

Auteurs : Thibaut Girault, Sophia Stille
Site de publication : Mixedmigration.org
Type de publication : Rapport
Date de publication : Juin 2024
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Introduction
Dans des contextes où les facteurs motivant la migration des enfants et des jeunes sont complexes et multifactoriels, le droit à l’éducation, en tant que droit fondamental, doit rester une priorité pour ces enfants et ces jeunes sur les routes migratoires d’Afrique du Nord et de l’Ouest. Par conséquent, les réalités et les opportunités en matière d’éducation pour les personnes en déplacement doivent être soigneusement documentées et disséminées.
Cette note d’information fournit des informations sur les réalités et les besoins en matière d’éducation des enfants et des jeunes migrant∙e∙s dans quatre capitales d’Afrique de l’Ouest et du Nord (Bamako, Conakry, Niamey et Tunis). Elle est basée sur des enquêtes menées auprès de jeunes migrant∙e∙s âgé∙e∙s de 18 à 24 ans et de personnes voyageant avec des enfants à leur charge (accompagnant∙e∙s), réalisées entre juin 2022 et septembre 2023.
Besoins en matière d’éducation
En comparaison avec les autres types de service, l’accès à une éducation formelle ou informelle figure au premier rang des besoins identifiés par les accompagnant∙e∙s pour leurs enfants. Dans l’ensemble, 29% des personnes interrogées ont indiqué l’éducation (formelle ou informelle) parmi les types de services dont les enfants dont elles s’occupaient avaient besoin. Ce score est plus élevé que, par exemple, les besoins en termes d’aide alimentaire (20%) et d’accès aux soins de santé (18%). Moins d’une personne sur dix considère la garde d’enfants (10%) et/ou la formation professionnelle (9%) comme des besoins pour leurs enfants.
Des différences notables ont été observées entre les villes. A Conakry, la moitié des accompagnant∙e∙s ont déclaré que l’éducation (formelle ou informelle) faisait partie des services dont leurs enfants avaient besoin, ce qui souligne un besoin pressant. De même, un tiers des personnes interrogées à Niamey ont cité l’éducation (formelle ou informelle) parmi les besoins des enfants dont elles s’occupaient. De plus, Niamey a enregistré la plus forte proportion de personnes interrogées ayant cité la formation professionnelle parmi les besoins de leurs enfants (23%).
A Tunis, 32% des personnes prenant en charge des enfants ont indiqué la garde d’enfants comme un besoin pour leurs enfants, ce qui reflète également l’accès important à la garde d’enfants informelle à Tunis (rapporté par 27% des personnes prenant en charge des enfants). En général, les personnes qui ont répondu à l’enquête à Bamako ont moins souvent indiqué que leurs enfants avaient besoin de services liés à l’éducation que dans les autres villes.
Obstacles à l’accès aux services liés à l’éducation
Les raisons invoquées par les accompagnant∙e∙s dont les enfants n’avaient pas accès à des services de garde ou d’éducation (n=689) sont diverses. La raison la plus citée est le manque de ressources financières (41%). Cette raison est plus souvent citée par les hommes (48%, n=538) que par les femmes (36%, n=655). La durée du séjour est également un facteur pertinent pour 22% des accompagnant∙e∙s interrogé∙e∙s. Plus d’un tiers des femmes (37%) ont également déclaré qu’elles ne souhaitaient pas que les enfants dont elles avaient la charge aient accès à ces services, contre 22% des hommes (30% dans l’ensemble). C’était particulièrement le cas à Bamako, où 54% de toutes les personnes s’occupant d’enfants ont répondu de la sorte, ce qui pourrait également être lié à la vulnérabilité financière.
A Conakry, la moitié des accompagnant∙e∙s ont déclaré que l’éducation (formelle ou informelle) faisait partie des services dont leurs enfants avaient besoin, ce qui souligne un besoin pressant. De même, un tiers des personnes interrogées à Niamey ont cité l’éducation (formelle ou informelle) parmi les besoins des enfants dont elles s’occupaient. De plus, Niamey a enregistré la plus forte proportion de personnes interrogées ayant cité la formation professionnelle parmi les besoins de leurs enfants (23%)
C’est à Bamako que la plus forte proportion d’accompagnant∙e∙s ayant déclaré avoir besoin d’une aide financière (95%) a été enregistrée, contre seulement 58% des accompagnant∙e∙s à Conakry. Cependant, 93% des personnes interrogées à Bamako ont également déclaré gagner de l’argent au moment de l’entretien. Cela suggère que les personnes interrogées à Bamako étaient particulièrement vulnérables sur le plan financier, ce qui pourrait expliquer pourquoi elles ne veulent pas que leurs enfants aient accès aux services éducatifs, car elles ont potentiellement besoin du soutien de leurs enfants pour assurer le revenu familial.

Le manque de ressources financières est le principal obstacle rencontré par les accompagnant∙e∙s qui formulent un besoin éducatif pour les enfants à leur charge sans pouvoir accéder aux services d’éducation. Parmi les accompagnant∙e∙s interrogé∙e∙s qui formulent le besoin, pour leur enfant, d’accéder à une éducation formelle ou informelle (n=347), la moitié (51%) indique que les enfants à leur charge ne fréquentent aucun service éducatif et/ou de garde d’enfant.
