Auteurs : Tignino M., Sangbana K.
Organisation affiliée: Geneva Water Hub
Site de publication: genevawaterhub.org
Type de publication: Rapport
Date de publication: Janvier 2016
Introduction
La maîtrise et l’exploitation rationnelle des ressources en eau font partie des principaux facteurs d’incitation à la coopération dans les bassins des fleuves Niger et Sénégal. Pour ce faire, les États riverains ont reconnu très tôt l’existence d’une communauté d’intérêts et de droit autour des ressources partagées et son corollaire, l’approche de gestion commune et intégrée de ces ressources. De ce contexte a émergé l’idée des ouvrages communs et du partage des bénéfices comme moyen de concrétisation de la communauté d’intérêts dans ces deux bassins. L’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS) a ainsi mis en place à partir de 1978 un régime juridique particulier avec l’adoption d’instruments spécifiques relatifs à la gestion et l’exploitation d’ouvrages communs. À ce jour, ce régime constitue un exemple emblématique et unique de coopération en matière d’utilisation des eaux d’un cours d’eau international à des fins hydroélectriques, agricoles et de navigation. Au niveau de l’Autorité du bassin du Niger (ABN), à partir de 2002, les États du bassin Niger ont décidé d’entamer un processus appelé « Vision partagée » dont l’un des résultats serait la détermination d’un régime applicable aux infrastructures dans le fleuve Niger. La « Vision partagée » consiste en une vision d’ensemble du développement du bassin, négociée et acceptée par l’ensemble des États membres et autres acteurs, usagers des ressources du bassin. En pratique, le processus de « Vision partagée » a été initié afin de répondre aux exigences du paradigme dominant de la gestion intégrée des ressources en eau tel que promu à l’échelle universelle.
Statut des ouvrages dans les bassins du Sénégal et du Niger
Selon l’article 2 de la Convention de Bamako de 1978, est considéré comme ouvrage commun tout ouvrage faisant l’objet d’un instrument juridique déclarant cet ouvrage « propriété commune ». La Convention précise en outre qu’« on entend par instrument juridique, une convention ou une résolution adoptée par une instance délibérante de l’Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve Sénégal ». Ainsi, un processus conventionnel ou l’adoption d’une résolution est nécessaire pour qu’un ouvrage soit déclaré « commun ». La Convention de Bamako de 1978 procède à une énumération précise, mais non limitative, des ouvrages communs. Sont déclarés comme ouvrages communs « le barrage de Manantali, le barrage de Diama, le port fluvio-maritime de Saint-Louis, le port fluvial de Kayes, les escales portuaires et les ouvrages d’aménagement du chenal navigable, les ouvrages annexes et accessoires » (art. 3).
La « propriété commune et indivisible » sur les ouvrages est également matérialisée à travers l’institution d’un mécanisme de financement et d’un mécanisme de gestion particulier de ces ouvrages. Sur le plan financier, les États membres de l’OMVS sont ainsi co-garants du remboursement des emprunts contractés par l’Organisation pour la réalisation ou le fonctionnement des ouvrages commun. Ceci emporte l’obligation pour chaque État co-garant de contribuer aux finances de l’Organisation pour les besoins du service de la dette contractée pour la réalisation ou le fonctionnement des ouvrages communs en cas de ressources insuffisantes de l’Organisation pour lui permettre d’honorer ses obligations à échéance (art. 10). Ils sont tenus de prendre toutes mesures appropriées pour verser à l’Organisation, avec suffisamment de temps, les fonds nécessaires à cet effet (art. 10). Tout État qui enfreint cette obligation supportera entièrement toutes les charges financières découlant de ce retard (art. 13).
Dans le bassin du Niger, bien que les questions liées aux infrastructures aient nourri les premières discussions sur la nécessité de l’institutionnalisation de la coopération, le régime applicable aux infrastructures est moins dense et sa matérialisation à l’heure actuelle est toujours en cours. À la différence du cas du Sénégal, il n’existe à ce jour aucun instrument international qui soit spécifiquement dédié à la question. Mais des dispositions permettant d’observer les contours du régime figurent dans les instruments adoptés dans le cadre du processus de « Vision partagée » lancé en 2002, en l’occurrence le Plan d’action de développement durable du bassin du Niger (PADD) adopté en 2007 et la Charte de l’eau du bassin du Niger de 2008.
