Auteur: Institut international de l’UNESCO pour la planification de l’éducation
Site de publication : UNESCO bibliothèque numérique
Type de publication : rapport: document de programme et de réunion
Date de publication : 2021
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Marchés publics
Les marchés publics sont soumis à la loi L/2012/020 CNT du 11 octobre 2012 et au décret D/2012/128/PRG/SGG du 3 décembre 2012. Selon les textes, les seuils au-dessus desquels les autorités publiques ont obligation de passer un marché sont : 100 millions de GNF pour les fournitures, 250 millions de GNF pour les infrastructures. Au-delà de ces seuils, la Direction administrative et financière (DAF) de chaque ministère concerné doit mettre en place un appel d’offres, vérifier la disponibilité des crédits, collaborer à la préparation des dossiers et engager les fonds sur la base d’une facture pro forma. Chaque engagement doit être validé par le contrôleur financier lors de la liquidation des fonds, sur présentation des procès-verbaux de réception des produits. Des commissions interministérielles de réception du matériel sont constituées lors de grands projets pour contrôler la quantité et la qualité des biens. Les cabinets ministériels peuvent décider de mener un audit et l’Inspection générale des finances peut diligenter une enquête.
Le rapport publié par l’ANLC en 2018 dénonce « la perception des commissions, des pots-de-vin à tous les niveaux notamment lors de la passation des grands marchés de fournitures et prestations de services au profit de l’État, notamment l’éducation ». Il met en garde contre le contournement des règles, qui se manifeste par le non-respect du secret de l’information, la falsification des documents, les retards administratifs volontaires et le recours à des intermédiaires. Les entretiens réalisés ont mis en avant d’autres facteurs de risques, particulièrement au niveau local, comme :
— l’absence de formation du personnel ayant en charge le suivi des commandes ;
— le manque de transparence des commandes effectuées par les écoles pour les dépenses urgentes ;
— l’absence d’information des parents et communautés sur les commandes publiques.
Constructions scolaires
La construction de nouvelles infrastructures à tous les niveaux du système éducatif guinéen fait de la passation des marchés publics une question importante. Le nombre d’écoles primaires et communautaires a augmenté de près de 40 % entre 2006 et 2017, passant de 5 331 à 7 357. Dans le domaine de l’EFTP, de nouveaux établissements ont été construits récemment, et d’autres sont à prévoir pour répondre à la demande. De grands marchés sont également à venir dans les quatre grandes universités du pays.
Les risques de corruption dans ce domaine sont ceux décrits précédemment. Un point supplémentaire concerne le respect de la carte scolaire pour l’implantation de nouveaux établissements. Le ministère a rappelé en 2016 la nécessité d’« appliquer les critères de la carte scolaire dans la création des nouvelles infrastructures scolaires pour éviter la construction anarchique ». Les priorités sont la construction d’écoles primaires dans les zones à forte concentration de population et de collèges dans les sous-préfectures qui n’en disposent pas.
Les communautés communiquent leurs besoins aux inspecteurs régionaux qui les transmettent au niveau national. Le Service carte scolaire prépare, sur la base de critères transparents, une liste des localités où de nouvelles écoles ou salles de classe peuvent être construites, avec indication des priorités. La décision finale est prise conjointement par le BSD, le SNIES et les autorités ou communautés concernées. Le SNIES suit les travaux depuis le niveau national pour les chantiers de plus de 500 millions de GNF et depuis ses antennes régionales pour les autres.
Selon les entretiens, des manquements à la carte scolaire continuent d’être observés pour plusieurs raisons : pression des décideurs politiques ou des communautés, ouverture d’écoles par les PTF, compagnies minières ou ONG. Les représentants du MENA et du MET-FP ont exprimé leur volonté de rationaliser le processus et de mettre fin aux exceptions. La nécessité d’actualiser la carte scolaire et de mieux impliquer les DPE/DCE dans le suivi des chantiers a été également mentionnée. Pour les chantiers de moindre importance, le peu d’entreprises locales qualifiées complique la mise en concurrence.
Manuels scolaires
En 2005, le Pôle de Dakar notait une faible disponibilité des manuels scolaires dans le pays (avec en moyenne un livre de lecture pour deux élèves et un livre de calcul pour trois élèves), combinée à de fortes variations entre écoles. Selon le MENA (2016), la situation demeure préoccupante une décennie plus tard, avec un ratio inférieur à 1 dans les disciplines fondamentales, tous niveaux confondus, malgré la norme d’un livre par élève. Pour l’année 2014/2015, ce ratio s’élevait en moyenne pour les écoles publiques à 0,96 pour les manuels de français, 0,85 pour les manuels de sciences et 0,46 pour les manuels d’histoire-géographie.
Une telle situation interroge sur la transparence de la chaîne de production et dissémination des manuels sur le territoire.
