

Auteurs : Équipe du Programme d’appui au changement et à la transformation de l’éducation
Site de publication : Confemen
Type de publication : Rapport
Date de publication : 2023
Lien vers le document original
Introduction
L’éducation constitue un levier essentiel de développement, particulièrement dans les pays d’Afrique subsaharienne francophone confrontés à de nombreux défis liés à l’accès, à la qualité et à l’inclusivité du système éducatif. La feuille de route des Nations Unies pour 2030, à travers son ODD 4, appelle à une transformation profonde des politiques éducatives afin de permettre à chaque enfant, jeune et adulte de bénéficier d’un apprentissage adapté aux exigences du monde contemporain.
De nombreux défis freinent encore le développement des systèmes éducatifs dans la région, notamment les inégalités d’accès entre zones urbaines et rurales, la pauvreté et le déficit d’infrastructures adéquates. Le renforcement des politiques éducatives nationales, à travers des instruments tels que les Plans Sectoriels de l’Éducation, constitue une priorité pour répondre efficacement à ces enjeux.
Contexte
Dans ce contexte, les Plans Sectoriels de l’Éducation sont des instruments stratégiques clés qui orientent la gestion et le développement du secteur éducatif sur la période couverte. Ils doivent être conçus de manière à refléter les priorités nationales tout en intégrant les engagements internationaux tels que ceux contenus dans l’Agenda 2030.
L’étude entend ainsi fournir des clés de compréhension sur les dynamiques en cours, les bonnes pratiques observées et les marges de progrès, afin d’orienter les décideurs et partenaires dans la formulation de politiques éducatives plus efficaces et inclusives. La présente analyse mise sur une approche comparative des PSE afin d’identifier dans quelle mesure ils répondent aux exigences de l’ODD 4 en tenant compte des réalités nationales et régionales.
À l’échelle régionale, la conférence des ministres de l’Éducation des États et gouvernements de la Francophonie s’est engagée à accompagner les pays dans la formulation de PSE conformes aux normes internationales, notamment l’ODD4, tout en tenant compte des réalités culturelles et socio-économiques spécifiques.
Analyse comparative des cibles principales de l’ODD 4
L’ODD 4 vise à assurer une éducation inclusive, équitable et de qualité ainsi qu’à promouvoir des opportunités d’apprentissage tout au long de la vie pour tous. Ses principales cibles comprennent : l’accès universel à l’enseignement primaire et secondaire, l’éducation préscolaire, la formation professionnelle et technique, l’éducation inclusive, ainsi que la pertinence des compétences acquises.
Concernant l’accès à l’école primaire, la plupart des PSE mettent en avant la scolarisation obligatoire et gratuite comme un objectif prioritaire. Cependant, les aspects liés à la gratuité réelle et à l’égalité d’accès restent peu détaillés.
L’éducation préscolaire est reconnue comme une étape clé, mais sa prise en compte varie fortement d’un pays à l’autre, souvent en raison du faible taux de couverture et des contraintes budgétaires. La gratuité de l’école primaire est officiellement instaurée dans la plupart des pays membres, mais son application effective est parfois entravée par la persistance de frais connexes tels que l’achat de fournitures scolaires ou les contributions aux infrastructures, ce qui constitue une barrière à l’accès pour les familles défavorisées.
L’importance d’une éducation de qualité est soulignée au travers des indicateurs de réussite scolaire et de compétences, cependant les évaluations nationales et internationales montrent que les résultats restent insuffisants, particulièrement dans les zones rurales et parmi les populations marginalisées.
L’éducation inclusive s’efforce d’intégrer des populations à besoins spécifiques, mais la plupart des PSE manquent encore de stratégies claires et d’allocation budgétaire suffisante pour assurer une inclusion effective en milieu scolaire.
La formation professionnelle et technique est perçue comme un levier essentiel pour l’employabilité des jeunes, mais son développement est freiné par la pauvreté des infrastructures, la faiblesse des partenariats avec le secteur privé et le manque d’harmonisation avec les besoins du marché du travail.
L’enseignement supérieur et la formation professionnelle font l’objet d’engagements, mais sont rarement assortis de plans d’action clairs ou de ressources dédiées. L’inclusion des populations vulnérables, telles que les filles, les enfants en situation de handicap ou déscolarisés, est mentionnée mais sans objectifs précis ni indicateurs fiables dans la majorité des cas.