Le partage des bénéfices dans les bassins du Sénégal et du Niger
Le concept du partage des bénéfices joue un rôle important dans la coopération entre les États riverains et la gestion des ouvrages hydroélectriques dans les bassins du Sénégal et du Niger. Le principe de « propriété commune et indivisible » qui régit les ouvrages communs dans le bassin du Sénégal implique un partage des bénéfices entre tous les États membres de l’OMVS. Ce partage consiste à s’assurer notamment que les bénéfices directs générés par les aménagements soient répartis de telle sorte à équilibrer la part des bénéfices reçus et la part des investissements concédés au niveau de chaque État. Le partage des bénéfices est organisé sur une base équitable. Cette base équitable consiste généralement à mettre en parallèle les coûts d’investissement et les bénéfices directs tirés des ouvrages.
Le principe de « propriété commune et indivisible » qui régit les ouvrages communs dans le bassin du Sénégal implique un partage des bénéfices entre tous les États membres de l’OMVS
Il est énoncé notamment dans l’article 12.1 de la Convention de Bamako de 1978, qui dispose que « les coûts d’investissement et les charges d’exploitation sont répartis entre les États copropriétaires sur la base des bénéfices que chaque État copropriétaire retire de l’exploitation des ouvrages communs ». Le calcul de répartition se fait selon des clés de répartition sectorielles élaborées d’un commun accord entre les États. Cette base équitable a une incidence directe sur le mécanisme de financement des ouvrages communs, par exemple. Ainsi, la contribution des États membres de l’OMVS à titre de co-garant au remboursement des emprunts contractés par l’organisation est effectuée au prorata de leur participation aux coûts et charges desdits ouvrages. De même, l’engagement direct et conjoint de chaque État membre d’emprunt pour la réalisation et le fonctionnement des ouvrages communs est limité à la part de sa participation aux coûts et charges.
Le partage des bénéfices et les populations locales
Les mécanismes institutionnels conjoints entre les riverains, tels l’OMVS et l’ABN, fournissent un cadre juridique de coopération qui peut contribuer à réduire les risques liés à la construction de barrages. Ce cadre juridique et institutionnel permet une redistribution de bénéfices en tenant compte de l’ensemble des États qui partagent un cours d’eau international. Ces mécanismes permettent également une protection de bénéfices dits « immatériels » liés aux droits des populations locales qui risquent d’être affectés par la construction de barrages. Ainsi un rapport de l’Institut international pour l’environnement et le développement note que l’OMVS « est fortement engagée dans la protection de l’environnement » suite à la construction de deux grands barrages, Manantali et Diama, et l’ABN suit la même direction en visant l’amélioration des conditions de vie par l’exécution de projets hydroélectriques tels que le barrage de Kandadji.
Discussion
Le statut des ouvrages et le partage des bénéfices présentent des traits communs et des points divergents dans les bassins du Sénégal et du Niger. Sur les éléments convergents, l’on notera un recours privilégié au statut d’ « ouvrage commun ». Cette technique juridique apparaît comme un outil singulier de concrétisation de la communauté d’intérêts sur ces deux bassins. Traduisant un degré élevé de coopération autour des ressources en eau partagées, les ouvrages communs renforcent l’esprit de gestion commune et contribuent à une meilleure répartition des bénéfices entre les États. Un autre élément de convergence est la base équitable de répartition des bénéfices entre les États qui consistent à mettre en parallèle les coûts d’investissement et les bénéfices tirés des ouvrages. Cette équité participe au respect de l’utilisation équitable et raisonnable qui préside la gestion des ressources en eau transfrontières.
Bien que souvent cités conjointement, la gestion des ouvrages de l’OMVS et de l’ABN se singularisent l’une de l’autre. Le premier élément de divergence réside dans le degré de concrétisation du régime de gestion commun des ouvrages entre les deux États. Dans le cadre du bassin du Sénégal, le nombre relativement limité des États a contribué au développement du régime applicable aux ouvrages communs.
Un deuxième élément de divergence a trait à la technique de répartition des bénéfices. Dans le cadre de l’OMVS, les bénéfices directs et indirects sont opérés entre tous les États membres du bassin même si le cas de la Guinée est encore en suspens. Selon le Traité d’adhésion de la Guinée à l’OMVS de 2006, la Conférence des Chefs d’État et de gouvernement statuera sur la clé d’imputation des bénéfices des ouvrages communs (art.6). Par contre, dans le cadre du bassin du Niger, deux cas de figure sont à distinguer.
Un élément qui est commun à la gestion des deux fleuves est relatif à la protection de l’environnement et la participation du public dans la gestion et l’exploitation d’ouvrages hydroélectriques. Avec la Charte des eaux du fleuve Sénégal de 2002, les États riverains ont consolidé la protection de l’environnement de ce bassin et ont mis en place des mécanismes pour assurer un meilleur suivi de l’environnement aquatique d’une part, et d’autre part pour associer les différents usagers du fleuve, notamment les populations locales, les décideurs politiques et les aménageurs techniques, à la gestion du fleuve.
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