Auteur : David Ebongue
Site de publication : ESJ
Type de document : Article
Date de publication : Avril 2025
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Introduction
Les violences basées sur le genre en milieu scolaire (VBGMS) au Cameroun représentent un enjeu important, influencé par des éléments culturels, socio- économiques et structurels. Elles se manifestent sous diverses formes, notamment les violences sexuelles, psychologiques, physiques et cyberviolences, avec une prévalence inquiétante envers les filles. Ces violences sont exacerbées par des normes patriarcales, la pauvreté, les conflits armés et des déficits infrastructurels. Elles compromettent la sécurité et l’inclusion des élèves. Leurs conséquences sont alarmantes : décrochage scolaire, détérioration de la santé mentale des victimes et perpétuation des inégalités de genre.
Malgré l’existence de cadres juridiques et d’initiatives de sensibilisation, leur application demeure limitée en raison de la corruption, de la méconnaissance des droits et du manque de données fiables. Les défis persistent, notamment en raison de la culture du silence, de l’insuffisance des mécanismes de soutien et de la formation inadéquate des enseignants.
Les rôles genrés traditionnels assignent aux filles une position de soumission tandis que les garçons sont socialisés dans une logique de domination. Cette dynamique se traduit par des phénomènes tels que les mariages précoces, qui concernent 30 % des filles avant 18 ans (UNICEF, 2021). Elle limite leur accès à l’éducation et les expose à des violences domestiques et scolaires. En milieu scolaire, les violences sont alarmantes : une fille sur quatre subit des violences sexuelles, souvent perpétrées par des enseignants ou des camarades (Plan International, 2018).
Les éléments socio – culturels et institutionnels exacerbent les violences en milieu scolaire au Cameroun. Ils freinent leur prévention et leur gestion efficace. La crise anglophone dans le Nord – Ouest et le Sud – Ouest a intensifié ces violences. Les écoles sont ciblées par des attaques. Selon Human Rights Watch (2022), cette situation expose les filles à un risque accru de violences sexuelles. Les violences sont souvent banalisées, les victimes étant blâmées et découragées de signaler les abus.
Les normes de genre influencent l’émergence des violences scolaires au Cameroun. Les filles subissent surtout des violences sexuelles, du harcèlement et des châtiments corporels, souvent justifiés par des arguments moraux. Les garçons endurent davantage de violences physiques ou psychologiques, liées à des attentes de virilité, mais les signalent moins par honte.
Les données sur ces violences sont limitées. Les études existantes (par ex : UNICEF, 2021 ; Plan International, 2018) manquent d’une analyse intersectionnelle qui inclut l’âge, le handicap ou la classe sociale. L’impact des crises sociopolitiques, comme les conflits anglophones et les déplacements forcés, reste peu étudié. Les mécanismes de signalement sont biaisés par des perceptions genrées. Ces perceptions minimisent certaines violences et découragent les victimes, surtout en milieu rural.
Les réalités socio – culturelles et institutionnelles locales influencent fortement les violences scolaires au Cameroun. Les normes patriarcales naturalisent les violences sexuelles envers les filles, souvent justifiées par l’hyper sexualisation de leur corps. Elles légitiment les violences physiques envers les garçons, liées aux modèles de masculinité traditionnelle.
Hypothèse genrée sur les types de violence
L’objectif spécifique est d’analyser comment les normes de genre déterminent les types de violences subies par les filles (violences sexuelles et psychologiques) et les garçons (violences physiques) en milieu scolaire au Cameroun.
Hypothèse sur le non-signalement
L’objectif spécifique est d’identifier les obstacles genrés au signalement des violences scolaires, en explorant les craintes de stigmatisation pour les filles, la honte pour les garçons, et la méfiance envers les institutions éducatives.
Hypothèse contextuelle (régionale/institutionnelle)
L’objectif spécifique est d’examiner comment les contextes régionaux (crise anglophone, milieu rural) et institutionnels (déliquescence des structures étatiques, pratiques patriarcales, manque de formation des acteurs éducatifs) aggravent les violences genrées en milieu scolaire.
