Auteur: Human rights watch
Site de publication: HRW
Type de publication: Rapport
Date de publication: 2020
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Liberté d’expression
Les procureurs se servent d’une législation répressive, notamment de la criminalisation de la diffamation et de définitions très larges du terrorisme et de l’« incitation à la haine raciale », afin de censurer et de poursuivre les opposants pour des discours non violents. Le 1er février, les autorités ont abandonné les poursuites contre l’activiste Abdallahi Salem Ould Yali et l’ont remis en liberté. Il était emprisonné depuis janvier 2018, inculpé d’incitation à la violence et à la haine raciale en vertu du code pénal, de la loi antiterrorisme et de celle sur la cybercriminalité. Yali avait été arrêté pour des messages sur WhatsApp où il appelait les Haratines, le groupe ethnique auquel il appartient, à résister à la discrimination et à réclamer le respect de leurs droits.
Le 29 juillet, les autorités ont libéré le blogueur Mohamed Cheikh Ould Mkhaitir, qui était en prison pour une affaire de blasphème depuis cinq ans et demi. Les autorités l’avaient arrêté en janvier 2014 pour avoir dénoncé l’instrumentalisation, selon lui, de l’islam afin de justifier la discrimination de caste en Mauritanie. Au départ un tribunal l’avait condamné à mort pour blasphème. Une cour d’appel a transformé la peine en deux ans de prison, qu’il avait déjà purgés. Mais au lieu de le libérer, les autorités l’ont maintenu arbitrairement en détention pendant 21 mois supplémentaires, à l’isolement, officiellement pour le protéger, puis l’ont transféré directement hors du territoire. Au moment où nous écrivons, il avait demandé asile en France.
Liberté d’association
La loi sur les associations de 1964, très restrictive, exige que les associations obtiennent l’autorisation formelle d’opérer légalement et donne au ministère de l’Intérieur des pouvoirs étendus pour refuser cette autorisation en invoquant des motifs vagues tels qu’une « propagande antinationale » ou une « influence fâcheuse sur l’esprit des populations ». Le ministère a ainsi refusé la reconnaissance légale à plusieurs associations qui font campagne sur des sujets controversés, telles que l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA) et « Touche pas à ma nationalité », qui accuse le gouvernement de discriminer les personnes noires lors du processus d’enregistrement à l’état civil. Des membres de l’IRA, notamment son chef de file, Biram Dah Abeid, ont subi arrestations et harcèlements.
Opposition politique
Dans le sillage de l’élection présidentielle du 22 juin 2019 et des manifestations qui ont suivi, dont certaines ont débouché sur des affrontements avec les forces de sécurité, les autorités mauritaniennes ont temporairement détenu des personnalités publiques pro-opposition et des dizaines d’activistes de l’opposition qui clamaient que les résultats officiels étaient frauduleux. Le ministère de l’Intérieur a annoncé le 25 juin que les forces de sécurité avaient arrêté une centaine de manifestants. Les autorités ont libéré certains d’entre eux, mais d’autres demeuraient détenus, accusés d’avoir pris part à des manifestations non autorisées, de destruction de biens publics et de perturbation de l’ordre public. Les tribunaux ont condamné au moins 13 manifestants à six mois de prison. En novembre, les autorités ont libéré toutes les personnes qui restaient détenues en lien avec les manifestations électorales.
Esclavage
La Mauritanie a aboli l’esclavage en 1981 – c’est le dernier pays à l’avoir fait – et l’a criminalisé en 2007. L’Indice mondial de l’esclavage, qui mesure le travail forcé et le mariage forcé, estime que 90 000 personnes vivent en un état d’« esclavage moderne » en Mauritanie, soit 2,4 % de la population. Trois tribunaux spéciaux poursuivent les crimes liés à l’esclavage, mais depuis qu’ils ont été créés via une loi de 2015, ils n’ont jugé que quelques affaires. D’après le rapport 2019 du département d’État des États-Unis sur le trafic d’êtres humains, la Mauritanie a procédé à quatre enquêtes judiciaires et poursuivi un trafiquant présumé, mais n’en a condamné aucun. Neuf procès en appel étaient en cours devant le tribunal anti-esclavage.
Droits des femmes
La loi 2017 sur la santé procréative la reconnaît comme un droit, pourtant la Mauritanie a maintenu son interdiction de l’avortement. Le code général de protection de l’enfance pénalise la mutilation génitale féminine (MGF), mais selon les Nations unies, elle existe toujours, surtout dans les communautés rurales. La loi mauritanienne ne définit pas suffisamment le crime de viol et les autres formes d’agression sexuelle, même si un projet de loi sur la violence liée au genre, contenant des définitions plus spécifiques, était en attente devant le Parlement.