi de nombreuses écoles inadaptées, vétustes ou en mauvais état, en particulier dans les zones rurales et périurbaines.
La disponibilité des salles de classe, leur capacité d’accueil, l’accès à l’eau potable, à l’assainissement et à l’électricité, ainsi que la présence d’équipements pédagogiques adéquats, sont analysés en profondeur. Le manque d’infrastructures adaptées, associé à la surpopulation dans certains établissements, contribue à dégrader l’environnement d’apprentissage et limite l’efficacité des enseignements.
La question de la sécurité au sein des établissements, ainsi que la prise en compte des besoins spécifiques des élèves en situation de handicap, est abordée comme un défi à surmonter pour garantir une école réellement inclusive. Le rapport insiste sur l’importance de l’investissement dans l’extension et la rénovation des infrastructures, mais aussi sur la nécessité d’une maintenance régulière et d’un équipement pédagogique en phase avec les exigences contemporaines.
Le personnel enseignant : répartition, formation et défis professionnels
Le personnel enseignant est au cœur de la qualité du système éducatif. L’analyse du rapport relève une croissance progressive du nombre d’enseignants afin de répondre à l’augmentation de la demande scolaire. Toutefois, des disparités persistent dans la répartition régionale et sectorielle des enseignants, certains milieux, notamment ruraux et zones enclavées, étant plus défavorisés.
Le rapport met l’accent sur le profil du corps enseignant en termes de qualification, d’ancienneté, de statut (contractuels, fonctionnaires, communautaires), et sur les conditions de leur recrutement. La question de la formation initiale et continue apparaît comme un élément crucial pour garantir la qualité de l’enseignement, au même titre que la stabilité professionnelle et les perspectives de carrière.
Les enseignants font aussi face à une série de défis professionnels : surcharge de travail, effectifs pléthoriques en classe, manque de moyens didactiques, mobilité contrainte ou affectations peu souhaitées, sans oublier les insuffisances souvent relevées dans la formation en gestion de la diversité pédagogique. L’amélioration de leur bien-être professionnel et de leurs conditions de travail est identifiée comme un levier central de revalorisation de la profession et d’amélioration des résultats des élèves.
Inclusion, équité et genre dans l’éducation
L’un des fils conducteurs du rapport concerne la question de l’équité, tant au niveau de l’accès à l’éducation que de la réussite scolaire. L’accent est mis sur l’importance d’une éducation inclusive, adaptée aux besoins de tous les enfants, quelles que soient leur origine sociale, leur situation géographique, leur genre ou leurs capacités.
Les inégalités de genre demeurent une réalité, avec une persistance des stéréotypes et discriminations compromettant la pleine intégration des filles dans le système éducatif, notamment dans les zones rurales ou auprès de certaines communautés traditionnelles. Le rapport met en exergue les effets de ces inégalités, non seulement sur la scolarisation, mais aussi sur la performance et l’orientation vers les filières scientifiques ou techniques.
La question de la prise en charge des enfants à besoins éducatifs spéciaux, dont ceux présentant un handicap, est également discutée. Le manque d’établissements spécialisés, d’enseignants formés à l’éducation inclusive, ainsi que la stigmatisation sociale constituent autant d’obstacles à une architecture éducative solidaire et égalitaire. L’intensification des politiques de lutte contre l’exclusion scolaire, le soutien à la scolarisation des filles et l’investissement dans les dispositifs d’accompagnement des élèves en situation de handicap sont identifiés comme des axes prioritaires.
Gouvernance, pilotage et financement du secteur éducatif
Le rapport souligne le rôle fondamental de la gouvernance éducative dans la réussite des politiques d’éducation. L’analyse fait apparaître à la fois des avancées sur le plan structurel et des défis persistants. L’articulation des rôles entre acteurs publics, privés et communautaires, la clarté des responsabilités, la transparence dans la gestion et l’allocation des ressources, ainsi que la participation effective des parties prenantes sont autant de leviers identifiés.
Le financement du secteur éducatif représente un enjeu crucial dans un contexte marqué par des besoins croissants. Le rapport évoque la nécessité d’une allocation budgétaire adaptée mais aussi l’importance des mécanismes de suivi, de contrôle et d’évaluation pour une gestion efficace et pérenne. La mobilisation de partenariats et de ressources complémentaires est encouragée pour soutenir les efforts d’extension et de modernisation du système éducatif.
Le document met également en avant la nécessité du renforcement des capacités institutionnelles à tous les niveaux, notamment en matière de planification, d’administration et d’évaluation des politiques éducatives. Cela passe par la modernisation des outils de pilotage, le développement des systèmes d’information et la promotion de la redevabilité et de la transparence dans tous les segments du système éducatif.
Évolutions, innovations et perspectives
L’analyse du rapport met en lumière les évolutions positives observées ces dernières années dans le secteur éducatif camerounais, tout en suggérant la nécessité d’accélérer certains processus de transformation. Les innovations pédagogiques, l’introduction progressive des technologies de l’information et de la communication dans l’éducation (TICE), ainsi que l’expérimentation de nouveaux modèles d’enseignement sont présentés comme de véritables leviers d’amélioration.
Le rapport insiste sur l’intérêt de favoriser l’apprentissage actif, la diversification des offres éducatives, l’adaptation des curricula aux besoins évolutifs du marché du travail, mais aussi l’ancrage des valeurs citoyennes, culturelles et civiques. La croissance des effectifs, l’internationalisation de l’éducation, tout comme l’ouverture aux compétences du XXIe siècle sont discutées comme des impératifs majeurs pour la compétitivité et l’inclusion du Cameroun dans l’économie mondiale.
Le rapport attire enfin l’attention sur la nécessité de renforcer la résilience du secteur face aux crises (sanitaires, politiques, sécuritaires) en consolidant les dispositifs d’appui, l’enseignement à distance, ainsi que la capacité d’innovation institutionnelle et pédagogique.
Conclusion
Le rapport d’analyse des données du recensement scolaire 2021-2022 offre un panorama nuancé et représentatif des transformations et défis du système éducatif camerounais. Si les progrès enregistrés témoignent d’une dynamique nationale en faveur de l’éducation pour tous, de nombreux obstacles restent à surmonter pour atteindre une éducation de qualité, inclusive et équitable.
L’accent doit être mis sur la réduction des disparités territoriales et sociales, l’amélioration du bien-être et de la formation des enseignants, l’investissement dans les infrastructures et les outils pédagogiques adaptés, ainsi que sur le renforcement de la gouvernance et du financement du secteur. La promotion de l’équité, de l’inclusion et de l’innovation éducative demeure impérative pour bâtir un système capable de répondre aux aspirations de la jeunesse camerounaise et aux attentes du développement national.
Ce panorama impose une action concertée de l’ensemble des acteurs, qu’ils soient publics, privés, communautaires ou issus de la société civile, dans une perspective de solidarité, de modernisation et de réussite collective. Ainsi, l’éducation au Cameroun, forte de ses acquis et consciente de ses défis, doit poursuivre son évolution vers un modèle plus résilient, centré sur l’apprenant, ouvert sur le monde et ancré dans les réalités socioculturelles du pays.
