Pourquoi le secteur de la recherche a-t-il eu si peu d’impact sur les progrès technologiques en Afrique de l’Ouest ?
Outre les facteurs évidents tels que le sous-investissement, cette situation s’explique par l’engagement politique relativement faible des différents pays en faveur de la STI. Il n’y a pas suffisamment : De stratégies ou de politiques nationales de recherche et d’innovation définissant clairement des objectifs mesurables ainsi que le rôle de chaque partie prenante ;
D’implication des entreprises privées dans le processus de définition des besoins, des priorités et des programmes nationaux en matière de recherche ; D’institutions consacrées à l’innovation capables de faire le lien entre la recherche et le développement (R&D).
Le faible impact des sciences et technologies (S&T) en Afrique de l’Ouest tient également aux différences entre les systèmes éducatifs, au manque de convergence entre les différents programmes de recherche et au faible niveau d’échanges et de collaboration entre les universités et les institutions de recherche.
Les centres d’excellence devraient contribuer à encourager la collaboration et la diffusion des résultats de recherche, ainsi qu’une meilleure convergence entre les programmes de recherche. Dans le domaine de l’éducation, le système de diplômes en trois cycles (licence, master, doctorat) s’est maintenant généralisé dans la plupart des pays de l’Afrique de l’Ouest.
Dans les pays de l’UEMOA, cette nouvelle organisation a été possible essentiellement grâce au soutien à l’enseignement supérieur, aux sciences et à la technologie, apporté par le Projet d’appui à l’enseignement supérieur (PAES) financé par la Banque africaine de développement. Entre 2008 et 2014, l’UEMOA a investi 36 millions de dollars des États-Unis dans cette réforme.
La Politique en matière de science et de technologie de la CEDEAO (ECOPOST) constitue la suite logique de cette démarche. Adoptée en 2011, elle fournit un cadre aux États membres qui souhaitent améliorer (ou élaborer pour la première fois) leurs propres politiques et plans d’action nationaux en matière de STI.
ECOPOST comprend un mécanisme de suivi et d’évaluation de la mise en œuvre des politiques, un aspect important mais souvent négligé. Elle aborde également la question du financement, en proposant la création d’un fonds de solidarité géré par un directoire relevant de la CEDEAO afin d’aider les pays à investir dans des institutions clés et à améliorer l’éducation et la formation ; ce fonds servirait également à attirer les investissements directs étrangers (IDE).
La politique régionale préconise le développement d’une culture scientifique dans tous les secteurs de la société notamment grâce à la vulgarisation scientifique, à la diffusion des résultats de recherche dans les revues locales et internationales, à la commercialisation des résultats de la recherche, à une intensification des transferts de technologie, à la protection de la propriété intellectuelle, au renforcement des relations entre les universités et l’industrie et à la consolidation des savoirs traditionnels.
ECOPOST encourage notamment les pays à :
Augmenter leurs dépenses intérieures brutes de R&D (DIRD) pour atteindre 1 % du PIB, conformément à une recommandation formulée il y a dix ans par l’Union africaine (la moyenne étant actuellement de 0,3 % en Afrique de l’Ouest) ;
Définir leurs propres priorités de recherche afin que les chercheurs travaillent sur des sujets d’intérêt national plutôt que sur des sujets proposés par les donateurs ;
Créer un fonds national de S&T qui attribuerait des financements aux projets de recherche par voie de concours ;
Mettre en place des prix scientifiques et des prix de l’innovation ;
Définir un statut régional harmonisé pour les chercheurs ;
Créer un fonds national pour les innovateurs locaux, qui les aiderait également à protéger leurs droits de propriété intellectuelle ;
Adapter les cursus universitaires aux besoins industriels locaux ;
Mettre en place de petites unités de recherche et de formation dans les domaines industriels clés, notamment le laser, la fibre optique, les biotechnologies, les matériaux composites et les produits pharmaceutiques ;
Équiper les laboratoires de recherche, notamment en technologies de l’information et de la communication (TIC) ;
Mettre en place des parcs scientifiques et technologiques et des incubateurs d’entreprises ;
Faciliter la création d’entreprises spécialisées dans l’électronique au niveau national et renforcer l’utilisation de satellites et d’appareils de télédétection pour les télécommunications, la surveillance de l’environnement, la climatologie, la météorologie, etc. ;
Renforcer les capacités nationales en matière de fabrication de matériel informatique et de conception de logiciels ;
Faciliter le développement d’infrastructures informatiques modernes afin de favoriser l’enseignement, la formation et la recherche ;
Inciter le secteur privé à financer la recherche et la technologie grâce notamment à des mesures d’incitation fiscale ;
Créer des réseaux entre les universités, les institutions de recherche et l’industrie afin de favoriser la collaboration ;
Encourager les sources d’énergie propres et durables et l’exploitation de matériaux de construction locaux ;
Mettre en place des bases de données nationales et régionales sur les activités de R&D.
Les pays sont également encouragés à collaborer avec la Commission de la CEDEAO en vue d’améliorer la collecte de données. Sur les 13 pays ayant participé à la première phase de l’Initiative africaine sur les indicateurs de la science, de la technologie et de l’innovation (ASTII), seuls 4 pays de la CEDEAO ont contribué à la première collecte de données de R&D de l’initiative en vue d’une publication dans le rapport Perspectives de l’innovation Africaine: le Ghana, le Mali, le Nigéria et le Sénégal.
La CEDEAO était à peine mieux représentée dans la deuxième édition des Perspectives de l’innovation Africaine, avec seulement 6 pays ayant communiqué leurs données de R&D sur un total de 19 pays pour l’ensemble du continent : le Burkina Faso, Cabo Verde, le Ghana, le Mali, le Sénégal et le Togo.
Le Nigéria était cette fois totalement absent du rapport, et seuls le Ghana et le Sénégal ont fourni des données complètes pour chacun des quatre secteurs d’exécution. La CEDEAO a récemment pris d’autres mesures afin de remédier au manque d’impact technologique du secteur de la recherche :
En 2012, les ministères en charge de la recherche ont adopté la Politique de recherche de la CEDEAO (ECORP) lors d’une rencontre à Cotonou ; En 2011, la CEDEAO a créé l’Institut de l’Afrique de l’Ouest dans le cadre d’un partenariat public-privé.
Sources : Institut de statistiques de l’UNESCO – Rapport de l’UNESCO sur la science