Auteur : Julien Tingain
Site de publication : International Budget Partnership
Type de publication : rapport
Date de publication : septembre 2023
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Introduction
En Côte d’Ivoire, depuis 2015, le Ministère du Plan et du Développement – principal organisme chargé de suivre les progrès par rapport aux cibles des Objectifs de développement durable (ODD) – a intégré les 17 ODD dans ses plans quinquennaux (pour les périodes 2016-2020 et 2021-2025). D’importants efforts budgétaires ont été déployés pour mettre en œuvre ces plans par le biais des différentes lois de finances. Selon le Ministère du Budget et du Portefeuille de l’État, les budgets totaux du pays sont passés progressivement de 6.4 milliards de francs CFA en 2017 à 9 milliards de francs CFA en 2021. Les taux d’exécution du budget pour les années 2017 à 2021 vont d’un dépassement budgétaire de 104% en 2019 à une sous-utilisation de 94, 93, 90 et 96% pour 2017, 2018, 2020 et 2021, respectivement.
L’un des ODD intégrés dans les plans quinquennaux de la Côte d’Ivoire est l’ODD 4 sur l’éducation de qualité, qui vise à « assurer une éducation de qualité inclusive et équitable et promouvoir les opportunités d’apprentissage pour tous tout au long de la vie ». Depuis 2015, le gouvernement ivoirien a adopté une loi sur la scolarisation obligatoire afin de rendre l’école obligatoire. Cette loi a rendu la scolarisation obligatoire pour les enfants âgés de 6 à 16 ans, quel que soit leur sexe.
La mise en œuvre de cette loi, qui nécessitera des investissements supplémentaires en termes de construction de salles de classe et de recrutement d’enseignants, impliquera des efforts budgétaires du secteur de l’éducation. Les taux de réalisation des projets d’investissement s’élevaient par exemple à 81% pour l’enseignement secondaire et à 88% pour l’enseignement supérieur en 2018.En outre, selon le rapport de présentation portant règlement du budget du Ministère du Budget et du Portefeuille de l’État pour 2020, le Ministère de l’Éducation Nationale, de l’Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle a exécuté ses projets à hauteur de 64% par source de financement, tandis que le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique a atteint un taux d’exécution de 96% au titre de la même rubrique.
Malgré l’amélioration des indicateurs de performance, tels que le taux brut de scolarisation et le taux d’achèvement du cycle primaire pour les filles, des écarts subsistent en ce qui concerne l’achèvement de l’enseignement secondaire général par les filles. Par ailleurs, en 2021, la tendance générale des ODD en Côte d’Ivoire indiquait que l’ODD 4 était en bonne voie, mais avec une performance égale à 50 sur 100 général étaient des filles en 2018. Cette situation remet en question l’atteinte des cibles de l’ODD 4. Ce mémoire vise à comprendre les raisons de la sous-utilisation du budget dans le secteur de l’éducation et à évaluer son impact sur l’exécution des programmes et sur l’ODD 4 relatif à l’éducation de 2017 à 2021. Deux techniques de collecte de données ont été utilisées : la recherche documentaire et les entretiens avec des informateurs clés au sein des entités gouvernementales .
Tendances de la crédibilité budgétaire dans le secteur de l’éducation
Selon les rapports annuels de la Cour des Comptes, les ministères composant le secteur de l’éducation ont généralement des taux d’exécution budgétaire élevés, mais leurs taux de dépenses varient selon le type de dépenses. En 2021, le Ministère de l’Éducation Nationale et de l’Alphabétisation (MENA) a enregistré le taux d’exécution le plus élevé : 97% du budget approuvé de 1 milliard de francs CFA, soit 23% du budget de l’État. Le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique (MESRS) disposait d’un budget de 343 milliards de francs CFA, soit 7 pour cent du budget général, et a exécuté 91% de ses activités planifiées. Le Ministère de l’Enseignement Technique, de la Formation Professionnelle et de l’Apprentissage (MENETFP) a exécuté 84% de son budget, dépensant 125 milliards de francs CFA, soit 3% du budget total. Une sous-utilisation des budgets d’investissement a été observée, avec des taux d’exécution de 78% pour le Ministère de l’Éducation Nationale, de l’Enseignement Technique et la Formation Professionnelle (MENETFP) et de 53% pour le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique.
