Auteurs : Joseph Siegle et Hany Wahila
Site de publication : Africa center
Type de publication: Article
Date de publication: Janvier 2025
Lien vers le document original
En 2025, le paysage électoral de la Guinée-Bissau demeure marqué par l’agitation et l’incertitude — un lieu familier pour ce pays côtier d’Afrique de l’Ouest de 2 millions d’habitants qui a longtemps patiné d’une crise à l’autre.
La Guinée-Bissau devait se rendre aux urnes en décembre 2024, mais le 4 novembre, le président Umaro Sissoco Embaló a reporté les élections. Les justifications, opaques, de ce report sont contestées par l’opposition comme étant inconstitutionnelles, ce qui perpétue une grande incertitude quant à la date des élections législatives et présidentielles.
Certains observateurs affirment que le mandat électoral d’Embaló se termine le 27 février 2025 et que des élections doivent être organisées avant cette date. Embaló soutient que son mandat se termine en septembre et que les élections présidentielles peuvent donc avoir lieu en novembre. Il semble qu’Embaló cherche à faire en sorte que les élections législatives se tiennent avant les élections présidentielles, dans l’espoir de regagner une majorité qui pourrait l’aider à s’imposer lors d’une élection présidentielle plus tard dans l’année.
Des visions concurrentes du rôle de l’exécutif dans le système semi-présidentiel bissau-guinéen sont au cœur du dysfonctionnement de la gouvernance en Guinée-Bissau. En effet, dans ce système, le président est le chef de l’État alors que le premier ministre, choisi par le parlement, est le chef du gouvernement. C’est ce dernier qui choisit les ministres et fixe l’ordre du jour. Ce système a été adopté dans la Constitution de 1993 pour renforcer la séparation des pouvoirs entre l’exécutif, le parlement et le judiciaire. Ces mesures avaient fait suite au règne de 19 ans du président João Bernardo Vieira qui avait concentré l’autorité au sein de l’exécutif et faciliter ainsi les abus de pouvoir et l’impunité.
Certains observateurs affirment que le mandat électoral d’Embaló se termine le 27 février 2025 et que des élections doivent être organisées avant cette date. Embaló soutient que son mandat se termine en septembre et que les élections présidentielles peuvent donc avoir lieu en novembre. Il semble qu’Embaló cherche à faire en sorte que les élections législatives se tiennent avant les élections présidentielles, dans l’espoir de regagner une majorité qui pourrait l’aider à s’imposer lors d’une élection présidentielle plus tard dans l’année
Les actions d’Embaló ont perpétué la paralysie du gouvernement
Ces actions ont perpétué la paralysie du gouvernement. Bien que le Parlement ait officiellement repris ses travaux en septembre 2024, les députés ont été empêchés d’entrer dans l’Assemblée nationale, la maintenant donc fermée — un résultat que M. Pereira a qualifié de coup d’État constitutionnel.
Le report des élections présidentielles de 2024 par Embaló s’inscrit dans un schéma où ce dernier se débarrasse des processus institutionnels établis dans le but de créer des mécanismes alternatifs qui prolongent son mandat et lui permettent d’interpréter l’autorité exécutive de manière expansive. La confusion qui règne lors des élections s’inscrit dans une longue période d’instabilité en Guinée-Bissau.
La Guinée-Bissau a connu quatre coups d’État et plus d’une douzaine de tentatives de coup d’État, tout en subissant 23 ans de gouvernement direct ou militaire depuis son indépendance du Portugal en 1973. De même, des coups de feu et des rumeurs de tentatives de coup d’État ont été signalés dans la capitale du pays, Bissau, depuis le report des élections de 2024 par Embaló en novembre.
En Guinée-Bissau, l’autorité gouvernementale est souvent synonyme de contrôle du patronage. Cela va du trafic de stupéfiants à l’exploitation forestière illégale, en passant par le contrôle des marchés publics et le détournement des recettes fiscales. La Guinée-Bissau est depuis longtemps considérée comme la principale plaque tournante du trafic de cocaïne en Afrique de l’Ouest pour les cartels de la drogue d’Amérique latine. Il semblerait que la contrebande de stupéfiants ait augmenté sous Embaló, la dernière grande saisie de drogue datant de 2024. La Guinée-Bissau est classée 158e sur 180 pays dans le monde selon l’indice de perception de la corruption de Transparency International.
Cet héritage de favoritisme est profondément lié aux services de sécurité
Cet héritage de favoritisme est profondément lié aux services de sécurité. L’armée et la police ont toujours été utilisées par les dirigeants politiques pour protéger leurs intérêts politiques. Cette politisation a, à son tour, incité les dirigeants militaires à utiliser leurs positions officielles pour poursuivre leurs intérêts financiers et, parfois, à monter des coups d’État contre leurs maîtres politiques — un autre facteur de la volatilité de la Guinée-Bissau.
La Guinée-Bissau a connu quatre coups d’État et plus d’une douzaine de tentatives de coup d’État, tout en subissant 23 ans de gouvernement direct ou militaire depuis son indépendance du Portugal en 1973. De même, des coups de feu et des rumeurs de tentatives de coup d’État ont été signalés dans la capitale du pays, Bissau, depuis le report des élections de 2024 par Embaló en novembre
L’instabilité persistante de la Guinée-Bissau a eu un impact sur la qualité de vie de ses citoyens. Environ deux tiers de la population vit en dessous du seuil de pauvreté et, avec un taux de mortalité infantile de 50 décès pour 1 000 naissances vivantes, le pays est à la traîne du continent pour de nombreuses mesures de développement. L’amélioration des services de santé et d’éducation a été un élément clé de la plate-forme de campagne victorieuse du PAI-TR lors des élections législatives de 2023 et sera probablement aussi au centre des élections présidentielles de 2025.
L’élection de 2025 a donc des implications significatives non seulement pour les priorités politiques de la Guinée-Bissau, mais aussi pour son modèle de gouvernement et son système d’équilibre des pouvoirs.
