Auteur : Banque africaine de développement (BAD)
Site de publication : Afdb
Type de publication : Rapport
Date de publication : 2023
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Notes
Situation économique récente et perspectives
L’invasion de l’Ukraine par la Russie a eu un impact négatif sur l’économie de la Guinée-Bissau. La croissance économique a ralenti à 3,7% en 2022, contre 6,4% en 2021, affectée notamment par les pressions inflationnistes qui ont limité la consommation privée du côté de la demande et la baisse du secteur primaire et des activités manufacturières du côté de l’offre. L’inflation s’est hissée à 7,9% en 2022, contre 3,3% en 2021, portée par la hausse des prix des denrées alimentaires importées et du pétrole. Le déficit budgétaire s’est dégradé à 6,3% du PIB en 2022, contre 5,6% en 2021. En conséquence, la dette publique a atteint plus de 80% du PIB en 2022 et le risque de surendettement reste à un niveau élevé.
En perspectives, la croissance économique s’accélérerait à 4,6% et 5,1% respectivement en 2023 et en 2024, grâce aux investissements prévus dans les infrastructures et à la bonne tenue de l’agriculture et de l’industrie. La situation des finances publiques devrait se conforter avec la baisse projetée du déficit budgétaire à 5,7% du PIB en 2023 et 3,1% du PIB en 2024, à la faveur d’un accroissement des recettes budgétaires et d’une maîtrise des dépenses publiques. Au niveau extérieur, le déficit du compte courant s’améliorerait pour s’établir à 4,3% du PIB en 2024, reflétant ainsi la hausse attendue des exportations de noix de cajou.
Financement du secteur privé pour les changements climatiques et la croissance verte
La Guinée-Bissau a matérialisé son engagement en faveur de l’action climatique à travers ses politiques de développement et au niveau des instances internationales. Cependant, ses performances restent encore très faibles pour atteindre les objectifs fixés en matière de croissance verte. Entre 2019 et 2020, la Guinée-Bissau a mobilisé 19,06 millions USD par an en financement climatique, soit environ 19,4% de ses besoins évalués par la BAD.
Environ 99,84% de ces ressources proviennent de sources publiques et seulement 0,16% de sources privées. Le déficit de financement privé pour la croissance verte et l’action climatique est estimé en moyenne à 79,08 millions USD par an. La plupart des flux financiers climatiques en Guinée-Bissau sont orientés vers les secteurs « Agriculture, Sylviculture et Pêche » (46%), Autres et intersectoriels (29%) et Transport (21%).
Les principaux obstacles à la mobilisation de financements du secteur privé sont liés à la situation économique difficile marquée par un niveau élevé d’endettement, la faiblesse/l’absence de la réglementation en particulier dans la finance verte, l’instabilité politique, les difficultés d’accès au financement, ainsi que le manque de capacités techniques et d’informations.
Pour favoriser une plus grande mobilisation de ressources du secteur privé dans la croissance verte, les autorités nationales devront : (i) élaborer des cadres politiques et réglementaires adaptés au financement vert et basés sur des incitations fiscales ; (ii) améliorer l’environnement des affaires et promouvoir la transparence, ainsi que la bonne gouvernance ; (iii) renforcer les capacités des experts nationaux dans la préparation technico-financière de projets climatiques ; (iv) accélérer la mise en œuvre du plan de réformes fiscales pour créer un espace budgétaire pour le financement de domaines renforçant la résilience climatique et (v) créer un fonds vert national avec l’aide des partenaires.
Les principaux obstacles à la mobilisation de financements du secteur privé sont liés à la situation économique difficile marquée par un niveau élevé d’endettement, la faiblesse/l’absence de la réglementation en particulier dans la finance verte, l’instabilité politique, les difficultés d’accès au financement, ainsi que le manque de capacités techniques et d’informations
Les partenaires au développement devraient, pour leur part, renforcer leur appui financier et technique et fournir des garanties susceptibles de réduire les risques liés aux investissements du secteur privé, en particulier dans les secteurs à fort potentiel. Enfin, les acteurs du secteur bancaire devraient renforcer leur compétence et leur connaissance de la finance verte afin d’élargir et de diversifier leur portefeuille de prêts.
