Auteur (s) : Pierre Cherruau
Organisation Affiliée : jeune Afrique
Type de Publication : Article
Date de Publication : octobre 2017
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Devenue célèbre et très influente grâce au succès de son blog, un mélange habile de « people », de faits divers et de politique, la Nigériane de 37 ans a lancé un réseau social à son nom. Elle prévoit de rémunérer les utilisateurs qui y posteront des vidéos et photos exclusives. Portrait.
A Lagos, qui ne la connaît pas ? Linda Ikeji est l’une des stars incontestées de la ville la plus peuplée d’Afrique et la plus connectée du Nigeria. « Avant même de boire un café ou un thé, pour bien des jeunes femmes, le matin, le premier geste au réveil c’est de se connecter à son blog », affirme Amaka Ugwu, étudiante à Lagos.
Linda Ikeji revendique un million de visiteurs par jour sur son blog. Elle a lancé l’année dernière un réseau social à son nom – Linda Ikeji Social – qui se veut une synthèse entre ce que fait Facebook et ce qui est visible sur son blog. Elle prévoit de rémunérer les utilisateurs qui y posteront des infos exclusives : des vidéos ou des photos. Essentiellement des informations people ou des faits divers.
Son blog est déjà un savant mélange entre le people, les faits-divers et la politique. Le prisme est nigérian, mais les informations viennent du monde entier. Ainsi un sujet sur Boko Haram côtoie un énième rebondissement dans la saga de la famille Kardashian, très suivie au Nigeria. La venue à Lagos de Kim Kardashian en 2013 avait mis la ville en émoi et avait permis à la star américaine d’augmenter encore un peu le périmètre de son compte en banque. Elle a encaissé 500 000 dollars pour une apparition de 45 minutes dans un hôtel de « Victoria Island », le quartier des affaires de Lagos.
Faire du clic
Ikeji publie des dizaines de posts par jour. Impossible qu’une star de Nollywood ne tombe enceinte ou ne se sépare de son petit ami sans qu’elle soit au courant. Impossible qu’une vedette de la « Naija musique » s’affiche au volant d’un nouveau bolide – de préférence une Porsche – dont il n’a pas encore payé les traites sans que la blogueuse ne l’apprenne. Il n’a pas non plus fini de payer la villa dans laquelle il a aménagée ? Ikeji le saura aussi. Un peu comme si elle avait placé sur écoute tous les « people » de cette ville de 22 millions d’habitants.
Pour elle, seule compte la nouvelle qui va faire parler et celle qui va faire cliquer. Le respect de la vie privée n’a jamais été sa préoccupation première. Quand elle n’a pas l’exclusivité d’une information, Ikeji n’hésite pas à s’approprier le travail des autres. Le respect de la propriété intellectuelle n’est pas davantage son obsession de tous les instants. Cette propension à effectuer des « copier – coller » lui a valu des démêler avec Google : en 2014, le moteur de recherche avait cessé pendant quelques jours de référencer son site.
Sentiment grisant de côtoyer les stars
Un site qui fascine d’abord parce qu’il donne aux jeunes femmes qui s’y connectent le sentiment de vivre avec les stars de Lagos et de partager leur intimité. Elles peuvent d’autant plus s’identifier à Ikeji qu’elle est d’extraction modeste. Originaire de la ville de Nkwerre dans l’Est, Ikeji est venue étudier à l’université de Lagos, la capitale économique du Nigeria, au début des années 2000. Elle en sort en 2004, diplômée en anglais.
Pour elle, seule compte la nouvelle qui va faire parler et celle qui va faire cliquer. Le respect de la vie privée n’a jamais été sa préoccupation première. Quand elle n’a pas l’exclusivité d’une information, Ikeji n’hésite pas à s’approprier le travail des autres
Sans argent, elle s’exerce à différents petits métiers pour vivre et aider sa famille restée dans le Sud-Est. Elle est notamment serveuse et fait un peu de mannequinat. Elle exerce déjà ses talents de rédactrice, mais trouve que le métier n’est pas assez bien rémunéré. Pour le plaisir, elle lance en 2006 un blog qu’elle rédige dans un cyber café.
Aujourd’hui, Ikeji est devenue un « rôle modèle » pour les jeunes « nigérianes ambitieuses ». Sur Twitter, elle est suivie par 1,75 million de personnes. Sur Instagram le nombre de ses fans s’élève à 1,3 million de personnes. Dans une société où la réussite sociale est souvent vénérée, Ikeji peut se vanter du succès de son « business model ». Son blog est devenu une « machine à cash ». Il lui rapporte, selon elle, plus d’un million de dollars de revenus publicitaires par an. Elle fait également du placement de produits dans ses articles.
Les politiques se disputent ses faveurs
Considérée comme l’une des « influenceuses » les plus en vue de ce pays de 190 millions d’habitants, Ikeji est aussi courtisée par les hommes politiques. Lors de la présidentielle de 2015, les deux camps se disputaient ses faveurs. Celui du président sortant Goodluck Jonathan et celui de Muhammadu Buhari voulaient passer des publicités sur son blog.
Peu sectaire, elle accepte l’argent d’où qu’il vienne. Il en a été de même lors de l’élection du gouverneur de Lagos en 2015. Pendant les grandes campagnes électorales, il n’est pas rare que les forces en présence dépensent plusieurs milliards de dollars pour influencer les électeurs. Une grande partie de cette manne revient aux groupes médiatiques et aux « influenceurs » professionnels.
Au lendemain de la présidentielle, Ikeji a acheté une villa à Banana Island, le quartier le plus résidentiel de Lagos où les appartements les moins chers se vendent à un million de dollars.
La blogueuse fascine aussi les jeunes femmes parce qu’elle apparait comme une affranchie qui ose tout. A trente-sept ans, elle n’a toujours pas d’époux, ce qui est mal vu au Nigeria où les jeunes femmes angoissent à l’idée de ne pas être mariées avant trente ans.
Au lendemain de la présidentielle, Ikeji a acheté une villa à Banana Island, le quartier le plus résidentiel de Lagos où les appartements les moins chers se vendent à un million de dollars
« J’ai tellement d’argent que je peux me payer n’importe quel type au Nigeria ! » affirme la blogueuse. Elle ajoute : « Je ne peux pas imaginer de me marier avec un pauvre. Il faut que mon mari soit une source d’inspiration pour moi et qu’il comprenne qu’il doit me laisser faire ce que je veux. »
En guerre médiatique avec Wizkid
Sa liberté de parole ne lui vaut pas que des amis. Elle est notamment entrée en « guerre médiatique » avec le chanteur Wizkid. Elle l’accusait de s’être rajeuni pour plaire à ses fans et de ne pas avoir fini de payer les voitures et les appartements qu’il se vantait de posséder.
Point d’orgue d’un échange de tweets particulièrement venimeux, le chanteur a menacé de la faire tabasser. Elle a immédiatement porté plainte. Ikeji a fait convoquer Wizkid par le ministre de la Police de l’État de Lagos. Rien de moins…
Le chanteur a platement présenté ses excuses devant la belle offensée. Triomphante, Ikeji a aussitôt posté une photo de Wizkid avec le chef de la police accompagné de cette légende : « Ne vous inquiétez pas les filles, Wizkid ne menacera plus jamais une fille de la faire tabasser ! »
Internet et les réseaux sociaux ont conféré une grande influence à Ikeji. La reine du blog savoure plus que jamais cet immense pouvoir, ainsi que les privilèges qui vont avec.
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