Auteur : HRW
Site de publication : HRW
Type de publication : Rapport
Date de publication : 2020
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La forte croissance économique qui s’est maintenue en Côte d’Ivoire en 2019 a permis des améliorations dans le domaine des droits économiques et sociaux. Le gouvernement s’est cependant montré incapable de s’attaquer aux racines profondes des violences politiques passées, et notamment l’impunité endémique, la politisation de l’appareil judiciaire, et les tensions politiques et ethniques de longue date.
L’acquittement en janvier 2019 par la Cour pénale internationale (CPI) de l’ancien président Laurent Gbagbo et de son ministre de la Jeunesse, l’ex-chef de milice Charles Blé Goudé, ainsi que l’interruption des poursuites au niveau national, n’ont fait que renforcer l’impunité systématique pour les crimes commis après les élections de 2010-11 et qui ont fait des milliers de morts.
Toute une série de réformes du droit ont permis quelques améliorations du système de protection juridique des droits humains. Le gouvernement a adopté des lois définissant la torture comme un crime à part entière, et pris des mesures qui pourraient permettre de diminuer le recours à la détention préventive, et d’améliorer l’égalité face au mariage. Certaines dispositions de ces nouvelles lois pourraient cependant être utilisées pour restreindre les libertés de réunion et d’expression. L’arrestation de plusieurs personnalités de l’opposition ou de la société civile pour avoir organisé des manifestations anti-gouvernementales a suscité des inquiétudes quant au possible verrouillage de l’espace public en amont des élections présidentielles de 2020.
Responsabilité pour les crimes passes
La Procureure de la CPI a fait appel de ces acquittements le 16 septembre, sollicitant une annulation du procès auprès des juges. À l’heure où nous écrivons, Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé sont en liberté conditionnelle, respectivement en Belgique et aux Pays-Bas.
La CPI a poursuivi ses enquêtes sur les crimes commis par les forces pro-Ouattara au cours de la crise post-électorale, mais n’a toujours pas émis de mandats d’arrêt. Le président Alassane Ouattara a déclaré que plus aucun suspect ne serait transféré à la Haye.
Au cours de l’année qui a suivi l’amnistie annoncée en août 2018 par le président Ouattara pour les crimes commis pendant les violences post-électorales de 2010-11, les procédures engagées au niveau national par la Cellule spéciale d’enquête et d’instruction ont très peu avancé. Créée en 2011, cette cellule avait inculpé les années précédentes plus d’une vingtaine de hauts responsables militaires et de dirigeants politiques, pour crimes contre l’humanité ou crimes de guerre.
Exactions des forces de sécurité et réforme du secteur
Des efforts particulièrement nécessaires ont permis de continuer à professionnaliser l’armée et d’améliorer la discipline aux seins des forces de sécurité, en combinant formation et réforme des instances dirigeantes de l’armée.
Plusieurs anciens commandants de zone (« comzones »), des commandants militaires haut placés impliqués dans de graves violations des droits humains entre 2002 et 2011, ont été déclassés en mars. D’autres sont cependant toujours en position d’autorité au sein des forces armées.
Les forces de sécurité ont ouvert le feu sur des manifestants qui protestaient contre l’arrestation d’un homme politique de l’opposition à Bouaké le 3 octobre, faisant un mort et blessant plusieurs autres personnes.
Liberté de réunion et d’expression
Le 26 juin, le président Ouattara a promulgué un nouveau code pénal qui rend l’organisation d’une manifestation « non-déclarée ou interdite » passible d’un à trois ans de prison et d’une sanction financière. Les normes internationales des droits humains stipulent que les organisateurs de manifestations ne peuvent être sanctionnés uniquement pour défaut d’information des autorités en amont.
Le nouveau code pénal crée aussi des infractions aux contours flous, passibles de peines de prison, et qui menacent la liberté d’expression, et notamment le délit de « divulgation de fausses nouvelles qui ont pour résultat ou peuvent avoir pour résultat » de perturber l’ordre public et de « porter offense au président ou au vice-président ».
