Auteur: Groupe de la Banque mondiale
Site de publication: GBM
Type de publication: Rapport
Date de publication: 2022
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Une croissance insuffisante pour réduire significativement la pauvreté
La croissance du produit intérieur brut (PIB) réel par habitant n’a pas atteint les résultats escomptés au Cameroun, avec une moyenne de 4,5 pour cent de 2014 à 2019, en deçà des taux enregistrés dans les années 1980. Par ailleurs, les disparités entre les régions et les groupes de revenus en matière d’accès aux services de base et aux moyens de subsistance se sont accentuées. La performance économique du Cameroun se situe en deçà de la moyenne des pays à revenu faible ou intermédiaire et de ses aspirations énoncées dans la Vision 2035. Bien que la pauvreté ait légèrement baissé de 1,9 point de pourcentage entre 2014 et 2018, elle est restée élevée en 2018, 35,6 pour cent de la population vivant sous le seuil de pauvreté national.
Le Cameroun fait partie des pays potentiellement riches en ressources qui se relèvent de la pandémie de COVID-19. Il dépend fortement des revenus générés par le pétrole, le bois et les produits agricoles. Le pays a connu un ralentissement économique pendant la pandémie de COVID-19 qui a affecté nettement plus les populations pauvres et vulnérables exerçant généralement dans l’agriculture et les secteurs informels.
Épuisement du capital naturel, faiblesse du capital humain, conflits et inégalités
Malgré le développement de sa richesse, le Cameroun est à la traîne en ce qui concerne les indicateurs de capital humain, notamment en matière de santé et d’éducation. Malgré des ressources naturelles considérables et une main-d’œuvre relativement bien formée qui a soutenu la richesse du pays, son indice de capital humain (ICH) n’est que de 0,4 (, ce qui signifie qu’un enfant né au Cameroun aujourd’hui n’aura à l’âge adulte une productivité que de 40 pour cent de ce qu’elle aurait pu être s’il avait bénéficié d’une éducation complète et d’une bonne santé.
Ce score est inférieur aux moyennes de l’Afrique sub-saharienne et des PRIFI. Les moyennes nationales masquent de flagrantes inégalités : le Cameroun présente l’une des plus grandes disparités en matière d’ICH entre les quintiles les plus riches et les plus pauvres de la population.
Le Cameroun est confronté à des conflits dans de multiples régions, et ceux-ci entravent le développement au niveau régional. L’Extrême-Nord a pâti de l’insurrection de Boko Haram, et les crises sociopolitiques dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest constituent une autre source de tension. Des tensions accrues ont été enregistrées dans l’Est, où en 2021, les régions frontalières ont accueilli plus de 300 000 réfugiés, fuyant pour la plupart le conflit en République centrafricaine voisine. On estime que les crises de l’Ouest et du Nord ont provoqué une contraction significative des économies locales.
Les impacts du changement climatique exacerbent les tensions et les conflits
Le nord du Cameroun est soumis à des vents violents, à des inondations, à des glissements de terrain, à l’érosion et à l’incidence accrue de sécheresse et d’avancée du désert qui ont ravagé de grandes étendues de terre. Dans l’Adamaoua, région exposée aux risques sismiques et volcaniques, les glissements de terrain provoqués par les fortes pluies et l’énergie du relief (gravité) constituent les risques les plus récurrents. Cette région est également confrontée à l’érosion causée par le surpâturage. Les Hauts Plateaux de l’Ouest supportent les émissions de gaz des lacs Monoun et Nyos en raison des fortes pluies et des mêmes risques climatiques que ceux du plateau de l’Adamaoua.
Le plateau du Sud-Cameroun subit des vagues de chaleur dues au réchauffement climatique et des inondations, des glissements de terrain et de l’érosion. Dans les régions côtières et forestières du Sud Ouest, les pluies intenses et abondantes provoquent des inondations récurrentes, des mouvements de sol et de l’érosion. Le nord du Cameroun semble être le plus vulnérable au changement climatique. Il enregistre de fortes précipitations qui alternent avec une saison sèche de six à sept mois et des inondations et sécheresses sporadiques mais désastreuses.
Le changement climatique constitue une menace imminente pour le développement du Cameroun en raison de la dépendance du pays à l’égard des ressources naturelles et de la dépendance des Camerounais à l’égard de l’agriculture pour leurs moyens de subsistance et leur mode de vie. Dans les conditions climatiques actuelles, environ 2 millions de personnes (9 pour cent de la population du Cameroun) résident dans des zones affectées par la sécheresse, et environ 8 pour cent du PIB du pays est vulnérable.
