Auteur : Union africaine
Site de publication: GBAD
Type de publication: Rapport
Date de publication: Février 2023
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Contexte et justification
Dans l’ensemble, les gouvernements africains, le secteur privé et la société civile du continent se sont peu appropriés ces initiatives, dont la mise en œuvre est relativement lente et souvent complexe. Parallèlement, les chocs exogènes (changement climatique, Covid-19, guerre en Ukraine) ont pénalisé les systèmes alimentaires et agricoles africains, après la triple crise financière, alimentaire et énergétique de 2008, qui avait entraîné les émeutes de la faim à travers le continent.
Ces chocs, notamment celui en Ukraine, conduisent à la flambée des cours des denrées alimentaires et aux risques avérés de famine dans certains pays d’Afrique. Parallèlement, la hausse de la demande de produits alimentaires et les changements dans les habitudes de consommation en Afrique, en raison de facteurs internes comme la croissance démographique et l’urbanisation, conduisent à une progression rapide des importations nettes de produits alimentaires. Ces importations, qui étaient de 35 milliards de dollars américains en 2015, devraient atteindre plus de 110 milliards de dollars à l’horizon 2025.
Évolution économique et sociale récente
Le gouvernement ivoirien a réagi rapidement à la pandémie de Covid-19, en instaurant l’état d’urgence dès le 23 mars 2020 et une série de mesures de lutte contre la propagation de l’épidémie, par un plan de riposte multisectoriel de 1 700 milliards de FCFA (plus de 2,8 milliards de dollars), soit 5% du PIB, bénéficiant de ressources endogènes importantes et de l’appui de la communauté internationale, Entre autres mesures, le gouvernement a apporté un soutien financier au secteur productif du secteur privé formel et informel, en particulier aux producteurs agricoles, industriels et PME.
Les entreprises de tous les secteurs ont ressenti l’impact de la crise : ralentissement de l’activité et des ventes, perturbations logistiques et accès aux intrants. Les mesures vigoureuses, mises en œuvre de manière coordonnée, ont permis de limiter la baisse moyenne, par rapport à 2019, de l’activité économique des entreprises manufacturières (12%) et des emplois dans le secteur privé formel (8%). Les importations de produits halieutiques (-0,2%) et de viande (-0,3%) ont été touchées.
La guerre en Ukraine n’a pas eu d’effet significatif sur l’économie ivoirienne, parce que le pays importe du blé (environ 700 000 tonnes par an) de France et du Canada, transformé entièrement au niveau local pour les besoins nationaux et l’approvisionnement de pays voisins (Burkina Faso, Guinée, Libéria et Mali). Cependant, la campagne agricole pourrait être affectée du fait de l’augmentation des coûts des fertilisants chimiques, dont les matières premières pour leur fabrication sont issues d’Ukraine et de Russie (40% du marché mondial).
Performances récentes de la production agro-pastorale et halieutique
Numéro un mondial du cacao et de la noix de cajou avec, en moyenne annuelle, environ deux millions de tonnes et 800 000 tonnes au cours de deux dernières années, la Côte d’Ivoire est également un producteur de produits alimentaires. Il s’agit de productions importantes dans certains cas (igname, manioc, maïs et produits carnés), mais mal réparties au cours de l’année, et on constate une insuffisance pour d’autres spéculations (riz, poisson et viande) tandis que toutes les enquêtes réalisées par le secteur privé, le gouvernement, les chercheurs et des sources indépendantes, révèlent la préférence des consommateurs ivoiriens pour des produits locaux de qualité, en particulier des produits agroalimentaires.
La Côte d’Ivoire est aussi le 3ème producteur mondial d’igname (sept millions de tonnes par an), après le Ghana et loin derrière le Nigeria, qui concentre près de 70% des 65 millions de tonnes produits annuellement dans le monde. Tout comme au Nigeria, la production ivoirienne est entièrement consommée dans le pays. Le développement de la chaîne de valeur est contrarié par l’insuffisance du matériel végétal performant (semenceaux) et la pénibilité du travail champêtre non mécanisé. Les acteurs se plaignent de manière récurrente du manque de financement. Cette situation est exacerbée par la fragilité de l’igname, dont le stockage et la conservation contre les rongeurs et le pourrissement demandent de déployer des moyens conséquents. La production maraîchère locale (tomate, piments, aubergines, concombre, carotte, salade), autre que l’oignon importé annuellement du Niger (environ 100 000 tonnes par an), est confrontée à cette même fragilité, alors qu’elle a pris de l’envergure au cours des dix dernières années.
