Auteur : Conseil national des droits de l’homme (CNDH)
Site de publication: Cndh-ci
Type de publication : Rapport
Date de publication : 2023
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Notes
Le rapport annuel au titre de l’année 2023 du CNDH présente une analyse de de protection, de promotion des droits de l’homme et de prévention de leurs violations. Il s’articule autour des axes suivants : état des Droits de l’Homme ; bilan des activités réalisées ; acquis, difficultés et perspectives.
État des Droits de l’homme
Droits civils et politiques
Les droits civils et politiques sont essentiels pour promouvoir et protéger des valeurs de dignité, de liberté et d’égalité. Ils sont considérés comme des droits qui protègent les libertés individuelles de la personne humaine et sont basés sur des principes fondamentaux, qui ont un caractère universel. Ces droits sont essentiellement consacrés par le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques (PIDCP) auquel la Côte d’Ivoire est partie depuis 1992, ainsi que par la législation nationale.
L’année 2023 a connu un dynamisme politique à travers l’organisation des élections municipales, régionales et sénatoriales. Cette situation a permis d’observer la maturité démocratique du pays et d’évaluer les dispositifs juridiques et institutionnels touchant au respect des droits de l’Homme en période électorale, notamment le droit d’être électeur, d’être éligible, et le droit à un recours effectif.
Le contentieux relatif à la liste électorale provisoire
L’année 2023 a enregistré d’importantes avancées dans le sens de la garantie et du respect de ce droit.
L’article 12 dudit code, en ses alinéas 1 et 2, dispose en effet que : « Tout électeur inscrit sur la liste de la circonscription électorale peut réclamer l’inscription d’une personne omise. Tout électeur a le droit de réclamer la radiation d’une personne décédée, de celle qui a perdu sa qualité d’électeur, de celle dont la radiation a été ordonnée par décision de l’autorité compétente ou d’une personne indûment inscrite. »
Usant de ce droit, et après consultation de l’ensemble du fichier électoral provisoire, des électeurs, des personnalités politiques et des partis et groupements politiques ont saisi la CEI de réclamations et de contestations portant sur des irrégularités relevées. Ainsi, le 08 juin 2023, monsieur Laurent GBAGBO, objet d’une condamnation par les juridictions pénales ivoiriennes , a réclamé auprès de la CEI locale sa réintégration sur la liste électorale après avoir constaté sa radiation. Les 14 et 15 juin 2023, des délégations du PPA-CI et du PDCI se sont rendues respectivement au siège de la CEI pour présenter des cas litigieux, et échanger sur les anomalies et erreurs matérielles constatées.
Elle a fait noter sept mille cinq cent quarante-un (7 541) réclamations jugées valides ayant reçues une suite favorable, dont deux mille neuf cent vingt-sept (2927) concernant les inscriptions, trois mille neuf cent-soixante et onze (3 971) portant sur des corrections de mentions, et six cent quarante-trois (643) radiations. Rejetant trois mille cinquante-huit (3 058) réclamations, la CEI s’est évertuée à informer les personnes concernées qu’elles disposaient, conformément à l’article 12 alinéa 6 du code électoral, d’un recours en dernier ressort devant les présidents des tribunaux territorialement compétents en la matière.
La participation politique des femmes et des jeunes
Conformément aux instruments juridiques internationaux, les États ont l’obligationde garantir l’égalité d’accès à la vie politique aux femmes et aux jeunes et uneprotection contre la discrimination. Les femmes doivent pouvoir exercer leurs droits de participation, tant de plein droit que dans les faits . La mise en œuvrede cette obligation implique la prise de mesures constitutionnelles, législatives et judiciaires , y compris des mesures temporaires spéciales notamment de quota,afin de garantir la participation effective des femmes à la vie politique
Les échéances électorales de l’année 2023 ont marqué une étape cruciale dans la mise en œuvre de ces obligations internationales auxquelles la Côte d’Ivoire a souscrit, pour favoriser la participation effective des femmes et des jeunes à la gestion des affaires publiques.
La participation politique des femmes
Le CNDH a fait le monitoring des processus électoraux et documenté les données fournies par l’Organisme de gestion des élections, en portant un intérêt particulier sur les droits civils et politiques de la femme et, plus précisément sa représentation dans l’écosystème politique de notre pays, au regard la loi de n° 2019- 870 du 14 octobre 2019 favorisant la représentation de la femme dans les assemblées élues. Il en résulte les informations suivantes (Tableau 5) :
Tableau n°5 : Statistiques des candidat-e-s et des élu-e-s aux élections locales et Sénatoriales
Le Conseil relève que la Côte d’Ivoire a fait des progrès notables dans la consécrationdes droits de la femme et l’égalité entre les sexes, à travers l’adoption de nouvelles dispositions législatives introduites par le code de la famille et le code pénal. Toutefois, la concrétisation de cette égalité et les progrès dans sa consolidation au niveau des pratiques et valeurs ne dépendent pas uniquement des réformes textuelles, mais exigent un véritable changement des mentalités.
