Sovi L. Ahouansou
«L’homme n’existe que par la société et la société ne le forme que pour elle». Louis de Bonald
Avec la pandémie du nouveau coronavirus, connu sous le commun nom de Covid-19, la planète tremble, mais se mobilise. Elle a crée une situation de panique, certains travaillent sereinement (à l’image du professeur Didier Raoult en France), pendant que d’autres ne savent pas à quel saint se vouer. La confusion a gagné la communauté scientifique et certains de nos hommes politiques et dirigeants. C’est le cas du président Macron en France ou par exemple de celui du président américain Donald Trump, qui dans les premières semaines du mois de mars minimisait la pandémie.
Aujourd’hui, à en croire les statistiques, son pays (les Etats Unis) est l’épicentre de la Covid-19, avec plus de 100 000 décès. Au Brésil, c’est le président Bolsonaro qui veut jouer au “malin” en considérant la pandémie comme une «petite grippe». Mais aujourd’hui, il est rattrapé par la réalité des faits avec plus de 400 000 cas de contamination, y compris dans son gouvernement. Le Brésil a atteint la barre des 25 000 décès. Dans cette liste de nos autorités sceptiques ou de mauvaise foi, il faut ajouter le président Gurbanguly Berdymukhamedov du Turkménistan. À travers ses questionnements (“coronavirus?C’est quoi le coronavirus?”), non seulement il ne reconnait pas la pandémie, mais interdit aussi à ses concitoyens d’y penser avant même d’y croire.
Face à la situation, les femmes et les hommes, les plus sérieux s’activent pour sauver l’humanité de ce que nous pouvons pour l’instant qualifier du grand mal de ce début du 21e siècle. Nos braves du corps médical à travers la planète sont en première ligne. Des mesures sont prises d’un continent à l’autre pour endiguer la pandémie. Parmi ces mesures, le confinement. Comme pour montrer la gravité de la chose et face au nombre croissant de contagions, de malades et de victimes, on nous propose, et certainement de bonne foi: la distanciation sociale (Social Distancing pour les anglais).
Quelques définitions
Un rapide coup d’œil dans le Larousse nous apprend que la distanciation peut être définie comme l’action de «faire créer une distance entre soi et la réalité». Le mot “social” quant à lui fait référence aux «rapports entre un individu et les autres membres de la collectivité. Ou bien, tout ce qui concerne les relations entre les membres de la société ou l’organisation de ses membres en groupes, en classes».
En mettant ces deux mots ensemble, on peut comprendre que la distanciation sociale est le fait de créer une distance “entre soi et les réalités de la société” ou “entre soi et les autres membres de la collectivité”. Autrement dit,une manière de s’isoler de la société. Mais l’humain qui est un être social par excellence peut-il s’isoler de la société?
L’homme: un animal social
Aristote, qui avait déclaré que “l’homme est un animal social”, a depuis de nombreuses années, répondu à cette question quand il déclarait que«celui qui ne peut pas vivre en société, ou qui n’a besoin de rien parce qu’il se suffit à lui-même, ne fait point partie de l’État; c’est une brute ou un dieu».
En cette période particulière pour notre planète où une pandémie d’une ampleur sans précédent décime des populations, il est impérieux que l’humanité fasse preuve de ce qui la caractérise le plus: la vie en communauté. D’ailleurs, le philosophe russe Nicolas Berdiaev le signale bien lorsqu’il déclare que «la société ne fait qu’établir une communication entre les hommes du monde: elle est une organisation de la vie en masse».
Cette vie en communauté ne veut pas dire vivre physiquement ensemble côte à côte comme les éléphants de mer en période de froid. C’est ce qui fait peut-être dire à l’écrivain et artiste belge Georges Simenon «qu’il faut croire que l’homme a voulu vivre en société, puisque la société existe». C’est cette existence de la société qui fait que nous ne pourrions pas pratiquer une distanciation sociale telle énoncée.
La distanciation peut être définie comme l’action de «faire créer une distance entre soi et la réalité». Le mot social quant à lui fait référence aux «rapports entre un individu et les autres membres de la collectivité. Ou bien, tout ce qui concerne les relations entre les membres de la société ou l’organisation de ses membres en groupes, en classes»
Autrement, cela reviendrait à s’interdire de vivre ensemble, de communiquer et d’agir pour le bien-être commun. Ce qui a certainement inspiré le journaliste Philippe Bartherotte quand il affirme «qu’une société qui interdit à outrance pour protéger chacun contre soi est une société qui n’a pas une très grande idée de l’homme». Autrement dit, nous ne saurions être socialement distant des uns des autres, surtout en cette période de pandémie. Avec le corps médical en première ligne pour combattre la maladie, les chercheurs totalement impliqués dans la recherche de vaccins, sans oublier les autres corps de métiers qui les appuient.
L’humanité ne saurait pratiquer une distanciation sociale. Que deviendrons nos personnes vulnérables, les sans-abris, les abonnés des banques alimentaires, nos personnes âgées… Tout ce beau monde a besoin de communiquer, de se faire servir, et de se faire entendre, bref d’être «proche» pour échanger sans augmenter le risque de contamination. C’est-à-dire de socialiser. D’où la “distanciation physique” et non la “distanciation sociale”.
La distanciation physique et non la distanciation sociale
La distanciation sociale n’est pas ce qu’il nous faut en temps de crise et plus particulièrement en cette période de pandémie du coronavirus. Comme bon nombre de gens, je parlerai plutôt de “distanciation physique” au lieu d’utiliser le terme de distanciation sociale. Cette dernière me parait plus appropriée dans le contexte actuel de la pandémie de la Covid-19 dont la vitesse de contamination est l’une des plus rapides que l’humanité ait connue. La distanciation physique peut être comprise comme:
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Éviter les lieux de grand regroupement humain (stades, théâtres, restaurants,cinémas, transport en commun…)
- Éviter les poignées de mains et des accolades
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Se confiner le plus possible chez soi et se garder une distance d’environ 1 à 2mètres des autres membres de la famille
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Travailler de chez soi si possible ou rester a des distances raisonnables (1-2 m) deses collègues au bureau.
A l’heure d’Internet, il serait souhaitable de maintenir nos contacts et nos canaux de communication. Il ne faut pas oublier également les personnes qui ne peuvent utiliser ou échanger via les technologies de l’information. Nos personnes âgées par exemple qui sont dans les centres gériatriques, les sans-abris qui dépendent des banques alimentaires et autres personnes vulnérables de nos sociétés, auront toujours besoin de nous. Trouvons des moyens pour les assister et prouver notre “sociabilité” et notre “proximité sociale”. C’est cela la quintessence de notre humanité. Oui à la distanciation physique et non à la distanciation sociale.
Source photo : Deutsche Welle
Sovi L. Ahouansou a une formation multidisciplinaire en Sciences sociales et sciences naturelles. Nanti d’une expérience professionnelle dans le développement participatif, il a travaillé dans plusieurs pays en Afrique (Bénin, Côte-d’Ivoire, Guinée, Ghana) et en Europe (Suisse). Actuellement au Canada, il travaille dans le développement participatif avec les communautés locales sur plusieurs questions de développement, dont le renforcement des capacités, et les questions d’intégration en milieu minoritaire.