L’importance d’une éducation de qualité est soulignée au travers des indicateurs de réussite scolaire et de compétences, cependant les évaluations nationales et internationales montrent que les résultats restent insuffisants, particulièrement dans les zones rurales et parmi les populations marginalisées
La formation des enseignants est une priorité affichée avec de forts budgets, mais la qualité des programmes de formation initiale et continue reste une préoccupation. La gouvernance éducative est souvent décentralisée avec des rôles définis pour les collectivités locales, mais il existe des difficultés dans la mise en œuvre effective, notamment en termes de coordination et de mobilisation des acteurs.
La dimension des compétences liées à la citoyenneté mondiale, au développement durable et aux technologies numériques est encore peu intégrée dans les PSE même si quelques pays commencent à y accorder une attention particulière.
Logique d’élaboration des Plans Sectoriels de l’Éducation (PSE)
L’élaboration des PSE repose sur une analyse diagnostique profonde qui identifie les forces, faiblesses, opportunités et menaces du secteur éducatif, ainsi que les défis spécifiques à chaque pays. Les objectifs stratégiques des PSE sont alignés sur les priorités nationales tout en intégrant les directives internationales, notamment l’ODD 4.
Les PSE définissent des cibles mesurables sur différents indicateurs clés : taux net de scolarisation, taux d’achèvement, taux de réussite, proportion d’enseignants qualifiés, etc. Les plans incluent des calendriers d’actions précises avec une répartition des responsabilités entre les ministères, agences et partenaires.
Le calcul des besoins financiers occupe une place centrale, mais il est souvent sous-estimé ou ne reflète pas pleinement les ressources nécessaires à l’atteinte des objectifs. Le processus d’élaboration du PSE implique généralement une phase de consultation nationale avec les différents acteurs du secteur éducatif, incluant les partenaires techniques et financiers. Toutefois, dans plusieurs pays, ces consultations sont restreintes au niveau central, avec peu de participation des acteurs locaux.
Les documents de cadre stratégique et diagnostic sectoriel alimentent l’élaboration des plans, mais les données recueillies restent parfois fragmentaires ou peu actualisées, ce qui limite la qualité des analyses et des projections.
En matière de financement, les PSE prévoient la mobilisation de ressources tant internes qu’externes. Cependant, les écarts entre les estimations budgétaires et les financements effectivement obtenus sont fréquents, impactant fortement la mise en œuvre.
L’enseignement supérieur et la formation professionnelle font l’objet d’engagements, mais sont rarement assortis de plans d’action clairs ou de ressources dédiées. L’inclusion des populations vulnérables, telles que les filles, les enfants en situation de handicap ou déscolarisés, est mentionnée mais sans objectifs précis ni indicateurs fiables dans la majorité des cas
Les plans insistent sur la nécessité de renforcer la gouvernance éducative, notamment par le développement d’instances de pilotage à plusieurs niveaux, mais les mécanismes restent souvent peu opérationnels, surtout à l’échelle locale.
Le suivi et l’évaluation des PSE sont prévus mais souffrent de manques importants en termes d’outils et d’indicateurs clairement définis, ce qui limite la capacité à ajuster les politiques en continu. La participation des différentes parties prenantes est jugée insuffisante dans la majorité des cas, en particulier la faible implication des acteurs locaux (enseignants, parents, collectivités). Les innovations pédagogiques et l’intégration des nouvelles technologies restent marginales dans la majorité des plans.
Revue de la littérature « éducation à la citoyenneté mondiale »
L’éducation à la citoyenneté mondiale vise à préparer les apprenants à devenir des acteurs responsables et engagés face aux défis locaux et globaux. Elle encourage la compréhension des droits humains, de la diversité culturelle, de la justice sociale, de la paix et du développement durable.
La citoyenneté mondiale repose sur une compréhension partagée des interdépendances entre les peuples et les cultures, et sur la responsabilité partagée pour résoudre ensemble les enjeux globaux tels que le changement climatique, les inégalités, et les conflits.
La mise en œuvre pédagogique requiert un changement profond des pratiques éducatives classiques, en intégrant des approches participatives et expérientielles, favorisant la collaboration et la réflexion critique.
Des expériences pilotes menées dans certains pays francophones témoignent de la possibilité d’intégrer ces approches dans les curricula à travers des modules spécifiques, mais appellent à un soutien institutionnel renforcé pour leur pérennisation.
Cette éducation s’appuie sur des méthodes pédagogiques engagées, favorisant la participation active, l’esprit critique, la coopération et la résolution pacifique des conflits. Le rôle central de la formation des enseignants est souligné pour garantir l’intégration des savoirs et compétences liés à la citoyenneté mondiale dans les pratiques éducatives.
