

Auteur : UNICEF
Site de publication : UNICEF
Type de publication : Rapport
Date de publication : Novembre 2024
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Informer : Utiliser les données existantes pour orienter les politiques éducatives
Les recherches menées par l’UNICEF dans 33 pays d’Afrique révèlent que pour être efficaces, les réformes doivent tenir compte des réalités locales. Selon les pays, les leviers politiques n’ont pas tous les mêmes retombées. Les plus efficaces prennent en compte le contexte local, les mesures et systèmes déjà en place et les défaillances, entre autres facteurs.
Accorder la priorité à l’équité
Pour transformer à la fois la qualité et la résilience des systèmes éducatifs dans leur ensemble, il est essentiel de viser en priorité des résultats équitables pour tous les élèves. Dans certains pays, le déploiement des enseignants manque cruellement de cohérence, si bien que le nombre d’enseignants qui travaillent dans une école ne dépend que faiblement du nombre d’élèves qui la fréquentent. Atténuer ces déséquilibres en redéployant les enseignants de manière plus équitable pourrait améliorer la répartition des enseignants ainsi que le ratio élèves/enseignants global.
Dans un système éducatif équitable, des caractéristiques telles que le genre ou le lieu de résidence des élèves ne sont pas censées influer sur ce qu’ils peuvent accomplir. Les possibilités d’action suivantes se sont avérées à même de contribuer à la réduction de ces disparités :
- Un enseignement ciblé pour les élèves les plus vulnérables grâce à des programmes de soutien, de rattrapage et d’apprentissage accéléré permet de réduire les taux de redoublement et d’abandon scolaire et de renforcer les liens entre les systèmes éducatifs formels et informels.
- Les politiques visant à encourager un enseignement dans la langue maternelle des élèves sont associées à des améliorations globales au Tchad et au Mali, en particulier chez les élèves qui ne parlent pas couramment la ou les langues d’enseignement officielles.
- Instaurer un environnement scolaire sûr est particulièrement important pour les filles : réduire au maximum la distance entre le domicile et l’école et sécuriser les trajets, proposer des cantines scolaires afin que les élèves n’aient pas besoin de quitter l’école le midi, et mettre à disposition des installations d’eau, d’assainissement et d’hygiène, notamment pour l’hygiène menstruelle.
Selon les pays, les leviers politiques n’ont pas tous les mêmes retombées. Les plus efficaces prennent en compte le contexte local, les mesures et systèmes déjà en place et les défaillances, entre autres facteurs
Maximiser le temps d’enseignement
On observe une forte corrélation entre l’augmentation du temps d’enseignement et l’amélioration des résultats des élèves. Les stratégies visant à maximiser et à préserver le temps d’enseignement sont donc cruciales pour mettre en place des systèmes éducatifs efficaces.
- Les normes et directives relatives aux programmes scolaires doivent définir des attentes claires et ambitieuses concernant le nombre d’heures effectives d’enseignement que doivent recevoir les élèves.
- Les absences des élèves comme celles des enseignants réduisent le temps d’enseignement. Des données collectées dans 24 pays d’Afrique révèlent que la mise en place de systèmes de contrôle et de suivi par les directeurs, les parents ou la communauté scolaire constitue l’un des moyens les plus efficaces de gérer et de réduire l’absentéisme.
- Les systèmes à double vacation peuvent eux aussi réduire considérablement le temps d’enseignement disponible et sont associés à des taux de promotion plus faibles, notamment en Côte d’Ivoire et au Mali. Cet effet peut être atténué en concevant différemment les programmes afin de rattraper le temps d’enseignement perdu et en facilitant l’apprentissage extrascolaire.
Améliorer la qualité de l’enseignement
Les politiques et les dépenses engagées dans ces domaines doivent avoir pour objectif de renforcer la qualité des interactions entre enseignants et élèves.
- Toutes les qualifications et formations n’entraînent pas une amélioration des résultats des élèves. Pour être efficaces, elles doivent être d’une durée suffisante, d’une intensité suffisante et proposer un soutien continu.
- La redevabilité et la motivation des enseignants sont fortement influencées par les pratiques administratives et managériales des directeurs et des inspecteurs locaux. Il existe par exemple des politiques centralisées visant à faciliter la réception des salaires et les demandes d’avancement professionnel.