La participation politique des jeunes
Les processus électoraux de l’année 2023 n’ont pourtant pas enregistré un fort engouement des jeunes à briguer les suffrages des citoyens. De façon générale, comme l’illustre le tableau 6 ci-dessous, moins de 15% de l’électorat jeune de 25 à 34 ans s’est porté candidat aux deux élections des conseillers municipaux et des conseillers régionaux. Seulement 3,75% des trois cent quarante-quatre (344) candidats jeunes ont été élus aux régionales, et 6,63% des trois mille deux cent quarante-trois (3 243) jeunes aux municipales.
Statistiques des candidat-e-s et des élu-e-s par sexe et tranche d’âgedes élections locales et sénatoriales
Le CNDH note que des efforts considérables sont fournis par le Gouvernement pour impliquer la jeunesse à la gestion des affaires publiques, par des nominations de jeunes à des postes de responsabilité. La relève générationnelle pour la gouvernance politique de notre pays est une préoccupation des plus Hautes Autorités.
Toutefois, le faible niveau de représentation des jeunes aux élections tenues en 2023 en tant que candidats aux fonctions de conseillers municipaux et de conseillers régionaux semble illustrer l’hésitation des partis et groupements politiques à faire confiance à leur jeunesse. Cela demeure une préoccupation, lorsque l’on sait que cette frange de la société représente plus de 77% de la population ivoirienne et fait face à de nombreux défis en matière d’éducation, de santé et d’emploi, lesquels défis requièrent leur participation active aux instances de décision.
L’exercice des libertés de réunion et de manifestation pacifique par les partis et groupements politiques
Le CNDH a observé que les processus électoraux de l’année 2023 ont été inclusifs et participatifs. Ils ont vu la participation libre d’une large majorité de partis et groupements politiques qui ont tenu des manifestations pacifiques et des réunions lors des campagnes électorales.
Toutefois, le Conseil a documenté l’interdiction par les autorités compétentes d’un rassemblement du Congrès panafricain pour la justice et l’égalité des peuples (Cojep) prévu pour se tenir à la place Ficgayo, à Yopougon, le 26 novembre 2023,pour des ‘’raisons sécuritaires et indice trop élevé’’, alors même que d’autres manifestations publiques de partis politiques se tenaient dans la même période.
La démocratie au sein des partis et groupement politiques
Le CNDH observe que ces principes ont été mis à l’épreuve au cours de l’année dans les partis et groupements politiques dans notre pays. En effet, plusieurs de ces partis ont procédé au renouvellement de leurs instances. Le COJEP a, au cours de son congrès tenu du 24 au 26 novembre, réélu à sa tête monsieur Charles Blé GOUDE. Le 9 décembre, monsieur Mamadou KONE était élu président de l’Union des jeunes du RHDP face à 7 candidats. Le 16 décembre, Madame Hortense Séri Louma, maire de la commune de Zattry, était portée à la tête de la ligue des femmes du PPA-CI comme présidente lors d’une élection ayant été contestée plus tard devant le siège dudit parti par ses adversaires. Le 17 décembre 2023, au Palais des sports de Treichville, la ministre N’Guessan Harlette Badou KOUAME, a été élue par acclamation présidente de l’Union des femmes du RHDP au cours d’une assemblée générale élective. Le 22 décembre, Monsieur Tidjane THIAM remportait la présidence du PDCI face à son adversaire Jean Marc YACE à l’issue du congrès extraordinaire de ce parti, et ce après des procédures judiciaires intentées par des militants contre la violation des règles de fonctionnement.
La prévention et la lutte contre la corruption
Le Conseil observe un engagement du Gouvernement en matière de prévention et de lutte contre la corruption. Conformément aux hautes instructions du Président de la République, le fléau de la corruption est inscrit au rang des priorités gouvernementales. Une politique de tolérance zéro contre le phénomène est déclarée. A cet effet, une catégorie de hauts fonctionnaires et d’agents publics sont soumis à l’obligation de déclaration du patrimoine, conformément à l’article 41 de la Constitution et l’article 7 de l’ordonnance 2013-660 du 20 septembre 2013.
Droits économiques, sociaux et culturels
L’article 13.1 du Pacte International relatif aux droits économiques, sociaux et culturels affirme clairement « le droit de toute personne à l’éducation ». Dans le cadre du suivi de la réalisation de ce droit en 2023, le CNDH a porté un regard sur les résultats des états généraux de l’éducation nationale, la rentrée scolaire 2023-2024, les résultats scolaires de l’année 2022- 2023, la régularisation de l’année académique universitaire, les réformes structurelles dans l’enseignement supérieur, les défis sécuritaires et les grossesses en cours de scolarité.
Des dispositions ont été prises pour adopter une législation et une politique traduites en une série d’actions et de mesures dans divers secteurs de l’éducation, notamment le Plan National de l’Éducation Pour Tous (PN-EPT), avec des programmes d’enseignement.
La loi n°2015-635 du 17 septembre 2015 portant modification de la Loi n°95-696 du 7 septembre 1995 relative à l’enseignement, établit le caractère obligatoire de la scolarisation pour tous les enfants de 6 à 16 ans (Art 2-1) et la gratuité de l’école depuis la classe de CP1 jusqu’à celle de 3ème.