Les sécheresses dévastatrices qui frappent la région de l’Extrême-Nord contribuent à aggraver des taux déjà alarmants d’insécurité alimentaire et de perte de moyens de subsistance. Environ 16 pour cent de la population de l’Extrême-Nord souffre d’une crise alimentaire. Les départements du Mayo-Tsanaga, du Mayo-Sava, du Logone et du Chari ont été les plus touchés au cours du dernier trimestre de 2021. En moyenne, environ 1,2 million de têtes de bétail sont décimés lorsque plus de trois mois de sécheresse se produisent chaque année.
Attention portée à l’atténuation et l’adaptation
Le gouvernement du Cameroun a ratifié l’Accord de Paris en 2016 et a soumis la CDN actualisée à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques en novembre 2021, s’engageant à réduire de 35 pour cent les émissions de GES d’ici 2030, sous réserve de la disponibilité des financements. Pour un coût de 25,7 millions USD, l’objectif inconditionnel des CDN fixe les émissions de GES à 104,2 tonnes de CO2e en 2030, soit une réduction de 12 pour cent par rapport au scénario du cours habituel des activités en 2030.
Les émissions de gaz à effet de serre (GES) du Cameroun ont baissé au cours des deux dernières décennies, même si elles dépassent la moyenne de l’Afrique subsaharienne. Ce résultat découle de la reforestation et de la réorientation de son bouquet énergétique vers les énergies renouvelables. Les émissions sont passées de 9,32 tonnes de CO2e par habitant en 1998 à 4,89 tonnes de CO2e par habitant en 2018, soit plus que la moyenne de l’Afrique subsaharienne de 3,45 tonnes en 2018, mais moins que la moyenne mondiale de 6,45 tonnes en 2018.
Une opportunité de décarbonisation : l’élimination des gaz torchés
L’élimination du torchage et de l’évacuation de routine des gaz est au cœur de l’impératif grandissant de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) dans la production de pétrole et de gaz. Le Cameroun occupe le 5e rang mondial en termes d’intensité de torchage, et le torchage de gaz associé y a diminué de 25 pour cent de 2016 à 2021, tandis que la production de pétrole a diminué de 32 pour cent. Le Cameroun pourrait tirer de l’expérience mondiale des enseignements sur le torchage du gaz, notamment en ce qui concerne l’efficacité du cadre juridique et réglementaire, les incitations et les mesures de dissuasion fiscales, les accords contractuels, la gouvernance institutionnelle, les pratiques de suivi et d’application et les partenariats publics-privés.
En réponse aux défis du torchage du gaz et tirer parti de son élimination, les priorités suivantes sont proposées. Premièrement, il faut améliorer l’efficacité et l’application de la Loi sur la commercialisation des gaz associés actuelle promulguée en 2011. Deuxièmement, le fait que la performance du pays en matière de réduction du torchage est faible alors que les mesures réglementaires sont largement en place, indique qu’il faudrait mettre l’accent sur l’application et la conformité.
Vie et travail : capital humain et inclusion sociale
Le changement climatique a des impacts qui diffèrent selon les régions et le sexe et qui contribuent à l’érosion du capital humain des Camerounais et les empêchent d’avoir une vie et un travail sains. Le stress thermique et les conditions climatiques difficiles continueront d’empirer, d’exacerber les différences liées au genre et d’aggraver les facteurs de conflit, ce qui contribuera à accroître la violence. Il est nécessaire de concevoir une réponse d’adaptation pour remédier aux vulnérabilités spécifiques aux régions, notamment atténuer les facteurs de conflit.
Les institutions locales et les systèmes de développement humain (services d’éducation, de santé et de protection sociale) ne sont pas encore équipés pour contrer les dynamiques complexes du changement climatique et des conflits qui ravagent les moyens de subsistance. Il faut d’urgence réaliser des investissements stratégiques dans l’adaptation régionale, combinés à un plan d’action local sur le changement climatique visant à atténuer au maximum l’amplification des facteurs de conflit et la violence qui en résulte après les chocs climatiques.
Les actions suivantes sont proposées pour commencer : appuyer les efforts de décentralisation en vue de renforcer la capacité des institutions régionales et locales à mettre en place et à promouvoir une gouvernance inclusive et participative, en mettant un accent particulier sur la résilience au changement climatique ; et mener des évaluations climatiques localisées pour éclairer la mise en œuvre des CDN et investir dans des systèmes régionaux d’apprentissage et de statistiques en vue de collecter des données de meilleure qualité sur les conflits régionaux liés au climat. L’adaptation est nécessaire dans plusieurs secteurs sensibles au climat.
