
Les priorités du Sénégal en matière de coopération internationale « La politique étrangère du Sénégal est une politique dont les principales logiques sont très anciennes. En effet, elle vise dans un premier temps à renforcer les relations entre le Sénégal et ses partenaires traditionnels et dans un second temps entretenir des relations de plus en plus soutenues avec de nouveaux pays émergents. Depuis l’indépendance, le Sénégal a toujours eu une politique plus ou moins volontariste selon les époques. Ceci dans le but d’entretenir des relations étroites avec un nombre important de pays, notamment avec les pays européens, les Etats-Unis, les pays asiatiques et les pays du Moyen-Orient. Avec l’émergence des nouveaux partenaires comme la Turquie, ou encore la Chine, certains pays africains notamment le Maroc, œuvrent pour entretenir avec ces pays des relations importantes. Le Sénégal s’inscrit également dans cette perspective afin d’entretenir des relations cordiales avec ces pays émergents. Depuis l’indépendance, le constat est que la politique étrangère sénégalaise ne varie pas selon les régimes. Cependant, il y a eu quelques ruptures notamment en 2015 au niveau du Conseil de sécurité, lorsque le Sénégal a soutenu une résolution condamnant Israël. Mais, le regret est qu’aujourd’hui, la politique étrangère sénégalaise est moins africaine. En effet, le volontarisme du gouvernement sénégalais en faveur de l’Afrique a connu une régression par rapport à ce qu’avait entrepris Abdoulaye Wade. Il faut renforcer la politique étrangère pour l’orienter davantage vers les pays africains. Le Sénégal néglige un peu sa politique africaine alors qu’il est possible d’avoir des perspectives très intéressantes au niveau politique et économique si on intègre le maximum de pays africains, en particulier les pays voisins. Les défis liés à la politique étrangère du Sénégal Le Sénégal est confronté à de nombreux défis en matière de politique étrangère et de relations internationales. Le premier problème est commun à tous les pays africains. Il est lié au paradigme économique notamment le développement et la politique économique. De nombreux États africains, dont le Sénégal, se tournent vers la coopération internationale comme solution principale pour résoudre les problèmes économiques de l’Afrique. Il faut mettre en place un nouveau paradigme afin que les coopérations économiques ne soient pas à sens unique, où l’aide est au centre de la dynamique. C’est la raison pour laquelle, il faut privilégier la coopération économique intra-africaine, car elle offre beaucoup de perspectives. Il est crucial qu’au niveau africain et sénégalais, la politique étrangère se tourne résolument vers l’Afrique. Cela étant, il faut continuer à raffermir les liens entre le Sénégal et les autres pays, en particulier les pays de la triade dont le Japon, Etats-Unis et l’Union européenne. Mais aussi avec la Chine, la Russie etc. Le Sénégal doit dialoguer avec tout le monde, mais il doit particulièrement échanger d’un point de vue politique et économique avec ses partenaires africains.
Le Sénégal néglige un peu sa politique africaine alors qu’il est possible d’avoir des perspectives très intéressantes au niveau politique et économique si on intègre le maximum de pays africains, en particulier les pays voisins
Les initiatives pour aborder les enjeux régionaux et continentaux La priorité pour le prochain Président serait de reprendre les initiatives de « volontarisme ». Le Sénégal a malheureusement cessé de le faire depuis le départ d’Abdoulaye Wade. Le volontarisme n’était pas toujours suivi d’effets concrets, mais on peut néanmoins reconnaître ses efforts pour renforcer les liens entre les pays africains et pour promouvoir une politique africaine plus pertinente et efficace. Selon moi, le prochain Président doit avoir pour mission de renforcer non seulement l’intégration africaine, mais aussi la perspective de l’unité africaine dans le cadre du Plan d’action formulé par l’Union africaine, l’Agenda 2063. D’un point de vue africain, il faut reprendre l’initiative de « volontarisme » non seulement en matière de la coopération internationale, mais aussi pour résoudre les problèmes de sécurité des pays ouest africains dans le cadre de la CEDEAO. Le prochain Président sénégalais doit prendre des initiatives à l’échelle continentale afin que la question de la sécurité collective soit une réalité en Afrique. Le Sénégal dispose des moyens nécessaires pour réaliser cette ambition, notamment sur le plan diplomatique, ce qui est de l’intérêt du pays, mais également celui de toute l’Afrique. Traditionnellement, le Sénégal a pris des initiatives sur le plan africain, notamment sous les présidences de Senghor, de Diouf et plus récemment du président Abdoulaye Wade. J’attends que le prochain Président s’inscrive dans cette perspective pour avoir une politique étrangère résolument tournée vers l’Afrique. Le prochain Président sénégalais devrait être plus présent sur le continent africain que ses prédécesseurs. Les reformes pour améliorer l’enseignement supérieur et le système éducatif au Sénégal Il est essentiel de revoir notre approche éducative en adoptant une politique publique éducative clairement définie, lisible et dotée d’objectifs précis. Nous avons pour le moment un programme éducatif et une politique éducative qui ne sont pas déconnectés du paradigme colonial. Il faut une école véritablement sénégalaise, mais qui prend en compte les logiques de la géopolitique. D’un point de vue géopolitique, il faut mettre en place une stratégie, une politique éducative qui tienne compte à la fois de l’environnement international et de l’environnement national. Cet environnement international, où la science prédomine, est de plus en plus compétitif. Il faut adapter l’enseignement éducatif notamment au niveau du primaire, secondaire et universitaire aux enjeux du monde actuel.