Évolution macroéconomique récente et perspectives
Croissance économique
L’économie bissau-guinéenne est extrêmement tributaire du commerce de la noix de cajou, ce qui la rend vulnérable aux chocs externes et aux changements climatiques. L’économie se remet progressivement des effets négatifs de la pandémie de COVID-19, mais les retombées négatives de l’invasion de l’Ukraine par la Russie (cf. Encadré 1) freinent la reprise. En 2022, la croissance économique a ralenti à 3,7% contre 6,4% en 2021, affectée par la faiblesse du secteur primaire et par la baisse des activités manufacturières. L’activité du secteur primaire a décéléré (1,1% en 2022 contre 10,1% en 2021), sous l’effet de la contraction de la production agricole (-2,5% en 2022 contre 13,4% en 2021).
La baisse des activités manufacturières reflète le repli de la production agroalimentaire (-2,2%). Ces contre-performances ont été atténuées par le regain de dynamisme du secteur tertiaire (7,9% en 2022, contre 3,4% en 2021) qui a tiré profit de la bonne tenue des activités de l’administration publique (7,6%). Du côté de la demande, la croissance a été tirée par l’investissement privé qui a augmenté de 5,9 % en 2022, contre un repli de 14% en 2021 Concernant l’investissement public (-1,2% en 2022 contre -12,4% en 2021), des efforts ont été déployés, pour améliorer les infrastructures urbaines et l’accès aux zones de production.
En revanche, les pressions inflationnistes ont limité la consommation privée (6,5% en 2022 contre 11,6% en 2021) et les exportations de noix de cajou ont chuté de 12,3% en 2022, après une hausse de 20,1% en 2021 affectées par des contraintes logistiques.

Politique monétaire et inflation
Les pressions inflationnistes déclenchées au second semestre 2021 du fait de l’augmentation des coûts du fret et des prix à l’importation de certains produits se sont poursuivies en 2022. Elles ont été portées par la hausse des prix des denrées alimentaires et du pétrole consécutive à l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Globalement, l’inflation est passée de 3,3% en 2021 à 7,9% en 2022, excédant ainsi l’objectif de convergence de l’UEMOA de 3%.
Pour contenir ces pressions inflationnistes, la Banque centrale a, en 2022, relevé ses taux directeurs de 25 points de base en juin, septembre et décembre portant le taux minimum d’injection de liquidités à 2,75% et le taux de prêt marginal à 4,75%. fortement tributaire de la noix de cajou dont les ventes représentaient 95,7% des exportations en 2022. Les échanges extérieurs étaient marqués par une persistance du déficit du compte courant qui est ressorti à 5,8% du PIB en 2022 contre 3,2% en 2021.
Cette situation est imputable au renchérissement des importations (+17,8%) sous l’effet de la hausse des prix des produits de base induite par l’invasion de l’Ukraine par la Russie conjuguée à la baisse des exportations de noix de cajou (-7,5%). La perte de dynamisme des ventes de noix de cajou s’explique par la réduction de la demande et les contraintes logistiques enregistrées au Port de Bissau.
Solde budgétaire et dette
La situation des finances publiques s’est rapidement détériorée avec la pandémie de COVID-19 et la crise en Ukraine, sans compter le manque de flexibilité budgétaire lié aux faibles capacités de mobilisation des ressources intérieures et le poids important des dépenses de fonctionnement. Les autorités ont adopté des mesures transitoires et des exonérations sur les prix du carburant et des produits de première nécessité pour contrer les effets de la crise.
Ces actions, conjuguées à l’embauche irrégulière de fonctionnaires et aux dépenses liées aux élections législatives ont pesé sur le budget et compromis les mesures d’ajustement. Le déficit budgétaire s’est dès lors établi à 6,3% du PIB en 2022 contre 5,6% du PIB en 2021. Ce déficit a été financé par des dons et des prêts accordés par les institutions financières internationales et par l’émission d’obligations sur le marché financier régional. Par conséquent, avec un risque « élevé » de surendettement, la dette publique est passée de 78,5% du PIB en 2021 à plus de 80% en 2022.