Les environnements scolaires doivent favoriser l’inclusion, le respect de la diversité et la participation démocratique des élèves. Malgré son importance reconnue, l’intégration de l’éducation à la citoyenneté mondiale dans les curricula reste embryonnaire dans plusieurs pays d’Afrique francophone, principalement en raison du manque de ressources et de formation adaptées.
Revue de la littérature « enfants/jeunes déscolarisés ou non scolarisés et alternatives éducatives »
Le phénomène des enfants et jeunes déscolarisés ou non scolarisés constitue un défi majeur dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne. Les causes multiples incluent la pauvreté, les conflits, les migrations, les discriminations et le travail des enfants.
Les conséquences de l’exclusion scolaire sont sévères, affectant la cohésion sociale, le développement économique et les perspectives individuelles d’insertion. Les alternatives éducatives telles que l’éducation non formelle, les centres d’apprentissage communautaires, les programmes de rattrapage, ou encore la formation professionnelle adaptée représentent des solutions potentielles mais restent sous-exploitées. Le poids du contexte socio-économique est déterminant dans le décrochage scolaire, avec une corrélation forte entre pauvreté et déscolarisation. Les conflits armés et les déplacements forcés amplifient également considérablement ce phénomène.
Des programmes innovants de rattrapage scolaire et d’éducation non formelle ont démontré une certaine efficacité pour réintégrer les enfants et jeunes dans le système éducatif ou leur offrir des compétences professionnelles adaptées.
Le rôle des acteurs communautaires, des ONG et des partenaires au développement est décisif dans la mise en place et la gestion de ces alternatives éducatives.
La digitalisation de l’éducation offre de nouvelles opportunités, mais reste accessible à une minorité en raison de l’inégale répartition des infrastructures technologiques.
Le poids du contexte socio-économique est déterminant dans le décrochage scolaire, avec une corrélation forte entre pauvreté et déscolarisation. Les conflits armés et les déplacements forcés amplifient également considérablement ce phénomène
La flexibilité des approches, l’adaptation aux contextes locaux et l’implication communautaire sont essentielles pour la réussite de ces alternatives. Les PSE abordent rarement ces alternatives par des stratégies opérationnelles claires, ce qui limite leur impact.
Le suivi et l’évaluation des programmes alternatifs sont insuffisants, posant problème pour leur amélioration continue.
Recommandations
La mise en œuvre des recommandations nécessite un engagement fort au niveau politique et une allocation budgétaire adéquate. Un suivi rigoureux et la transparence dans la gestion des ressources renforcent la confiance des partenaires et améliorent les résultats.
- Pour mieux aligner les Plans Sectoriels de l’Éducation avec les exigences de l’ODD 4, il est recommandé de renforcer la participation de l’ensemble des acteurs, en particulier au niveau local, afin de mieux refléter les réalités du terrain.
- Il est nécessaire d’améliorer la définition des cibles et indicateurs, en accord avec les besoins spécifiques et en assurant leur mesurabilité et pertinence.
- La formation des enseignants doit être renforcée, mettant l’accent sur les approches pédagogiques innovantes et l’éducation à la citoyenneté mondiale.
- Le développement de stratégies inclusives chiffrées est crucial, avec une attention particulière portée aux enfants déscolarisés, aux filles et aux enfants en situation de handicap.
- La mobilisation des ressources doit être élargie à travers des partenariats multi-sectoriels incluant les secteurs public, privé, associatif et international.
- L’éducation à la citoyenneté mondiale doit être institutionnalisée dans les curricula, avec un appui fort aux matériels et à la formation.
- Le soutien aux alternatives éducatives doit être renforcé, notamment en zones rurales et marginalisées, avec un suivi rigoureux.
- L’amélioration des mécanismes de suivi et d’évaluation permettra d’ajuster en temps réel les politiques éducatives.
- Enfin, la coopération régionale et le partage d’expériences sont encouragés pour capitaliser sur les bonnes pratiques et renforcer l’efficacité des actions.
Une approche multisectorielle, impliquant la santé, la protection sociale, la jeunesse et l’emploi, est indispensable pour adresser globalement les obstacles à une éducation inclusive et de qualité. La coopération régionale est un levier stratégique pour partager les bonnes pratiques, harmoniser les approches et renforcer la coordination entre les pays francophones.