La problématique de la gratuité de l’école
La gratuité de l’éducation est un élément clé du droit à l’éducation. L’aspect financier n’est cependant pas le seul domaine où il existe des points d’insuffisances qui freine l’accès à l’éducation des enfants. En effet, en plus des problèmes financiers caractérisés par la hausse des frais d’inscription et des frais annexes, il existe d’autres difficultés telles que les problèmes d’infrastructures qui influencent les capacités d’accueil et de prise en charge, Des problèmes liés aux ressources humaines, à l’indisponibilité à temps des kits scolaires, et des problèmes de sécurité, etc sont aussi à relever.
Les grossesses en cours de scolarité
Depuis plusieurs années, la Côte d’Ivoire enregistre de nombreux cas de grossesses des élèves en cours de scolarité. Au cours de l’année 2023, le Conseil a documenté de septembre 2022 à avril 2023, 3 588 cas de grossesses dans les établissements scolaires. Ces grossesses entraînent des conséquences non seulement sur le parcours scolaire des filles, mais également sur le plan social, économique et de la santé.
Alors que le Plan d’Action National Budgétisé de Planification Familiale qui couvre la période 2021-2025 reconnaît que « l’insuffisance ou le manque d’accès aux services de planification familiale de qualité contribue au nombre élevé de grossesses non désirées ou des grossesses survenues trop tôt ».
La situation des bacheliers affectés dans les grandes écoles de l’enseignement supérieur
L’Etat verse comme frais de scolarité, par année à chaque établissement et pour chaque affecté, la somme de 450.000 FCFA pour les filières industrielles et 300.000 FCFA pour les filières tertiaires.
Le constat est que les frais de scolarité fixés selon les établissements, doivent être compensés par les élèves affectés en fonction de la part prise en charge par l’Etat. Cela amène les parents à payer des frais supplémentaires, sans compter les frais annexes. Toute chose qui affecte négativement les finances des parents qui se retrouvent dans l’incapacité d’assurer cette charge.
Au niveau du supérieur, le Conseil a noté que des bacheliers de la session 2023, affectés dans les grandes écoles de l’enseignement supérieur doivent s’acquitter de la somme de 200.000 F CFA au titre des frais d’inscription. Or, selon les informations fournies, le Gouvernement a fixé lesdits frais à 45.000 F CFA pour tous les affectés de l’État dans les grandes écoles.
La circulation des produits pharmaceutiques illicites
La Côte d’Ivoire est de plus en plus confrontée à la question des médicaments qui échappent au contrôle des autorités compétentes.
Pour l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), un médicament contrefait est « un médicament dont l’identité et/ou l’origine est délibérément et frauduleusement falsifiée », qu’il s’agisse de produits de marque déposée ou de génériques. Dans certaines régions d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine, plus de 30% des médicaments vendus sont des contrefaçons, indique l’OMS (Organisation mondiale de la santé).
Des espaces et des lieux sont dédiés à la vente des médicaments. Les sites connus sont à Abidjan le marché Roxy d’Adjamé, les marchés de toutes les grandes villes et communes. Le marché de Roxy réunit près de 30% des vendeurs de médicaments de la rue en Côte d’Ivoire et représente le plus grand marché du pays.35 Ces activités de vente se déroulent dans la rue, et aussi dans tous les secteurs y compris le transport.
Les services de santé scolaires et universitaires
Le Conseil a initié une enquête visant à évaluer l’existence de Centres de Santé Urbain Spécialisé/Service de Santé Universitaire-Santé Adolescents Jeunes (CSUS/ SSU-SAJ) dans les départements de Côte d’Ivoire. L’enquête a permis de relever quelques points pouvant mettre en mal le droit à la santé des enfants.
L’accès à l’eau potable
En Côte d’Ivoire, l’accès à l’eau potable demeure encore un enjeu majeur particulièrement pour les populations qui habitent dans le district d’Abidjan et les zones d’extension des villes. Malgré les investissements du Gouvernement, le CNDH fait le constat que des populations, aussi bien en zone urbaine comme en zone rurale, rencontrent des problèmes récurrents d’accès à l’eau potable et courante. Or, le “le droit à l’eau potable et à l’assainissement est un droit de l’homme, essentiel à la pleine jouissance de ma vie et à l’exercice de tous les droits de l’homme”.
La menace terroriste
Au titre des initiatives pour répondre à la menace terroriste, la Côte d’Ivoire avec ses partenaires a rendu fonctionnelle et opérationnelle l’Académie internationale de lutte contre le terrorisme (AILT) en cette année. Le Centre d’entraînement des forces spéciales et des unités d’interventions de l’AILT a été doté d’installations spécifiques et accueille depuis le premier trimestre de cette année 2023, des unités de tous les pays africains, à Jacqueville.
Sur le terrain, l’on peut observer des actions communes et concertées entre les forces armées ivoiriennes et celles des pays de la frontière nord dans le but de sécuriser les points stratégiques, notamment près de la zone frontalière avec le Burkina Faso et par-delà la zone des trois (03) frontières.
