Auteur : Samira Daoud
Site de publication : Amnesty
Type de publication : Article
Date de publication : juillet 2023
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Notes
- La population est prise en étau entre les différentes parties qui s’affrontent
- Les forces de sécurité, les milices et les séparatistes armés sont responsables d’homicides, de viols et d’incendies d’habitations
- Les Peuls Mbororos parmi les personnes ciblées par les groupes armés séparatistes
- Les personnes qui dénoncent ouvertement ces atrocités sont menacées et arrêtées de façon arbitraire
Ce rapport, intitulé Avec ou contre nous. La population prise en étau entre l’armée, les séparatistes armés et les milices dans la région du Nord-Ouest du Cameroun, expose les crimes commis, principalement depuis 2020, par des séparatistes armés, des milices et des membres des forces de défense et de sécurité dans la région du Nord-Ouest. Il souligne également que les personnes qui dénoncent les atrocités infligées à la population doivent de toute urgence être protégées.
La crise anglophone résulte de la répression des manifestations largement pacifiques qui ont eu lieu en 2016 et 2017 et qui demandaient la fin de la marginalisation de la minorité anglophone. Elle s’est intensifiée au point d’atteindre le stade de violence armée dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, la population se retrouvant alors prise en étau dans les affrontements entre les différentes parties. À présent, des personnes endurent de terribles souffrances et perdent la vie.
Le rapport d’Amnesty International présente des informations détaillées sur les graves crimes commis par des séparatistes armés contre la population, en portant une attention particulière à ceux qui ont été commis contre les Peuls Mbororos, dans la région du Nord-Ouest.
Par exemple, dans la nuit du 28 mars 2022, des séparatistes armés ont attaqué une communauté peule mbororo dans le village de Mbokop-Tanyi. Amnesty International a rencontré le mari et père des trois victimes. Il a déclaré : « Les Ambas [terme générique désignant les séparatistes armés] ont incendié ma maison, avec deux de mes enfants et ma femme à l’intérieur. Ils ont abattu ma femme avant de la brûler avec mes deux enfants, âgés de sept ans et six mois, qui dormaient dans la maison. »
Des propos discriminatoires et provocateurs visant les Peuls Mbororos ont fait leur apparition sur les réseaux sociaux.
Des milices peules mbororos ont également participé à des homicides et à la destruction d’habitations dans la région du Nord-Ouest, dans certains cas avec au moins l’aide ou la complaisance de soldats camerounais. Un groupe d’environ 45 personnes armées décrites comme étant des Peuls, des Haoussas et des Akus, accompagnées de militaires camerounais, a tué au moins cinq villageois·e·s et détruit au moins 13 habitations dans le village de Gheidze le 18 octobre 2021, selon quatre personnes interrogées par Amnesty International. Ces miliciens étaient armés de machettes, de bâtons, de lances et de couteaux, et les militaires avaient des armes à feu. Ils ont incendié les maisons pendant que les soldats tiraient en l’air et montaient la garde dans le secteur.
Le rapport d’Amnesty International indique aussi que de graves violations des droits humains ont été perpétrées par les forces de défense et de sécurité dans le département de Bui (région du Nord-Ouest). Selon les témoignages de victimes déplacées à Bafoussam et Douala, ces crimes comprennent des exécutions extrajudiciaires, des viols et d’autres violences sexuelles infligées à des femmes.
Soupçons concernant l’utilisation par les séparatistes d’armes étrangères
Le rapport d’Amnesty International s’intéresse également à la coopération entre le Cameroun et ses partenaires internationaux, portant une attention toute particulière à la provenance et au détournement des armes. L’organisation a repéré plusieurs types d’armes dans les vidéos de propagande publiées sur les réseaux sociaux par des groupes séparatistes armés, et il semble que certaines des armes utilisées pour commettre des crimes contre la population aient été volées à l’armée camerounaise qui les a obtenues via l’assistance étrangère.
« Lorsque des éléments crédibles montrent que les armes sont détournées au profit de groupes armés accusés de graves crimes, l’assistance militaire doit être suspendue jusqu’à la mise en place de mesures garantissant la sécurité de tous les transferts et l’utilisation responsable de ces armes par les utilisateurs finaux autorisés. »
La réaction judiciaire arbitraire des autorités
La réaction des autorités politiques et judiciaires face à cette crise a, jusqu’à présent, engendré d’autres violations des droits humains. Au lieu d’enquêter réellement sur les crimes perpétrés par des séparatistes armés, les autorités ont accusé des personnes dénonçant des atrocités d’être elles-mêmes des séparatistes armés ou des sympathisants de ces derniers, et les ont arbitrairement arrêtées et placées en détention. Parallèlement, le manque de transparence des enquêtes sur les crimes commis par les forces armées suscite des inquiétudes quant à l’impunité.
Les mesures prises par les autorités pour restreindre la liberté d’expression et le droit de chercher des informations ont également aggravé la situation. Les défenseur·e·s des droits humains, les militant·e·s, les avocat·e·s et les médias qui dénoncent courageusement les atrocités commises par les forces de défense et de sécurité sont confrontés à des actions judiciaires, des arrestations arbitraires et des menaces.
Le rapport d’Amnesty International fait également état de graves préoccupations découlant du fait que les autorités camerounaises ne coopèrent pas de façon efficace avec les institutions régionales et internationales de défense des droits humains. Les demandes répétées de missions d’établissement des faits sont restées sans réponse, ce qui a entravé les initiatives visant à évaluer la situation et à appeler à la justice.