L’Institut national de recherche et d’action pédagogiques (INRAP) a en charge le développement des curricula ainsi que la production de manuels scolaires, guides pour les enseignants, supports didactiques et fiches pédagogiques. Pour l’enseignement primaire, les manuels sont rédigés par les cadres de l’INRAP. Depuis 2015, ils peuvent toucher des droits d’auteur. Selon les représentants de l’INRAP interrogés, « même s’il n’y a pas beaucoup de ventes, cela a quand même créé un engouement » Un appel d’offres est ensuite lancé auprès des maisons d’édition pour les imprimer.
Au niveau secondaire, les maisons d’édition sont invitées à rédiger, imprimer et disséminer les manuels dans le cadre d’appels d’offres internationaux. La maison d’édition qui a en charge le marché est responsable de l’acheminement des manuels. Ces derniers sont expédiés selon la clé de répartition établie par région et par préfecture. Ils sont remis aux DPE/DCE, qui les livrent aux écoles et établissent des bordeaux de livraison. L’INRAP vérifie que les manuels sont parvenus à destination et signale les cas où les manuels sont restés en magasin. Une semaine après la rentrée scolaire, l’IGE supervise l’arrivée des manuels dans les écoles. Le rapport produit en 2015 sous l’égide de l’ANLC (ANLC, 2015) fait état d’« indices graves et concordants de fraude et corruption dans les marchés d’acquisition de manuels scolaires » (voir Encadré 9). Ce rapport porte sur les six millions de manuels scolaires en calcul, français, sciences de l’observation, éducation civique et morale et histoire-géographie mis à disposition des écoles primaires pour l’année 2012/2013, et financés par le Fonds commun de la Banque mondiale et de l’Agence française de développement. Selon l’enquête réalisée dans cinq DPE/DCE de la ville de Conakry, sur 1 362 014 manuels prévus, 441 015 ont été effectivement distribués – soit un tiers seulement (voir Tableau 9). Une telle différence s’explique en partie par la différence entre le nombre de manuels prévus et reçus, ainsi que par le nombre de manuels conservés dans les stocks. Dans ses conclusions, le rapport dénonce l’absence de contrôle du respect des clauses des contrats passés avec les maisons d’édition et imprimeries ainsi que le manque de contrôle des stocks à tous les niveaux du système, des magasins aux écoles. Elle recommande de ne pas produire de nouveaux manuels, dans la mesure où ils sont stockés en nombre suffisant pour répondre non seulement aux besoins des écoles publiques, mais aussi des écoles privées, ainsi que de créer une commission chargée de la récupération des manuels scolaires en vente illicite sur le marché.

Cantines scolaires
Selon le Rapport d’analyse des annuaires statistiques de l’enseignement primaire et secondaire général, 844 écoles primaires publiques sur 6 450 disposaient d’une cantine scolaire en 2015/2016, soit 13,1 % des établissements ou 11 % des effectifs (MEPU-EC, 2016). La Direction nationale des cantines scolaires est chargée depuis 2015 de coordonner et suivre ce programme en lien avec le Programme alimentaire mondial. Des repas chauds sont livrés quotidiennement aux écoles dans ce cadre, avec le soutien de l’Agence japonaise de coopération internationale, du Canada et de la Fondation Prosmi. Les régions de N’Zérékoré et de Boké concentrent ainsi environ 60 % des cantines. Des points focaux sont placés au niveau des régions et des préfectures. Les directeurs d’école sont chargés de la gestion du programme au niveau de leur établissement via les comités de gestion de l’école ou les APEAE.
Parmi les risques de corruption dans ce type de programmes, on note le renchérissement du prix des denrées par les entreprises soumissionnaires, la non-livraison d’une partie de ces denrées au niveau des écoles, ou encore la médiocre qualité des produits livrés. Pour limiter ces risques, un changement de politique a été opéré à partir de 2016/2017, consistant à adapter l’achat des denrées aux habitudes alimentaires de chaque région (haricots, riz, igname, etc.) et à réserver le marché aux producteurs communautaires locaux, limitant ainsi le nombre d’intermédiaires.
Recommandations
— Réaliser une ESDP afin de suivre notamment les fonds alloués aux cantines.
— Mettre en place une gestion et un contrôle strict des stocks d’aliments à tous les niveaux du système, en ayant si possible recours à un système informatisé.
— Doter les inspecteurs des moyens nécessaires pour effectuer des missions sur place et faire remonter les fiches d’émargement au niveau des préfectures.
— Vérifier les stocks d’aliments dans les magasins et dans les écoles lors de missions de contrôle ou d’inspection.
— Prévoir des sanctions en cas de déperdition d’aliments et veiller à leur stricte application.
— La signature de fiches d’émargement par les directeurs d’école à la réception et sortie des aliments, ainsi que la participation des communautés (notamment des mères) à la gestion des cantines, permettent de réduire ces risques.