Par exemple, le Programme intégré pour la pérennisation des cantines scolaires a été sous-financé, avec une sous-utilisation du budget de 71% et 61% en 2017 et 2018 respectivement, en raison de l’absence de financement attendu du Programme Alimentaire Mondial. Ministère de l’Éducation Nationale, de l’Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle, sur un budget approuvé de 31 milliards de francs CFA pour le chapitre investissement par projet et par source de financement, 14 milliards de francs CFA ont été dépensés, soit un taux d’exécution de 45% en 2019. Les données de l’exercice 2021 sont issues du rapport final de la Cour des Comptes sur l’audit de performance des programmes pour 2021 et non du rapport de présentation du projet de loi de règlement du budget. Les dépenses de l’État au titre du budget total ont été exécutées à 93% (6 824 milliards de francs CFA sur 7 302 milliards de francs CFA). Les dépenses de transfert courantes et les charges financières sur la dette intérieure ont été entièrement utilisées, contrairement aux dépenses en capital, qui n’ont pas été entièrement exécutées. Les dépenses liées aux financements extérieurs des projets ont atteint 69% du montant prévu (933 milliards de francs CFA sur 1 344 milliards de francs CFA), soit une sous-utilisation de 31% du budget d’investissement.
Causes et impact des tendances de la crédibilité budgétaire dans le secteur de
l’éducation
Les dépenses courantes, telles que les salaires et les dépenses en biens et services, sont généralement bien exécutées (à plus de 90%), tandis que les dépenses d’investissement le sont moins (80%) pour le MESRS et 63% pour le MENETFP entre 2018 et 2020.
Les investissements sont principalement financés par des prêts ou des subventions, la contribution du gouvernement central étant très faible. Cela conduit à une faible utilisation des ressources allouées aux investissements prévus, en raison des procédures complexes de décaissement des ressources extérieures. En effet, selon le rapport de présentation du projet de loi de règlement du budget 2020, le budget approuvé s’élevait à 8,8 milliards de francs CFA, répartis entre le gouvernement central et le partenaire extérieur à hauteur de 2,3 milliards de francs CFA et 6,5 milliards de francs CFA, respectivement. Selon le rapport, le partenaire n’a cependant pas été en mesure de respecter ses engagements. Par conséquent, de nombreux projets d’investissement dans le secteur de l’éducation, tels que la construction de salles de
classe et le programme de pérennisation des cantines scolaires, ne peuvent pas être entièrement mis en œuvre dans les délais prévus.
La performance d’un secteur étant étroitement liée à la réalisation des activités planifiées, quel est l’impact de la crédibilité budgétaire sur le secteur de l’éducation ? Comme indiqué, les dépenses d’investissement pour le programme intégré de cantines scolaires et le Centre National de Calcul ont été sous-utilisées. Cela signifie que ces programmes n’ont pas bénéficié efficacement aux populations parce que certaines activités contribuant aux objectifs du programme n’ont pas pu être menées à bien. Par conséquent, la contre-performance des programmes ministériels, en particulier dans le secteur de l’éducation, a un impact négatif sur la réalisation des cibles de l’ODD 4. Selon le rapport de la Cour des Comptes, la performance du programme mesure le niveau d’exécution de toutes les activités programmées par rapport au budget de chaque ministère ou institution.
Les ministères techniques du système éducatif ont atteint un taux d’exécution de 64 et 84% en 2020 et 2021 respectivement. Selon la Cour des Compte, ce niveau d’exécution est relatif au niveau d’atteinte des indicateurs dont les cibles ont été définies par les ministères eux-mêmes. En effet, les programmes mis en œuvre par les ministères sont la traduction des politiques publiques.