- Les supports d’enseignement et d’apprentissage sont essentiels pour guider et faciliter l’enseignement en classe, mais également pour permettre l’apprentissage en dehors de l’école.
- Les espaces d’apprentissage en classe et les écoles peuvent favoriser des pratiques pédagogiques efficaces, notamment des activités coopératives en groupe, l’utilisation d’outils d’apprentissage numériques et l’accès à des supports de lecture.
Cibler l’apprentissage précoce
Les premières années d’un enfant sont une période particulièrement propice pour bâtir les fondations de l’apprentissage et l’aider à acquérir les compétences qui contribueront ensuite à sa réussite scolaire. Bien que l’intérêt d’investir dans l’éducation de la petite enfance soit largement établi, ce sous-secteur reste insuffisamment financé dans de nombreux pays d’Afrique.
Développer l’accès à une éducation de la petite enfance de qualité nécessite une approche multidimensionnelle. Les gouvernements et les partenaires peuvent :
- mettre à profit les infrastructures existantes, notamment les écoles primaires et les locaux communautaires, afin de déployer rapidement des solutions ;
- concevoir et appliquer des normes de qualité claires et des mécanismes de suivi pouvant être adaptés selon l’approche et les prestataires de chaque programme ; et
- investir dans des supports d’apprentissage adaptés au contexte, qui favorisent un développement holistique de l’enfant, accompagnés d’activités de formation et de soutien aux enseignants.
Soutenir les élèves en difficultés d’apprentissage
Si le taux moyen de redoublement a diminué au cours des dix dernières années dans les pays d’Afrique, il reste singulièrement élevé. Cette situation coûte cher aux systèmes éducatifs et constitue le principal facteur du manque d’efficacité des dépenses consacrées à l’éducation sur le continent. Cela représente également un coût pour les élèves, et plusieurs études montrent que les redoublements peuvent favoriser le décrochage scolaire.
Bien que l’intérêt d’investir dans l’éducation de la petite enfance soit largement établi, ce sous-secteur reste insuffisamment financé dans de nombreux pays d’Afrique
Pour remédier à ce problème, de nombreux pays mettent en place des programmes flexibles qui prévoient un temps d’enseignement dédié pour les élèves les plus vulnérables. Ces interventions, allant du soutien scolaire à l’apprentissage accéléré pour les jeunes déscolarisés, donnent des résultats prometteurs sur le plan de la réduction des taux de redoublement et d’abandon scolaire, tout en renforçant les liens entre systèmes éducatifs formels et informels.
Utiliser des technologies facilement accessibles pour atteindre et aider les enseignants et les apprenants, tout en investissant dans des infrastructures EdTech
Les technologies éducatives, aussi appelées « EdTech », peuvent favoriser un apprentissage flexible et personnalisé pour les élèves et aider les enseignants. Les gouvernements et leurs partenaires devraient mettre à profit l’actuelle transformation numérique du continent, tout en prenant des mesures concrètes pour veiller à ce qu’elle n’aggrave pas les inégalités existantes. Les gouvernements africains ont exprimé un vif désir de tirer parti de l’apprentissage numérique, mais la poursuite des investissements dans ce domaine doit s’accompagner de l’utilisation des technologies déjà disponibles, notamment les téléphones portables, solution technologique la plus répandue.
Utiliser les technologies disponibles dans les ménages en complément d’autres supports d’apprentissage (manuels, etc.) peut renforcer la pédagogie, faciliter le suivi des progrès et des lacunes, et favoriser la poursuite d’un dialogue ouvert avec les familles des élèves. Les données probantes sur l’utilisation des téléphones portables à des fins d’apprentissage sont de plus en plus nombreuses, mais elles restent insuffisantes ; les investissements dans ce domaine doivent pouvoir s’appuyer sur des études fiables.
Les enseignants jouent et continueront à jouer un rôle central dans l’éducation. Les appareils numériques ne sont que des outils et, comme n’importe quel outil, les enseignants ne s’en serviront que s’ils leur trouvent un intérêt ou si leur utilisation aide les élèves à atteindre leurs objectifs d’apprentissage. L’intelligence artificielle (IA) se prépare à bouleverser l’enseignement à l’échelle mondiale, mais la réalisation de son potentiel sur le continent sera limitée par la capacité des systèmes en matière d’infrastructures, ainsi que par les compétences des enseignants et des administrateurs. Il convient notamment de déterminer comment l’utiliser pour répondre à un problème ou un besoin d’apprentissage donné, et se servir des outils déjà accessibles au plus grand nombre tout en investissant dans l’avenir.