Le prochain Président sénégalais doit prendre des initiatives à l’échelle continentale afin que la question de la sécurité collective soit une réalité en Afrique
L’éducation nationale sénégalaise doit trouver des ressources de financement propres. Pour une politique éducative stratégique, il est indispensable de ne pas dépendre uniquement de l’aide ou de la coopération internationale. Il faut trouver des ressources propres pour un enseignement qui prenne en compte les dynamiques internes, mais aussi les enjeux internationaux. Par ailleurs, il est essentiel de dépolitiser l’enseignement supérieur. L’Université de Dakar est fermée pour des considérations strictement politiques. Il faut déconnecter l’école de la politique. Bien que l’État élabore un cadre stratégique et une politique éducative ces derniers doivent être déconnectés des enjeux politiques. Il faut éviter une politisation de l’administration des écoles et de l’administration des universités. Il y a une nécessité d’amélioration des conditions de vie et de travail des enseignants. Au de-là des salaires, il y a un besoin d’infrastructures, notamment en termes d’écoles, d’universités et de laboratoires. Il faut mettre en place une stratégie visant à proposer des infrastructures de qualité mais ceci avec des financements propres. Enfin, il me semble que d’un point de vue africain, il faut élargir le champ de recherche pour que les écoliers et les étudiants soient en phase avec le reste de l’Afrique. Cela renforcera non seulement l’intégration africaine, mais aussi la perspective de l’unité africaine. Les priorités globales nationales pour assurer le bien-être des populations La première priorité est de réduire le train de vie de l’État. Les Sénégalais comprennent de moins en moins les dépenses excessives de l’État, en particulier celles des hauts fonctionnaires de l’administration. Dans un pays aussi pauvre comme le Sénégal, il est inconcevable que les privilèges accordés à l’État soient en décalage avec la réalité quotidienne des populations. Il est impératif de réduire considérablement ces dépenses afin de réaliser des économies pouvant être réinvesties ailleurs. La deuxième mesure importante concerne la réforme des institutions, en particulier la réforme de l’institution du Président de la République. Les tensions actuelles sont liées au fait que le Président de la République concentre à lui tout seul l’essentiel des pouvoirs. Dans un système qui se rapprocherait davantage du système parlementaire, on parviendrait peut-être à réduire les pouvoirs du Président de la République et procéder à un rééquilibrage entre les pouvoirs. Dans une démocratie libérale, il est inconcevable qu’un Président de la République détienne autant de pouvoirs dans le cadre du régime politique sénégalais. Aujourd’hui, la question centrale au Sénégal est celle des élections. Mais les populations ne sont pas informées sur le jour de son déroulement. D’où la nécessité de mettre en place une autre République sur le plan institutionnel, par le biais de réformes qui vont véritablement consolider la démocratie. En effet, la démocratie sénégalaise est en crise. Il est crucial de revitaliser cette démocratie par des réformes institutionnelles afin d’éviter l’instrumentalisation de l’administration et de la justice. Une autre mesure consiste à mettre en place une véritable politique économique endogène. Le Plan Sénégal émergent est orienté vers l’extérieur, or il n’est pas possible pour un pays de se développer avec un paradigme étranger. Il est crucial d’adopter des paradigmes nouveaux et originaux et d’éviter une politique économique axée uniquement sur l’exportation ou l’import-substitution. Il faut envisager une stratégie économique qui ne dépende pas uniquement des partenaires étrangers notamment des institutions financières internationales ou des bailleurs multilatéraux. Enfin, il est inéluctable de réfléchir à une coopération interafricaine. Bien que la coopération internationale soit importante, une coopération plus étroite avec les pays voisins et d’autres nations africaines pourrait être particulièrement bénéfique pour le Sénégal. Cela impliquerait une réflexion sur des projets d’intérêt commun, notamment dans les domaines des infrastructures et des stratégies économiques, afin que la politique économique soit davantage africaine. »
