Auteurs : Célestin Sikube Takamgno, Nina Fotso Maya, Yselle F. Malah Kuete, Francine M. Petga, Pierre J. Nguetse Tegoum et Alain P. Yankap Noutanewo
Site de publication : Partnership for Economic Policy
Type de document : Policy Brief
Date de publication : Juillet 2023
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Des changements climatiques :
Les zones septentrionales sont parmi les plus affectées par l’augmentation des températures moyennes (de 0,7°C) depuis 1960. Et les tendances prévisionnelles globales d’évolution du climat d’ici 2040-60 ne sont guère rassurantes :
- Augmentation globale des températures moyennes prévue entre +1,2°C et +2°C.
- Hausse des vagues de chaleur.
- Baisse globale de la pluviométrie (-10 à -20 %).
- Plus forte variabilité des pluies en quantité, intensité et période
- Augmentation de la fréquence des événements extrêmes (inondations, sécheresses, etc.).
De l’insécurité alimentaire :
Avec plus de 3 millions de personnes en situation d’insécurité alimentaire, le Cameroun était classé 129e sur 188 pays (et donc parmi les plus vulnérables) sur le plan de la sécurité alimentaire (par l’indice ND-GAIN) en 2019. Et la situation s’est aggravée depuis; le niveau d’insécurité alimentaire étant passé de 12,8 % en 2019 à 20,4 % en 2020. Selon un nouveau rapport publié en mai 2023 par le Ministre de l’Agriculture et du Développement Rural (MINADER), 11% de la population camerounaise est présentement en situation d’insécurité alimentaire aiguë.
De l’inégalité des genres :
90% de la production alimentaire au Cameroun est assurée par des exploitations familiales, et les femmes y contribuent pour 80 %. Or, les femmes font face à d’énormes inégalités dans plusieurs domaines :
- Le taux de pauvreté est d’environ 50% chez les femmes, pour un taux moyen de 37,5 % au niveau national.
- Le taux de chômage (au sens du BIT) est estimé à environ 4,5 % chez les femmes, contre 3,1 % chez les hommes.
- Le taux de sous-emploi est également plus élevé chez les femmes, à 86,9%, pour un taux de 70,6 % à l’échelle nationale.
- Seulement 8% des femmes ont accès à une propriété foncière. Entre 2005 et 2014, 79% des titres fonciers avaient été attribués à des hommes, et 19% seulement à des femmes.
Réponse et options de politiques
En 2015, le Gouvernement du Cameroun a élaboré un Plan national d’adaptation aux changements climatiques, et la problématique a ainsi été intégrée au cœur de différentes politiques sectorielles, ainsi que de la Stratégie nationale de développement 2020-2030 (SND30). Cependant, la dimension du genre n’est pas spécifiquement pris en compte dans les politiques en question, et les résultats atteints jusqu’ici en matière d’atténuation des effets du changement climatique sont assez limités. L’objectif de la présente étude est d’évaluer l’impact potentiel d’une politique de subvention des prix des engrais agricoles afin d’atténuer les effets des changements climatiques sur la sécurité alimentaire, ainsi que sur la situation des femmes au Cameroun. Cette politique a été envisagée suivant deux scénarios de financement possibles, soit :
- par une augmentation du déficit public
- par une baisse équivalente (25%) de la subvention des produits pétroliers.
Résultats
Statu quo : impact des changements climatiques
Si rien n’est fait, les chocs climatiques pourraient constituer un obstacle majeur à l’atteinte des objectifs de développement du Cameroun, définis dans la nouvelle Stratégie nationale de développement 2020-2030 (SND30). En effet, cette stratégie s’appuie essentiellement sur un secteur agricole prospère et diversifié, devant permettre de procéder à une transformation structurelle et lutter contre la pauvreté. Or, les résultats d’analyse démontrent que, sans une intervention du gouvernement pour contrer les effets de ces chocs sur le secteur agricole, il faut s’attendre à :
- Une baisse de la production de la majorité des cultures, notamment les produits alimentaires, et donc de l’offre (ou disponibilité) de ces produits sur le marché local .
- Une réduction de la consommation des ménages. Cet effet serait plus accentué au sein des ménages vivant en milieu rural, et particulièrement ceux dirigés par les femmes.
Effets d’une politique de subventions des engrais agricoles
L’analyse des auteurs démontre que la mise en œuvre d’une politique de subvention des engrais engendrerait une augmentation de la production agricole. L’amélioration de la production pousserait ainsi les entreprises du secteur formel à demander davantage de travailleurs, ce qui résulterait en une augmentation des revenus des ménages. Selon les résultats des simulations effectuées par les auteurs, cette augmentation (des revenus) est relativement plus importante au sein des ménages ruraux dirigés par les femmes, contribuant ainsi à améliorer l’équité des genres. Les résultats permettent également d’observer une couverture accrue de la demande nationale en produits agricoles, et par conséquent une réduction de la dépendance alimentaire vis-à-vis de l’étranger. Les effets sont très légèrement supérieurs lorsque la subvention est financée par un déficit public.
Conclusion et recommandations
Bien que le financement par déficit public engendre de (légèrement) meilleurs résultats, les auteurs recommandent fortement l’option du financement par une baisse équivalente de la subvention des produits pétroliers – notamment en raison de la situation financière du pays, et compte tenu de la recommandation (de libéraliser les prix des produits pétroliers) du Fonds monétaire international au Gouvernement Camerounais. Les auteurs recommandent ainsi les deux actions principales suivantes:
- Utiliser une partie des gains qui résulteraient d’une libéralisation des prix des produits pétroliers pour subventionner l’achat des engrais agricoles par les paysans ;
- Procéder à une discrimination en faveur des femmes en subventionnant davantage leurs achats d’engrais.
Feuille de route
Afin que ces recommandations puissent être mises en œuvre de manière efficace, et réaliste, le Gouvernement pourrait procéder de manière progressive, ou par étapes – tel qu’en succédant les actions suivantes:
- Diminuer la subvention des prix sur les produits pétroliers
- Subventionner de 50% le prix d’achat des engrais agricoles
- Créer et mettre sur pied un mécanisme de distribution gratuite des engrais agricoles aux femmes.
