Auteur : Julien Chongwang
Organisation affiliée : Scidev.net
Type de document : Article
Date de publication : 04 mai 2020
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Du 6 au 8 février 2020, alors que la COVID-19 n’avait pas encore atteint l’Afrique, des scientifiques de 15 pays du continent s’étaient réunis à l’Institut Pasteur de Dakar (Sénégal) pour apprendre du savoir-faire de cette institution française désignée par l’Union africaine comme l’un des deux laboratoires de référence sur le contient en matière de détection du SARS-Cov-2, le virus responsable de la COVID-19.
La crise sanitaire que traverse le monde depuis quatre mois mettait ainsi en lumière une des faiblesses scientifiques majeures des pays du continent. Celle qui veut que 60 ans en moyenne après les indépendances, tous les pays d’Afrique ou presque en soient encore à compter sur l’expertise des laboratoires étrangers pour diagnostiquer les nouvelles maladies.
Il aura ensuite fallu attendre plusieurs semaines, alors que les pays étaient déjà plongés dans la maladie pour que des laboratoires nationaux soient équipés pour réaliser des tests ; et là encore sous la supervision du même Institut Pasteur.
C’était notamment le cas avec l’ouverture au Sénégal, fin mars, du deuxième centre de test de diagnostic basé à l’’Institut de recherche en santé, de surveillance épidémiologique et de formation (IRESSEF), toujours à Dakar. C’était également le cas le 3 avril, avec l’ouverture du centre de dépistage de l’hôpital Laquintinie de Douala au Cameroun.
Ainsi, un certain nombre d’autres laboratoires qualifiés ont donc vu le jour avec une certaine célérité dans un certain nombre de pays, administrant la preuve que la volonté et la détermination politiques sont les seuls ingrédients manquant pour que nos laboratoires et nos chercheurs jouent pleinement leur rôle et rivalisent avec leurs homologues du nord.
Fabrication de comprimés
Au même moment ressuscitaient dans certains pays aussi des usines qui, naguère, fabriquaient des médicaments avant d’être contraintes à l’arrêt ou à une baisse de régime face à la dictature des médicaments importés.
Le 26 mars, le Burkina Faso annonçait par exemple la réhabilitation de l’unité U-Pharma de l’IRSS (l’Institut de recherche en sciences de la santé) en vue de la production de la chloroquine et du paracétamol avec une capacité de production envisagée de 200 000 comprimés par jour pour chacun.
Idem au Cameroun où les autorités ont décidé début avril de relancer une usine qui, depuis 15 ans, fonctionnait au ralenti avec une production de 250 comprimés de chloroquine par jour. Tandis qu’au Sénégal, le gouvernement projette de restaurer les activités de Médis Sénégal, entreprise spécialisée dans la fabrication de comprimés, dont la chloroquine, et qui était à l’arrêt depuis quelques temps.
Ces exemples font de la COVID-19 l’agent qui aura, bon gré, mal gré, déclenché la relance de l’industrie pharmaceutique en Afrique afin de réduire la dépendance du continent vis-à-vis de l’extérieur en matière de médicaments.
Occasion idéale également pour se soustraire à l’importation systématique des cache-nez et masques chirurgicaux qui peuvent désormais être fabriqués localement pour peu que les industries textiles existantes soient mises à contribution.
L’on peut s’attendre logiquement à ce que la pandémie actuelle débouche sur un grand bond des pays africains dans le champ de l’autonomie scientifique, thérapeutique et pharmaceutique
C’est ce qu’essaie de faire le gouvernement camerounais qui, face à la pénurie de ces produits, a signé, mi-avril, un contrat avec la société d’État dénommée Cotonnière industrielle du Cameroun (CICAM) en vue de la production locale de 15 millions de masques stérilisés par mois. Et pourquoi ne pas en profiter pour manufacturer sur place aussi des moustiquaires?
Médecine naturelle
Ces différentes initiatives devraient en tout cas aider à créer ou préserver des emplois tout en permettant la baisse des prix de certains médicaments et matériels médicaux aussi bien que l’orientation vers d’autres projets de développement d’une partie des fonds souvent alloués à l’importation de ces articles.
Last but not least, les difficultés et la polémique autour du traitement de la COVID-19 ont provoqué un peu partout sur le continent un regain d’intérêt pour la médecine naturelle. Avec une consommation accrue de certains aliments comme le gingembre, le citron et l’ail dont les propriétés antimicrobiennes ne sont plus à démontrer.
Un médicament à base de plantes subit d’ailleurs actuellement des essais cliniques au Bénin et au Burkina Faso tandis qu’un autre est déjà utilisé à Madagascar, au Cameroun et ailleurs, partout avec des résultats très encourageants.
L’Organisation mondiale de la santé a beau formuler des réserves; mais, en Afrique où l’hécatombe annoncée n’aura finalement pas eu lieu, il va être difficile de dissuader les gens d’un retour vers les plantes ; accélérant un processus qui, il est vrai, était déjà amorcé.
Fort de tout cela, l’on peut s’attendre logiquement à ce que la pandémie actuelle débouche sur un grand bond des pays africains dans le champ de l’autonomie scientifique, thérapeutique et pharmaceutique.
A condition, bien entendu, que cette maladie à coronavirus 2019 n’entraîne pas avec elle ces précieux acquis au moment de retomber.
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