Auteur : Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides
Site de publication : CGRA
Type de publication : Rapport
Date de publication : Avril 2025
Principales formations politiques
Le paysage politique connaît une mutation depuis la chute du président Alpha Condé en septembre 2021. Les partis politiques ainsi que les mouvements issus de la société civile qui contestent la gestion de la transition par le CNRD font front commun contre ce dernier et forment ensemble l’opposition. Un membre du Rassemblement du peuple de Guinée Arc-en-ciel (RPG-AEC), parti de l’ancien président, a à cet égard tenu les propos suivants relayés par Jeune Afrique le 11 avril 2023 : « Face à un ennemi commun, vous mettez vos divergences de côté, réplique le proche collaborateur d’Alpha Condé. La situation a changé depuis le 5 septembre 2021. Aujourd’hui, les cadres du RPG et de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) collaborent étroitement. Ils ont compris que sans l’unité, la junte va les anéantir. Le putsch a permis aux adversaires d’hier de se parler et de se découvrir, pour gouverner autrement. Grâce aux militaires, les deux états-majors se parlent régulièrement »
En opposition aux autorités militaires, les Forces vives de Guinée (FVG)5 se sont reconstituées le 31 mai 20226 . Kabinet Fofana, analyste politique et directeur de l’Association guinéenne de sciences politiques, interrogé par TV5 Monde dans un article publié le 16 mai 2023, explique que les FVG sont composées de six « entités disparates », représentant des acteurs politiques et sociaux, à savoir l’Alliance nationale pour l’alternance et la démocratie (ANAD), le RPG-AEC, le Forum des forces sociales de Guinée (FFSG), le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) (créé en 2019 pour s’opposer à la modification de la Constitution sous Alpha Condé) qui « dirige la contestation contre la junte militaire au pouvoir », l’Union des forces républicaines (UFR) et l’UFDG. Kabinet Fofana précise encore que le parti UFDG a une grande capacité de mobilisation : « L’UFDG est un gros pourvoyeur de manifestants, de militants qui peuvent prendre d’assaut les rues ».
État des libertés des partis politiques
A la date du 31 octobre 2024, la Guinée est classée dans la catégorie « réprimé » , ce qui signifie que : « L’espace civique est considérablement réduit. Les personnes actives et les membres de la société civile qui critiquent les détenteurs du pouvoir risquent la surveillance, le harcèlement, l’intimidation, l’emprisonnement, les blessures et la mort. Bien qu’il existe quelques organisations de la société civile, leur travail de plaidoyer est régulièrement entravé et elles sont menacées de radiation et de fermeture par les autorités. Les personnes qui organisent ou participent à des manifestations pacifiques sont susceptibles d’être prises pour cible par les autorités, qui font un usage excessif de la force, y compris en tirant à balles réelles, et risquent d’être arrêtées et détenues en masse. Les médias reflètent généralement la position de l’État, et toute voix indépendante est régulièrement visée par des raids, des agressions physiques ou un harcèlement juridique prolongé. Les sites web et les plateformes de médias sociaux sont bloqués et l’activisme sur Internet est fortement surveillé [traduction] »
État de la transition
Lors de sa prise de pouvoir le 5 septembre 2021, la junte annonce son intention de gouverner durant trois ans, le temps d’organiser des élections crédibles et de mener des réformes importantes en vue d’une « refondation » de l’État guinéen. Le 21 octobre 2022, le gouvernement de transition et la CEDEAO se mettent d’accord sur un chronogramme de la transition en 24 mois à compter du 1er janvier 2023. Il s’agit notamment d’effectuer deux types de recensement de la population, d’élaborer un fichier électoral, de mettre en place un organe de gestion des élections et d’organiser les élections référendaires, locales, législatives et présidentielle. En outre, avant la fin de l’année 2023, une nouvelle Constitution, adoptée par référendum, doit voir le jour.
Après avoir repris le dialogue en mars 2023, pour donner une chance à une médiation dirigée par les chefs religieux, l’opposition annonce le 28 avril 2023 que les concertations avec les autorités ont échoué et qu’elle reprendra les manifestations. L’opposition demande « un retour rapide des civils au pouvoir et la libération de tous les prisonniers qu’elle considère comme politiques », ainsi que la levée de l’interdiction des manifestations.
Un rapport publié en mai 2023 par l’Institut Egmont sur la transition guinéenne conclut en ces termes au sujet de la situation politique : « Plutôt que de préparer le retour à l’ordre constitutionnel et de s’atteler à la rédaction d’une nouvelle constitution et du code électoral, le CNRD a donné la priorité au musèlement de toute opposition et au contrôle des institutions. La militarisation de l’appareil étatique, le musèlement de toute opposition et l’instrumentalisation de la lutte anti-corruption tendent à démontrer que le colonellisme guinéen semble vouloir s’installer dans la durée. Son maillage du territoire et des institutions, bouclé au pas de charge en un an, laisse présager des difficultés pour un retour à un pouvoir civil dont le calendrier reste encore confus ».
Manifestations de l’opposition
En Guinée
Le 14 novembre 2023, des militants du RPG-AEC manifestent dans la commune de Matam à Conakry, pour réclamer le retour d’Alpha Condé et la libération des cadres du parti détenus depuis avril 2022. Ils dénoncent aussi l’augmentation du coût de la vie depuis l’arrivée de la junte. Le 6 août 2024, les FVG appellent à une journée ville morte le lundi 12 août 2024 dans Conakry et ses environs, pour réclamer notamment le retour des civils au pouvoir avant fin de l’année et la libération des leaders du FNDC (voir à ce sujet point 5.1.).
Cet appel est peu suivi ce jour-là. RFI précise à ce sujet que : « L’interdiction des manifestations explique en partie cette faible mobilisation. Sur les carrefours stratégiques, comme au carrefour Cosa, on pouvait également noter une forte présence policière. Cela avec des policiers casqués à bord de dizaine de véhicules pick-up pour éviter tout attroupement sur la voie publique ». Les FVG dénoncent toutefois le décès par balle d’une personne tuée par les forces de l’ordre.
Contrôle judiciaire
Le 19 mai 2023, le tribunal de première instance de Dixinn à Conakry lève le contrôle judiciaire de neuf hommes politiques, poursuivis pour avoir apporté leur soutien à des manifestations contre la junte. La levée du contrôle judiciaire est une des revendications des FVG pour reprendre le dialogue avec les autorités. Cette mesure concernait Fodé Oussou Fofana, vice-président de l’UFDG, Elhadj Mamadou Sylla, président de l’Union démocratique de Guinée (UDG), Etienne Soropogui, président de Nos valeurs communes, Elhadj Dembo Sylla de l’UDG, Pépé Francis Haba, président de l’UGDD, Bouya Konaté, président de l’Union pour la défense des intérêts républicains (UDIR), Bano Sow, vice-président de l’UFDG, Mamadou Cellou Baldé, coordinateur des fédérations de l’intérieur de l’UFDG et Diabaty Doré, président du Rassemblement pour la République (RPR).
Tous ont été placés sous contrôle judiciaire fin octobre 2022 et contraints de se présenter chaque vendredi au tribunal de Dixinn pour avoir soutenu les manifestations d’opposition à la junte. Le 28 juillet 2024, Pépé Francis Haba, président de l’UGDD et coordinateur de l’APR, est arrêté au siège de Lambanyi par des hommes en uniforme. Il est placé sous contrôle judiciaire le 2 août 2024, en attente de son procès. Il est poursuivi pour atteinte et menace à la sécurité publique, avec d’autres personnes qui elles sont toujours détenues à la Maison centrale de Conakry.