La perception, chez les accompagnant∙e∙s interrogé∙e∙s, que les enfants dont ils/elles ont la charge n’auraient pas besoin d’accéder aux services éducatifs est une des raisons de la non réalisation du droit à l’éducation pour les enfants et jeunes sur les routes migratoires.
Profil éducatif des jeunes travailleur∙se∙s migrant∙e∙s
La majorité des jeunes interrogé∙e∙s ont déclaré gagner de l’argent au moment de l’entretien. En effet, la plupart des jeunes interrogé∙e∙s (80%) avaient une source de revenus au moment de l’entretien. Le niveau d’éducation de ces répondant∙e∙s reflète le niveau d’éducation général des jeunes répondant∙e∙s.
A Tunis, 32% des personnes prenant en charge des enfants ont indiqué la garde d’enfants comme un besoin pour leurs enfants, ce qui reflète également l’accès important à la garde d’enfants informelle à Tunis (rapporté par 27% des personnes prenant en charge des enfants)
La formation professionnelle peut être avantageuse pour les jeunes migrant∙e∙s demandeur∙se∙s d’emploi. Par rapport aux jeunes répondant∙e∙s qui ne gagnaient pas d’argent (n=281), les jeunes répondant∙e∙s qui avaient un revenu au moment de l’entretien (n=1,164) ont plus souvent déclaré avoir suivi une formation professionnelle (18% contre 9%), et moins souvent avoir fréquenté l’université (14% contre 31%).
Facteurs de migration
Les principales raisons invoquées par les jeunes répondant∙e∙s pour quitter leur pays d’origine sont des facteurs dits économiques (79%), suivis par une culture de la migration (27%), l’accès aux services et la corruption (15%), et des raisons personnelles ou familiales (14%). La multiplicité des raisons évoquées pour entreprendre un parcours migratoire souligne le caractère plurifactoriel de ces décisions où les aspirations pour accéder à une meilleure qualité de vie dominent mais ne peuvent pas expliquer à elles seules les facteurs de migration. En outre, les jeunes hommes interrogés ont plus souvent cité des facteurs dits économiques (84%, contre 68% pour les femmes) parmi les raisons de leur départ.
Les jeunes répondant∙e∙s qui avaient terminé l’enseignement primaire (n=312) ou une formation professionnelle (n=235) ont plus souvent cité des facteurs économiques parmi les principales raisons de leur migration (91% et 92% respectivement). D’autre part, les jeunes répondant∙e∙s ayant suivi une formation universitaire (n=245) ont moins souvent cité les facteurs économiques parmi les raisons de leur départ (31%). Par rapport aux autres groupes, les jeunes répondant∙e∙s qui avaient fait des études universitaires ont plus souvent cité l’accès aux services/la corruption (53%) et des raisons personnelles ou familiales (25%) pour expliquer pourquoi ils/elles avaient quitté leur pays d’origine.
Besoins en matière d’éducation : différences selon le sexe, le niveau d’éducation et la ville
Dans l’ensemble, les services éducatifs dont les jeunes interrogé∙e∙s avaient le plus besoin sont les cours de langues étrangères (33%) et la formation professionnelle (28%). Cette typologie de besoins éducatifs reflète des compétences nécessaires pour l’accès à une activité génératrice de revenus, ce qui correspond à une aspiration caractéristique de la tranche d’âge étudiée (18 à 24 ans).
La formation professionnelle peut être avantageuse pour les jeunes migrant∙e∙s demandeur∙se∙s d’emploi. Par rapport aux jeunes répondant∙e∙s qui ne gagnaient pas d’argent (n=281), les jeunes répondant∙e∙s qui avaient un revenu au moment de l’entretien (n=1,164) ont plus souvent déclaré avoir suivi une formation professionnelle (18% contre 9%), et moins souvent avoir fréquenté l’université (14% contre 31%)
Il convient toutefois de noter que 32% des personnes interrogées ont répondu qu’elles n’avaient besoin d’aucun service éducatif. Ce chiffre est encore plus élevé pour les femmes (40%) que pour les hommes (28%), ce qui reflète leur niveau d’éducation globalement plus élevé. Deux sous-catégories de jeunes femmes répondantes se distinguent, entre celles pour qui le manque d’opportunités éducatives dans leur pays d’origine a influencé leur décision migratoire d’une part (voir section précédente), et celles qui déclarent n’avoir aucun besoin éducatif d’autre part.
Compétences professionnelles requises
Sur les 409 jeunes interrogé∙e∙s qui ont indiqué avoir besoin d’une formation professionnelle, 45% ont déclaré en avoir besoin dans le domaine du commerce, 37% dans le domaine de l’informatique/des communications et 35% dans le domaine de l’éducation financière.
Les besoins en formation professionnelle des personnes interrogées varient en fonction du sexe, ce qui reflète la division du travail technique et manuel entre les sexes parmi les migrant∙e∙s.