Mettre en œuvre : Aider les acteurs locaux à concevoir des plans de mise en œuvre clairs
Comment les gouvernements peuvent-ils donner aux acteurs locaux les moyens de concevoir des plans de mise en œuvre clairs, axés sur l’équité et adaptés au contexte local ? Des études de l’UNICEF montrent que ce processus repose sur deux approches essentielles : adapter la mise en œuvre et les niveaux de ressources en fonction des différents contextes locaux; et intégrer les données et la recherche sur la mise en œuvre afin d’apporter des améliorations continues et des mesures correctives en temps réel.
Adapter les plans de mises en œuvre en fonction de chaque contexte
Les problèmes de mise en œuvre demeurent un obstacle majeur à la transformation de l’éducation. Étant donné l’envergure et la complexité des systèmes éducatifs, même les politiques bien conçues peuvent être difficiles à mettre en application. La réussite des interventions dépend de leur mode de mise en œuvre, de l’entité responsable de la mise en œuvre et des moyens mis en place pour soutenir les personnes chargées de la mise en œuvre et suivre leurs progrès. Il est donc indispensable que les interventions éducatives disposent de plans de mise en œuvre clairs dès le départ.
L’intelligence artificielle (IA) se prépare à bouleverser l’enseignement à l’échelle mondiale, mais la réalisation de son potentiel sur le continent sera limitée par la capacité des systèmes en matière d’infrastructures, ainsi que par les compétences des enseignants et des administrateurs
Les travaux de recherche de l’UNICEF sur les pratiques couramment observées dans les écoles les plus performantes mettent en évidence le rôle déterminant des parties prenantes locales dans la mise en œuvre efficace des politiques. Cependant, une répartition des rôles trop imprécise et le manque de redevabilité entre les acteurs peuvent constituer des obstacles majeurs. Les responsables de l’éducation au niveau local, par exemple, ont souvent du mal à assurer efficacement leur rôle de supervision. Cela témoigne d’une difficulté liée à la décentralisation des systèmes éducatifs en Afrique, qui multiplie les acteurs (travaillant avec les élèves ou avec les enseignants) susceptibles de contribuer à la mise en œuvre des interventions éducatives, mais sans définir clairement leur mandat, notamment les rôles et responsabilités de chacun.
Les plans de mise en œuvre devraient par conséquent tenir compte de tous les acteurs et parties prenantes impliqués, et définir leur rôle ainsi que la manière dont ils sont supposés travailler ensemble. Même avec des mandats clairs, tous les acteurs locaux ne sont pas prêts à jouer leur rôle dans le système éducatif. Cela peut s’expliquer par un faible niveau d’alphabétisation, de trop longues distances à parcourir, la mauvaise qualité des infrastructures communautaires, ou par un manque de soutien de la part des autres acteurs. Certaines communautés peuvent par ailleurs ne pas disposer des capacités nécessaires pour défendre les intérêts des enfants et demander des comptes aux écoles.
L’élaboration des plans de mise en œuvre devrait tenir compte dès le départ des différences de contexte local, et ajuster l’affectation des ressources en fonction de ces différences.
Intégrer les données et les travaux de recherche sur la mise en œuvre à des fins d’amélioration continue
Les pays d’Afrique ont déployé d’importants efforts pour mettre en place et renforcer des systèmes d’information sur la gestion de l’éducation (SIGE) nationaux, mais la plupart en sont encore à l’étape de transition entre les systèmes de données individuelles et les systèmes de données agrégées entre les écoles. L’harmonisation des ensembles de données issus de différents sous-systèmes peut sensiblement améliorer la puissance d’analyse.
Pour améliorer les résultats, il faut impérativement créer une culture de la prise de décisions fondée sur des données probantes. L’harmonisation des sources de données, l’utilisation des données pour concevoir et mettre en œuvre des politiques et l’instauration de boucles de retour d’information entre la recherche et la pratique peuvent rendre les systèmes éducatifs africains plus flexibles, plus réactifs et plus efficaces pour répondre aux différents besoins des apprenants à travers le continent.
