
Les principales priorités de réformes dans les politiques publiques « Il faut mettre l’accent sur des réformes et des politiques publiques dans les domaines de l’éducation. En effet, l’éducation est un ensemble. Elle comprend à la fois l’éducation scolaire et universitaire, ainsi que l’éducation à la citoyenneté, ou encore à l’humanisme. L’éducation à la citoyenneté mérite un volet spécifique, afin que les gens retrouvent le lien qu’ils ont avec leur nation, avec leur République, voire avec leur terre tout simplement. Les événements récents, notamment les manifestations témoignent du détachement des gens vis-à-vis de la nation ; il s’agit donc de réencadrer de manière assez stricte et rapide ce rapport à la nation. Il faut également apporter une ouverture au monde dans l’éducation par le biais des cours de géopolitique, ou encore de sécurité. Il faut par exemple éduquer les enfants dès le plus jeune âge sur la sécurité notamment numérique, les informer sur les nouvelles technologies comme l’intelligence artificielle. Par ailleurs, l’éducation permet également de mettre l’accent sur la responsabilisation des citoyens. Il s’agit de rappeler les droits et devoirs que les gens ont vis-à-vis de l’État, et principalement les devoirs, en termes de don de soi, de partage, et de civilité dans l’espace public. Finalement, il convient de voir au-delà de politiques axées uniquement sur l’éducation et de les englober dans un ensemble concernant la prise en charge de la jeunesse par l’État, en veillant à leur bien-être. Ces politiques s’inscrivent dans une vision globale de ce qu’est et doit être la démocratie, allant au-delà de la simple démocratie électorale. L’émotion a quitté l’espace public, il s’agit dorénavant de la remettre au centre des politiques. L’empathie constitue la base de toute construction politique, des politiques éducatives, économiques, sociales, et il semble important d’en refaire une priorité. Il faut également revoir la place du religieux dans la société sénégalaise d’aujourd’hui. Il a une place prépondérante. La troisième réforme majeure tourne ainsi autour de la religion, qu’elle soit musulmane, chrétienne, ou toute autre religion présente sur le territoire ouest-africain. Concernant le volet sécuritaire, il faut revoir le rapport entretenu avec les forces de défense et de sécurité. En effet, il n’y a plus de respect entre les citoyens et les forces de l’ordre. Il faut donc mettre en place une politique de sécurisation au niveau interne, en réintroduisant les concepts de sacralité du corps humain, de dignité humaine, afin de remettre en ordre les relations à l’échelle du Sénégal. À l’échelle régionale, il s’agit de mettre en place des politiques multilatérales et non étatiques. Il faut instaurer des outils, des moyens de réflexion et revoir les instruments déjà existants, notamment ceux mis en place par la CEDEAO, et ceci de concert avec les autres États de la région. Il faut également intégrer une nouvelle approche englobant plus les populations, afin de faire face ensemble aux difficultés. Cette approche peut se faire à la fois de façon top-down, du niveau institutionnel vers les populations, ainsi qu’inversement, mais aussi de manière horizontale, en intégrant les organisations communautaires et non gouvernementales dans les réflexions. Le quatrième point de débat et de réforme concerne les institutions. En effet, la manière dont se sont déroulées ces élections, notamment avec le report des élections de manière arbitraire questionne sur le caractère démocratique des institutions. Il faut revoir le présidentialisme et rééquilibrer les pouvoirs entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire. Il faut mettre en place des réformes de fond, à propos notamment de la clarté et de la lisibilité de la Constitution en tant que texte fondamental. La mise en œuvre efficiente et efficace des réformes Les organisations de la société civile doivent jouer le rôle des contre-pouvoirs en veillant à la mise en œuvre des propositions de réformes, notamment concernant les réformes institutionnelles. Il faut que leur mise en œuvre se fasse de concert avec les organisations de la société civile ainsi qu’avec la population elle-même. L’efficacité correspond aux effets que ces réformes auront sur les populations de manière générale, ainsi que leur capacité à s’inscrire dans la durée. L’implication des femmes dans les instances de décision Les femmes ont très tôt été écartées des arènes politiques partout en Afrique et dans le monde. Par contre, l’Afrique a même été l’un des continents les plus avancés dans le domaine de l’inclusion de la femme au niveau politique. Après avoir été longtemps occultées des espaces politiques, le chemin pour revenir est long et compliqué. Les sociétés africaines sont devenues très phallocrates, puisqu’aujourd’hui les grandes discussions concernant l’avenir du pays et du continent se font sans les femmes. Par exemple, les partis politiques qui représentent les organisations permettant l’accès au pouvoir, ne permettent pas aux femmes d’occuper des places importantes. Elles ne prennent pas part aux prises de décision importantes qui ont généralement lieu tard dans la nuit au moment où les femmes sénégalaises se sentent obligées de rentrer chez elles pour s’occuper de leurs enfants et de leurs foyers. Elles sont ainsi d’office exclues des cercles de réflexion et de décision. La présence d’une femme aux élections présidentielles marque un petit pas en avant dans la représentation des femmes sur la scène politique. Cependant, cette candidature pose des questions, car elle répète des schémas à savoir une candidate issue d’une certaine catégorie sociale. Ainsi, de nombreuses femmes se retrouvent exclues, car elles ne disposent pas des outils financiers qui leur permettraient de se présenter sur la scène politique, notamment lors d’élections. La politique nécessite aujourd’hui beaucoup de moyens financiers, et cela n’est pas à la portée de la majorité des femmes, notamment en Afrique.
Il faut sortir de la politisation des politiques publiques, dans le but de les rendre plus utiles, plus efficientes, plus efficaces, afin que ceux pour qui elles sont mises en place les ressentent et les sentent utiles
Les priorités nationales pour assurer le bien-être des populations La question de la cherté de la vie touche aujourd’hui pratiquement tout le monde au Sénégal. Cette cherté de la vie questionne notamment sur l’existence véritablement d’une classe moyenne. Il existe effectivement une classe privilégiée, mais qui ne dépasse pas les 10% de la population. Il faut également revenir sur la question de la confiance, notamment entre les êtres humains. La question du manque de confiance entre les gens peut expliquer tout un mal économique, politique, et juridique. Il faut également souligner l’importance du respect du corps humain, et le mettre en avant, car cela représente un fondement de la démocratie. Économiquement, il faut revoir l’exploitation des ressources du pays, notamment le gaz et le pétrole, afin que cela ait un véritable impact sur le niveau de vie des populations. La jeunesse mérite également d’être érigée en priorité nationale. Celle-ci représente la chance de l’Afrique, c’est pourquoi il faut réfléchir à ce que les États doivent à la jeunesse, à savoir une éducation, une formation, et une professionnalisation. Il faut donc revoir toute l’éducation nationale, l’enseignement supérieur, afin de rendre effectives toutes les formations par rapport à ce que demande aujourd’hui le marché du travail. Il faut faire renaître l’espoir parmi la population, afin que celle-ci n’ait plus envie de quitter le pays au péril de leur propre vie. Il faut donc se saisir des problèmes en amont, créer des moyens pour que les gens s’en sortent. Redonner de l’espoir à la jeunesse passe notamment par le fait d’ouvrir des formations et d’offrir la possibilité à tous de suivre des études dans les domaines qui les intéressent, afin qu’ils puissent ensuite travailler dans leur pays et qu’ils aient le sentiment d’être utiles à leur communauté. Finalement, il faut sortir de la politisation des politiques publiques, dans le but de les rendre plus utiles, plus efficientes, plus efficaces, afin que ceux pour qui elles sont mises en place les ressentent et les sentent utiles. »