Idées de projets et programmes
Le portefeuille de la Côte d’Ivoire compte également des projets et programmes qui sont encore au stade d’idées ou d’approches non encore étudiées, pour le développement de chaînes de valeur agricoles et alimentaires. Parmi ceux-ci, la Côte d’Ivoire fonde de grands espoirs sur le Projet d’appui à la transformation durable de l’agriculture, d’un coût estimé à 153 millions de dollars, et sur les sept projets d’agropoles (ouest, sud-ouest, centre–nord), y compris le projet de l’agropole nord–est estimé à 200 millions de dollars, dont 33 millions sont déjà mobilisés par le FIDA.
Au total, le programme de développement de la chaîne de valeur du riz, est d’un coût estimé à 150 milliards de FCFA (250 millions de dollars), dont la moitié pour la période 2023-2025, en vue de basculer progressivement vers une riziculture de marché, compétitive et respectueuse de l’environnement. Ce programme prévoit la gestion raisonnée des espaces de culture, l’amélioration de la disponibilité et de l’accès aux semences certifiées (système semencier national) et aux intrants de qualité ainsi que l’amélioration de la mobilisation et le renforcement de la maîtrise de l’eau, de la mécanisation et de l’accès au conseil agricole, aux innovations technologiques et de la recherche-développement.
Stratégie de mise en œuvre
Le Pacte de la Côte d’Ivoire concrétise l’accélération du triptyque « production-transformation industrielle-commercialisation ». Il sera mis en œuvre en partenariat, c’est-à-dire en apportant les appuis aux producteurs, aux transformateurs, aux industriels et aux distributeurs-commerçants, tous étant des opérateurs privés de différentes tailles devant produire, transformer et mettre sur le marché les produits alimentaires et agroalimentaires locaux ciblés. La mise en œuvre de la stratégie portera une attention particulière aux jeunes et aux femmes, promoteurs de PME agricoles et agroalimentaires et porteurs de projets dans les chaînes de valeur. La stratégie permettra de faciliter et d’améliorer les liens commerciaux et économiques entre les producteurs, les industriels et les distributeurs-commerçants.
Le Pacte permettra aux producteurs d’accéder aux terres aménagées de production avec mobilisation et maîtrise d’eau ainsi qu’aux intrants, matériels et équipements agricoles, de disposer d’infrastructures de stockage et de conservation de leur production dans de bonnes conditions, et de vendre « cash » leur production sans subir de contrainte les obligeant, par exemple, à brader. Il permettra aux transformateurs et aux industriels d’accéder au financement pour l’achat des productions (matières premières de base) et de pouvoir les transformer localement dans de bonnes conditions pour avoir des produits de qualité. Il permettra également aux distributeurs d’accéder aux circuits de commercialisation.
Appel en action
- La « Mission 1 pour 200 » est une initiative partenariale entre le FIDA, le Groupe de la Banque africaine de développement, le premier instrument de financement du développement de l’Afrique, et les gouvernements africains, pour nourrir 200 millions de personnes en Afrique. Elle est une invitation à tout donateur à contribuer à la hauteur de ses engagements pour l’autosuffisance et la sécurité alimentaires en Afrique, y compris en Côte d’Ivoire.
- Le Pacte de la Côte d’Ivoire est en cohérence avec l’approche développementaliste du pays, consistant à capitaliser sur l’agriculture, le moteur de sa croissance économique, parmi les plus fortes au monde sur la période 2012-2019. Il appelle l’ensemble du secteur privé, des donateurs et de la société civile au rassemblement autour du gouvernement et des producteurs du pays, pour faire franchir à la Côte d’Ivoire d’autres paliers qualitatifs par l’abondance de la production endogène dans les chaînes de valeur alimentaires et agroalimentaires pour la consommation nationale et la commercialisation des surplus sur les marchés sous-régionaux, régionaux et internationaux.
- En considérant, in fine, le niveau de pauvreté actuel de 39% dans ce pays, qui compte 28 millions d’habitants en 2021, le Pacte de la Côte d’Ivoire représente une dépense de seulement 53,2 dollars par personne pauvre (au total, 581 millions de dollars pour 10,92 millions de personnes).
