Auteur : Amnesty International
Type de publication : Rapport
Date de publication : 2018
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La commission nationale des droits de l’homme
Bien que le Tchad ait accepté les recommandations visant à accélérer l’adoption d’un projet de loi pour réformer et renforcer la Commission nationale des droits de l’homme , cette loi portant réforme de la Commission n’a été adoptée que le 8 décembre 2017 et promulguée le 30 décembre 2017.
Aux termes de la nouvelle loi, la Commission est considérée comme un organe administratif indépendant dont le mandat est de promouvoir et de protéger les droits humains. Elle est également chargée d’engager des enquêtes sur les cas de violations des droits humains .
Peine de mort
Suite aux recommandations acceptées en 2013 , le Code pénal a été révisé en 2017 abolissant la peine de mort, mis à part pour les cas de « terrorisme ». Avant son adoption, 10 membres présumés de Boko Haram avaient été condamnés à mort le 28 août 2015 lors d’un procès tenu à huis clos. Ils ont été fusillés le jour suivant.
Protection des défenseurs des droits humains et des journalistes
En 2013, le Tchad a rejeté toutes les recommandations concernant la protection des défenseurs des droits humains et des journalistes, lesquelles visaient notamment à leur permettre d’agir librement dans un environnement sûr et d’être à l’abri d’une arrestation arbitraire ou d’une manœuvre d’intimidation.
Au cours de ces trois dernières années, la situation en matière de droits humains s’est dégradée sur fond d’élections présidentielles vivement contestées, d’attaques de Boko Haram, de grave crise économique déclenchée par une forte chute des cours du pétrole brut et d’absence de diversification économique. Le Tchad est par ailleurs confronté à un engagement militaire accru face aux multiples menaces en matière de sécurité, à l’accueil de plus de 449 000 réfugiés et aux énormes problèmes d’évasion fiscale et de corruption existant depuis longtemps.
Le mécontentement politique et économique ayant augmenté au cours de cette période, les citoyens et les organisations ont de plus en plus exprimé leur opposition. Les autorités ont réagi en interdisant les manifestations de même qu’en arrêtant, poursuivant et intimidant les opposants au gouvernement, y compris les défenseurs des droits humains et les journalistes.
Liberté de réunion pacifique et d’association
Bien que le Tchad ait accepté les recommandations pour que sa législation soit conforme au droit international et aux normes internationales , il ne l’a pas fait. Aucune modification n’a été apportée à la législation nationale relative au droit d’association et de réunion pacifique pour la rendre conforme avec les obligations qui incombent au Tchad au titre du droit international. En 2016, le Tchad a émis au moins 13 décrets ministériels interdisant des manifestations.
Droits à l’éducation et à la santé
En 2013, le gouvernement du Tchad s’est engagé à financer en priorité le secteur social, comme la santé et l’éducation, et à redoubler d’efforts pour améliorer l’accès et la qualité des services de santé et d’éducation.
Toutefois, depuis l’annonce de la crise économique en 2015, le gouvernement a pris plusieurs mesures d’austérité qui ne respectent pas les obligations minimums en ce qui concerne les droits économiques, sociaux et culturels, notamment par rapport aux soins de santé, à l’éducation et à un niveau de vie suffisant (voir aussi ci-dessous).
Impunité pour les violations des droits humains
Bien que le Tchad se soit engagé en 2013 à lutter contre l’impunité10 , il n’a pas poursuivi les responsables présumés d’actes d’intimidation ou de menaces, d’arrestations arbitraires, de disparitions forcées, d’actes de torture et d’autres mauvais traitements ou d’homicides (voir également ci-dessous).
Cadre national de protection des droits humains liberté de réunion pacifique et recours à la force
Les autorités se sont régulièrement appuyées sur l’ordonnance n°45/62 relative aux réunions publiques et sur le décret n°193/62 portant réglementation des manifestations sur la voie publique pour interdire les manifestations pacifiques et arrêter les manifestants qui y prennent part en les poursuivant pour « trouble à l’ordre public » ou « d’incitation à organiser un attroupement non armé ou à y prendre part ».
Des manifestants pacifiques ont aussi été condamnés à des peines de prison pour des chefs d’inculpation prévus dans le Code pénal .Les lois nationales exigent que les manifestations obtiennent des autorisations préalables et interdisent les rassemblements spontanés.