Discussion
Les études recensées sur le genre et les violences scolaires au Cameroun (période 2015 – 2024) montrent que les filles sont principalement victimes de violences sexuelles (viol, exploitation, mariages forcés) et psychologiques (stigmatisation, peur de dénoncer), aggravées par la pauvreté, les conflits armés et les normes patriarcales. Les garçons, eux, sont plus exposés aux violences physiques (bagarres, agressions, enlèvements) et au recrutement par des groupes armés (dans les zones de conflit), en lien avec les attentes sociales liées à la masculinité. Les filles subissent des conséquences spécifiques comme les grossesses précoces et l’abandon scolaire, tandis que les garçons sont davantage confrontés à la mortalité et à la militarisation. Les signalements sont rares : les filles redoutent la stigmatisation et les représailles, et les garçons ressentent de la honte à se considérer comme victimes.
La faiblesse des structures étatiques et la corruption compliquent la lutte contre ces violences. Dans les zones de conflit, comme la crise anglophone, les attaques contre les écoles et les enlèvements affectent particulièrement les filles. En milieu rural, les normes patriarcales et le manque d’infrastructures scolaires exacerbent les violences genrées, notamment les mariages précoces. L’absence de protection juridique et la corruption entravent les réponses institutionnelles, et le manque de formation des acteurs éducatifs contribue à l’impunité.
Les filles sont davantage exposées aux violences sexuelles (exploitation, viol, mariages forcés) et psychologiques (stigmatisation, peur de signaler les abus), souvent renforcées par des normes patriarcales et des contextes de pauvreté ou de conflits armés. En revanche, les garçons subissent principalement des violences physiques (bagarres, agressions, enlèvements) et sont plus vulnérables au recrutement par des groupes armés, en lien avec les stéréotypes de masculinité qui valorisent la force et la résistance. Cette répartition genrée des violences est corroborée par plusieurs sources.
Cette hypothèse, bien que valide, repose sur une vision binaire du genre (fille/garçon), ignorant la diversité des identités (non binaires, queer, etc.). Elle invisibilise les expériences des personnes ne correspondant pas à ces catégories traditionnelles). De plus, elle occulte la complexité des rapports de pouvoir et des dynamiques sociales. Une approche intersectionnelle peut permettre d’explorer comment classe sociale, ethnicité et handicap interagissent avec le genre pour produire des expériences de violence différenciées.
Les filles hésitent à dénoncer les violences sexuelles et psychologiques en raison de la stigmatisation sociale et de la peur des représailles, notamment dans des contextes où les normes culturelles renforcent leur vulnérabilité. Les garçons sont moins enclins à signaler les violences physiques à cause de la honte associée à la victimisation et de la pression sociale pour incarner la force et la résilience. De plus, la méfiance envers les institutions, jugées inefficaces ou complices (enseignants non formés, corruption), décourage également les signalements. Cette hypothèse révèle des dynamiques genrées clés, comme la stigmatisation des filles et la honte des garçons, qui freinent le signalement des violences. Une analyse plus critique aurait pu déconstruire ces attentes genrées et inclure les expériences des personnes LBGTQ+, souvent réticentes à signaler des violences par crainte de discrimination ou d’incompréhension institutionnelle. Enfin, la méfiance envers les institutions, bien que mentionnée, peut gagner à être analysée de manière intersectionnelle en montrant comment elle est amplifiée pour certains groupes marginalisés (p. ex., les filles rurales issues de milieux pauvres).
Notre hypothèse contextuelle (régionale/institutionnelle) est également validée par notre analyse documentaire. Elle souligne que les violences genrées sont aggravées dans des contextes spécifiques, tels que les zones en crise (comme la crise anglophone) et les milieux ruraux. Dans ces régions, la déliquescence des structures étatiques, la corruption et le recours accru à des pratiques traditionnelles patriarcales (mariages précoces, normes de genre rigides) exacerbent les violences.
De plus, le manque de formation des acteurs éducatifs, souvent majoritairement masculins, et leur incapacité à identifier et gérer les violences genrées contribuent à perpétuer l’impunité. Cette hypothèse intègre des facteurs structurels (déliquescence des institutions, corruption, normes patriarcales) qui exacerbent les violences genrées, notamment dans les contextes de crise et les milieux ruraux. Cependant, elle omet d’explorer comment ces structures affectent les personnes LBGTQ+, souvent confrontées à des violences spécifiques (exclusion, persécution) dans des contextes normatifs rigides. De plus, elle ne mobilise pas suffisamment l’intersectionnalité pour analyser comment tribalisme, népotisme ou validisme interagissent avec le genre et produisent des expériences de violence différenciées. Enfin, si le manque de formation des acteurs éducatifs est mentionné, l’hypothèse n’aborde pas leur formation à une approche inclusive.