Les perspectives de croissance sont favorables grâce aux investissements prévus dans les infrastructures et à la bonne tenue de l’agriculture et de l’industrie
Sur le plan social, l’insécurité alimentaire et nutritionnelle s’est accentuée dans le pays avec l’augmentation des prix à la consommation des produits agricoles et alimentaires de base, en particulier le riz, le sucre, l’huile et le carburant. Entre mars 2021 et mars 2022, la situation de la sécurité alimentaire s’est gravement détériorée, avec un doublement du nombre de ménages en insécurité alimentaire.
En termes d’actions, le gouvernement a appliqué, dès avril 2022, des mesures transitoires estimées à 0,3% du PIB selon le FMI sur différents produits, principalement des biens de première nécessité (denrées alimentaires et carburants) et de transferts ciblés à l’effet d’atténuer l’impact social et protéger les moyens de subsistance des plus vulnérables. Ces mesures d’avantages fiscaux portant sur une baisse de la base taxable ont entraîné une diminution des recettes fiscales. En conséquence, le déficit budgétaire s’est établi à 6,3% du PIB en 2022, après 5,6% du PIB en 2021.
L’impératif de la croissance verte et le rôle du financement du secteur privé
La Guinée-Bissau doit s’orienter vers une croissance verte qui aligne les besoins de développement économique et social avec la durabilité environnementale.
L’environnement naturel est vulnérable à la désertification et à la déforestation. Les catastrophes naturelles endommagent les infrastructures et les écosystèmes. Les phénomènes météorologiques extrêmes tels que les inondations entraînent des pertes agricoles et un accroissement de la pauvreté. En effet, la Guinée-Bissau est l’un des pays les plus pauvres au monde, avec de faibles niveaux d’éducation et de santé, des problèmes de stabilité gouvernementale et des infrastructures limitées. À cela s’ajoutent de fortes inégalités sociales du fait de la faiblesse de ses ressources publiques (9,5% du PIB en 2022) et d’une insécurité alimentaire aggravée par l’irrégularité des précipitations et la volatilité des prix pour la production de noix de cajou.
La Guinée-Bissau doit s’orienter vers une croissance verte qui aligne les besoins de développement économique et social avec la durabilité environnementale

Besoins de financement du secteur privé pour l’avenir
Le montant cumulatif des financements dont la Guinée-Bissau a besoin pour répondre de manière adéquate aux effets du changement climatique est estimé à 981,43 millions USD sur la période 2021-2030, soit 98,14 millions USD chaque année ; des niveaux d’investissements très élevés comparés aux ressources propres du pays. Les besoins de financement les plus importants concernent l’atténuation ainsi que les pertes et les dommages. Les montants nécessaires pour l’adaptation s’élèvent à 24,8 millions USD (soit 2%). Les financements nécessaires à la mise en œuvre des mesures d’atténuation sont estimés à 664 millions USD, soit 68% du montant total des financements attendus ; le coût des pertes et dommages est estimé à 262,62 millions USD, soit 26% du montant total des financements attendus.

Le capital naturel au service du financement climatique et de la croissance verte
La Guinée-Bissau est un petit marché relativement inexploité d’Afrique de l’Ouest. Le pays est doté d’un capital naturel qui peut être exploité pour en assurer la transformation économique et réduire sensiblement la pauvreté. Le capital naturel est réparti en (a) ressources renouvelables (bois, mangroves, pêcheries, aires protégées, terres cultivées et pâturages), (b) ressources non renouvelables (pétrole, gaz, charbon et minéraux) et © potentiel d’énergie renouvelable (solaire, éolienne et hydroélectrique), des paysages et des actifs marins.
Recommandations stratégiques relatives à la performance et aux perspectives macroéconomiques
À court terme : (i) Poursuivre l’assainissement budgétaire, la lutte contre la corruption et l’amélioration de la gouvernance pour catalyser le soutien financier des partenaires au développement, afin de libérer des ressources pour répondre aux besoins importants du pays en matière de développement économique et social ; (ii) Accroître la mobilisation des ressources intérieures et le contrôle des dépenses de fonctionnement afin d’augmenter la marge budgétaire ; (iii) Maintenir la stabilité politique et améliorer l’environnement des affaires pour stimuler l’investissement privé et soutenir la croissance ; et (iv) Privilégier les financements concessionnels et les dons et poursuivre la restructuration de la dette pour préserver sa viabilité.
