Auteurs: Dr. Botiagne Marc Essis
Site de publication: FES
Type de publication: Étude
Date de publication: Janvier 2020
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Acquis de la Côte d’Ivoire en matière de financement public des partis politiques
Consolidation des capacités opérationnelles comme gage d’efficacité des partis politiques ivoiriens
Plus spécifiquement, ce financement public permet aux partis politiques de faire face à des charges de fonctionnement et d’animation de leurs activités. Il s’agit notamment de charges telles que les loyers de leurs sièges, les factures (eau, électricité, téléphone, internet, etc.), les frais de voyages, l’organisation de meetings ainsi que l’acquisition de tout autre moyen logistique pertinent. Ces constats sont de la Représentante du LIDER et de la personne-ressource issue de la société civile, en la personne du Dr. Arsène Néné Bi, Président de l’APDH (Action pour la Protection des Droits de l’Homme).
De plus, l’Administrateur Civil voit en ce mécanisme un outil d’encadrement et de suivi des activités des partis politiques ivoiriens. Pour sa part, Monsieur Yao Séraphin Kouamé, Maire de Brobo et Membre du Bureau Politique du PDCI-RDA, trouve ce dispositif d’autant plus efficace qu’il contribue à réduire non seulement la corruption et les malversations mais aussi et surtout la dépendance des partis politiques de l’opposition vis-à-vis du parti ou de la coalition au pouvoir.
Comme nous avons pu le voir, la consolidation des capacités opérationnelles des partis politiques est un gage d’efficacité offert par le dispositif ivoirien de financement public des partis politiques. Les avancées inhérentes à ce dispositif sont aussi perceptibles en termes de transparence.
Consécration de la traçabilité et de la redevabilité comme gages de transparence
En lien avec le financement public des partis politiques, l’exigence de transparence renvoie à toutes les initiatives prises en vue de garantir la traçabilité et la redevabilité (accountability) dans la gestion des fonds mis à disposition.
Ainsi que l’a relevé Monsieur Yao Séraphin Kouamé, Maire de Brobo et personne-ressource issue du PDCI-RDA, la clarté des conditions et modalités de financement public des partis politiques telles que fixées par la loi N° 2004-494 du 10 septembre 2004 contribue à la réduction de la corruption et des malversations. Ce constat partagé par le Dr. Arsène Néné Bi, personne-ressource issue de la société civile est, en fait, un frein à l’arbitraire dans la mise à disposition des fonds censés soutenir les activités des partis politiques.
Prise en compte de la représentativité et de l’inclusivité comme gages d’équité
La loi N° 2004-494 du 10 septembre 2004 prend en compte les critères de représentativité et d’inclusion des minorités politiques. Ce dispositif permet, en effet, le financement des partis politiques au prorata des suffrages mobilisés par ceux-ci à l’occasion des dernières élections législatives ainsi qu’au prorata du nombre de sièges à l’Assemblée Nationale (art.4). Par ailleurs, la disposition consacrant le financement des groupes parlementaires est en phase avec l’exigence d’inclusion politique. En effet, cette disposition permet le financement des groupes parlementaires minoritaires et leur offre, de ce fait, l’opportunité de porter les desiderata des minorités politiques, religieuses ou culturelles de la Côte d’Ivoire.
L’exigence d’efficacité se perçoit de par la consolidation des capacités opérationnelles des partis politiques bénéficiant de ce financement. Quant à l’exigence de transparence consubstantielle à ce dispositif, elle se structure autour de deux indicateurs que sont la consécration de la traçabilité des fonds alloués et subséquemment celle de la redevabilité des personnes en charge de la gestion de ces fonds. S’agissant de l’exigence d’équité, elle a pour indicateurs la prise en compte de la représentativité des partis politiques et celle de l’inclusion des forces politiques minoritaires dans la répartition des fonds. Il s’agit, à l’évidence, d’avancées notables qui seront cependant mises à mal par un certain nombre d’insuffisances.
Insuffisances inhérentes au dispositif ivoirien de financement public des partis politiques
Marginalisation de partis politiques de poids et insuffisance du montant alloué comme causes d’inefficacité
Il arrive, en effet, que, pour une raison ou une autre, un parti politique de poids ne bénéficie pas de financement public. Une telle éventualité peut s’expliquer par la non-participation de ce parti aux élections législatives. Tel fut le cas du RDR dans les années 2000. Malgré cette clé de répartition, les personnes-ressources du PDCI et du RHDP considèrent que le montant alloué est insuffisant, car ne permettant pas aux partis de couvrir leurs charges de fonctionnement et de campagnes.
À l’évidence, l’exclusion de partis politiques de poids et l’insuffisance du montant alloué au financement public des partis politiques sont autant de facteurs qui rendent les partis politiques ivoiriens inefficients dans leurs activités. Ceci pourrait, à terme, compromettre l’atteinte de l’objectif ayant sous-tendu l’adoption de la loi portant financement des partis politiques sur fonds publics. Il en va ainsi d’un certain nombre de facteurs qui, eux, mettent à mal l’exigence de transparence.
Opacité dans l’usage des fonds alloués et non-publication des comptes des partis politiques comme entrave à l’exigence de transparence
Entre autres facteurs mettant l’exigence de transparence à laquelle est assujetti le financement public des partis politiques en Côte d’Ivoire, l’on peut citer l’opacité dans la gestion des fonds alloués à ces partis ainsi que la non-publication des comptes de ces partis politiques. Au total, l’opacité dans la gestion des fonds alloués aux partis politiques ivoiriens et la non-publication des comptes de ces partis politiques contribuent à mettre à mal l’exigence de transparence consubstantielle au dispositif ivoirien de financement public des partis politiques. Tout comme l’exigence de transparence, l’exigence d’équité se trouve, quelque peu, compromise.
Financement à la tête du client, non prise en compte des élections locales et défaut de plafonnement des dépenses de campagne comme sources d’injustice
Pour le Prof. Yadou Maurice Gnagne, personne-ressource issue du Front Populaire Ivoirien, les fonds alloués aux partis politiques seraient en inadéquation avec leurs poids réels du fait de la mal gouvernance électorale.
Quant à Monsieur Yao Séraphin Kouamé, personne-ressource issue du PDCI-RDA, il a relevé la non-prise en compte des élections locales (régionales et municipales) dans la clé de répartition du financement public des partis politiques en Côte d’Ivoire. À cela faut-il ajouter le non-plafonnement des dépenses de campagnes des partis politiques ainsi que mentionné par le Dr. Arsène Néné Bi, Président de l’APDH.
Recommandations en vue de l’optimisation du financement public des partis politiques en Côte d’Ivoire
Sur la base des insuffisances notées supra relativement au financement public des partis politiques ivoiriens sur fonds publics, un certain nombre de mesures sont à mettre rigoureusement en œuvre en vue d’optimiser ce dispositif. Il s’agit de cinq (05) recommandations stratégiques libellées comme suit :
- Créer les conditions de l’inclusion effective de tous les partis politiques significatifs
- Augmenter substantiellement la part du financement public des partis politiques dans le budget de l’État
- Appliquer effectivement des mesures de sanctions en cas de malversation et de détournement dans la gestion des fonds alloués
- Appliquer des pénalités en cas de non-publication des comptes des partis politiques
- Mettre fin aux financements exceptionnels