Médias et liberté d’expression
Le Code pénal sanctionne « l’outrage envers les autorités publiques », notamment les membres du gouvernement, de l’Assemblée nationale ou de la magistrature, « fait par paroles, écrits ou dessins, par gestes ou par l’envoi d’objets quelconques ».
Le Code pénal sanctionne de tels actes « d’outrage », un terme qui n’est pas correctement défini dans la loi, avec une peine pouvant aller jusqu’à trois ans de prison et une amende qui ne dépassera pas 250 000 francs CFA (450 dollars des États-Unis).
La loi n°10-017 2010-08-31 PR relative au régime de la presse contient des dispositions érigeant en infraction la « diffamation » qui s’entend comme « toute imputation d’un fait précis qui est de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération d’une personne ou d’un corps constitué ». Elle est punie d’une amende qui varie entre 10 000 francs CFA (18 dollars des États-Unis) et 500 000 francs CFA (900 dollars des États-Unis) et d’une suspension du média d’une durée ne dépassant pas trois mois .
Restrictions sur la liberté d’association et sur le droit de constituer des syndicats et d’y adhérer
Le 6 janvier, le ministre de l’Administration territoriale a interdit les activités du Mouvement d’éveil citoyen (MECI), qui regroupe des organisations de la société civile, des syndicats et des partis politiques, lesquels militent contre la mauvaise gestion des fonds publics et qui demandent une démocratisation.
Le ministre a qualifié ce mouvement de « contre nature » et l’a décrit comme « dépourvu de tout fondement juridique ».Le 27 mai 2017, la police a interrompu l’assemblée générale du MECI et a empêché sa poursuite. En janvier 2017, les autorités se sont immiscées dans les affaires internes du Syndicat national des enseignants chercheurs du supérieur (SYNECS) afin d’obtenir la destitution de son président et de mettre fin à la grève organisée en octobre 2016 pour protester contre les mesures d’austérité et le non-paiement des salaires.
Le même mois, des visas ont été refusés à des représentants de l’Organisation de l’unité syndicale africaine, de la Confédération syndicale internationale et de la Confédération générale du travail, entravant la collaboration internationale des syndicats .
Torture et autres mauvais traitements
Nadjo Kaina et Bertrand Solloh, dirigeants du mouvement citoyen IYINA (« Nous sommes fatigués » en arabe tchadien), ont respectivement été arrêtés les 6 et 15 avril 2017, par des agents de l’ANS pour avoir appelé les Tchadiens à porter du rouge le 10 avril, date anniversaire de l’élection présidentielle de 2016 afin de protester contre la corruption et l’impunité.
Ils ont été détenus par l’ANS sans possibilité d’entrer en contact avec leurs familles et leurs avocats, avant d’être livrés à la police judiciaire. Inculpés de tentative de conspiration et d’organisation d’un rassemblement non autorisé, ils ont été condamnés à six mois d’emprisonnement avec sursis.
Les deux hommes ont indiqué avoir été torturés en détention, notamment étouffés au moyen de sacs en plastique contenant du piment . Le 19 février 2018, Alain Didah Kemba, porte-parole du mouvement de la jeunesse IYINA, a été arrêté et placé en garde à vue au siège du commissariat central de N’Djamena parce qu’il aurait dirigé des manifestations contre les mesures d’austérité.
D’après le porte-parole de la police, Alain Kemba Didah a été interpellé, car un commandant de police l’aurait vu, une bouteille d’essence à la main, alors qu’il s’apprêtait à mettre le feu à un tas de pneus. Alain a démenti ces accusations.
Pendant sa détention, il n’a pas été autorisé à communiquer ni avec son avocat ni avec sa famille. Il a déclaré à Amnesty International avoir été torturé par des policiers, y compris par leur supérieur, qui l’auraient frappé sur la plante des pieds et les articulations.
L’avocat a expliqué à Amnesty International que son client pouvait à peine se tenir debout tant il souffrait de ses pieds. Le 23 février 2018, Alain a été transféré à la police judiciaire et le même jour le procureur de N’Djamena l’a remis en liberté sous caution pour des raisons médicales. Après une audition, toutes les charges ont été abandonnées le 26 février. Toutefois, aucune enquête n’a été engagée sur les allégations de torture le concernant.
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