Conclusions et recommandations
La mise en œuvre efficace des programmes gouvernementaux devient plus que jamais nécessaire compte tenu de l’échéance imminente des ODD d’ici à 2030. En ce qui concerne les progrès de la Côte d’Ivoire vers la réalisation de l’ODD 4, les documents budgétaires tels que la loi de finances, les rapports de présentation des projets de loi de règlement budgétaire, les lois de règlement du budget et les rapports de performance de la Cour des Comptes révèlent de nombreux cas de sous-utilisation des budgets du secteur de l’éducation. Les rapports finaux de la Cour des Comptes pour les années 2017 à 2021 ont également mis en évidence plusieurs cas de sous-utilisation des budgets des programmes gouvernementaux, avec un taux d’exécution du budget national de 86% et une sous-utilisation de 14%. En 2021, tous programmes confondus, le budget général a été exécuté à hauteur de 89% (4,3 milliards de francs CFA sur un montant prévu de 4,8 milliards de francs CFA). Ce déficit de financement représente une opportunité de financement importante pour la construction d’infrastructures scolaires contribuant à la réalisation des cibles des ODD.
Les rapports de présentation du projet de loi de règlement budgétaire révèlent que la sous-utilisation du budget est plus fréquente pour les investissements, en particulier ceux financés par des partenaires extérieurs. Par exemple, les fonds alloués au Programme intégré de pérennisation des cantines scolaires ont été sous-utilisés depuis plus de trois ans en raison de l’absence de contribution d’un partenaire-clé.
Les rapports de présentation du projet de
loi de règlement budgétaire révèlent que la sous-utilisation du budget est plus fréquente pour les investissements, en particulier ceux financés par des partenaires extérieurs. Par exemple, les fonds alloués au Programme intégré de pérennisation des cantines scolaires ont été sous-utilisés depuis plus de trois ans en raison de l’absence de contribution d’un partenaire-clé.
Ces résultats montrent le besoin urgent de mettre en place des dispositions et des mécanismes budgétaires permettant d’atteindre les dépenses prévues pour l’atteinte des cibles de l’ODD 4 dans le secteur de l’éducation. L’étude recommande les mesures suivantes pour améliorer l’exécution budgétaire du secteur de l’éducation :
- Le gouvernement devrait améliorer les rapports désagrégés sur l’exécution du budget du secteur de l’éducation par rapport aux allocations initiales et celles révisées et par rapport à l’impact des écarts sur la prestation des programmes sectoriels prévus, tout en fournissant des raisons et des justifications suffisantes pour les écarts dans les rapports de performance publiés sur le secteur de l’éducation.
- Renforcer les capacités des gestionnaires des programmes/subventions et des missions afin d’améliorer leurs compétences en matière de respect des procédures des bailleurs de fonds pour les projets cofinancés par l’État et les partenaires au développement.
- Renforcer la capacité du Ministère du Plan et du Développement à développer un outil de collecte de données afin de disposer de statistiques fiables et actualisées sur la mise en œuvre des ODD.
- Le Parlement doit exercer son contrôle sur l’exécution du budget en cours d’exercice par l’intermédiaire de sa Commission de l’Éducation et exiger de l’Exécutif qu’il publie davantage d’explications sur les écarts par rapport au budget. Les audits de la crédibilité budgétaire dans le secteur de l’éducation réalisés par l’institution supérieure de contrôle peuvent permettre d’exercer une pression sur le pouvoir exécutif pour l’inciter à améliorer l’exécution budgétaire dans ce secteur.
- La société civile devrait dialoguer avec le gouvernement sur la manière dont la sous-utilisation du budget sectoriel entrave la mise en œuvre des programmes planifiés et les efforts à déployer en vue d’atteindre l’ODD 4 relatif à l’éducation.
