
Les principaux défis pour les médias sénégalais et les réformes nécessaires « Les principaux défis auxquels sont confrontés les médias sénégalais sont la désinformation et le désordre informationnel. Avec l’arrivée des nouveaux acteurs dans le paysage médiatique sénégalais, notamment les influenceurs, il devient difficile d’avoir accès à la bonne information. C’est cela qui crée un désordre informationnel, car certains de ces influenceurs n’ont aucune aptitude professionnelle en termes de journalisme. Le paysage journalistique sénégalais est confronté en interne à des difficultés économiques. Le constat est que les médias n’ont plus assez de moyens pour produire des contenus de qualité comme des enquêtes ou des reportages et donner la bonne information aux populations. A cause de l’insuffisance des moyens financiers, les médias ne parviennent pas à recruter des journalistes bien formés et qualifiés. Ce sont ces difficultés économiques qui entrainent l’absence de bonne information. En plus de ces défis économiques, on note également que l’arrivée des réseaux sociaux a complètement chamboulé la pratique professionnelle au Sénégal. Malgré l’ensemble des réformes institutionnelles menées avec le nouveau code de la presse, il reste toutefois difficile de soutenir dignement les professionnels du métier et de les amener à un professionnalisme sans égal. Étant donné que l’on retrouve très peu de professionnels dans le secteur, il devient difficile de distinguer les professionnels des non professionnels. Par conséquent, il y a une perte conséquente de confiance des citoyens envers les journalistes. D’où le fait que les citoyens se tournent dorénavant vers l’information à travers les réseaux sociaux. Garantir la diversité et la pluralité des voix dans le paysage médiatique sénégalais La réforme institutionnelle de la presse a entrainé l’assainissement du paysage médiatique avec les nouvelles cartes de presse. Il faudrait aller bien plus loin, en insistant sur la formation des journalistes et la démocratisation du paysage médiatique. Par démocratisation du paysage médiatique, il faut entendre ; donner la parole à tout citoyen et aborder des sujets de société s’intéressant au quotidien du citoyen et le conduisant à être plus éclairé. L’idée est de différencier la démocratisation de la libéralisation. Aujourd’hui, il y a certes des télés et des radios privées mais cela n’est pas une démocratisation. C’est un semblant de démocratisation. On doit pouvoir sortir du fait que les émissions ne tournent qu’autour de la politique et des élites. Il faut donner la parole à tout citoyen. Cela est crucial si l’on veut aller vers la construction de citoyens éclairés. Pour ce faire, au sein même de la profession, les grilles de programmes doivent être revues afin de satisfaire les attentes du public. Ainsi, les citoyens iront de moins en moins vers l’information sur les médias sociaux. J’aimerais également aborder la question de la régulation des médias sociaux. Mais cela semble loin d’être une priorité, car ni la presse écrite, ni la télé ni la radio ne sont régulées au Sénégal. Il faut tout d’abord réguler les médias dits traditionnels avant d’aller vers la régulation des médias sociaux. Les médias sociaux ne sont pas les seuls responsables du désordre informationnel. Mais ils restent les principaux acteurs de la désinformation et du désordre informationnel, d’où l’urgence d’un organe de régulation.
On doit pouvoir sortir du fait que les émissions ne tournent qu’autour de la politique et des élites. Il faut donner la parole à tout citoyen. Cela est crucial si l’on veut aller vers la construction de citoyens éclairés
Par ailleurs, j’aimerai préciser qu’on ne peut pas attendre l’implication totale des pouvoirs publics, car quelque part, ce désordre conforte certaines positions. En effet, le désordre informationnel a un lien fort avec la propagande. Et lorsqu’on évoque « propagande », on retrouve un lien fort la « politique ». Aujourd’hui, nombreux sont les hommes politiques qui sont des acteurs des médias sociaux. Certains sont parfois propriétaires des radios, ou encore des sites Web ou des chaines de télévisions. Il n’y aura certainement pas de forte volonté de leur part de lutter contre la désinformation. Cette lutte ne peut être menée que par la société civile notamment, les think tanks, les professionnels de la recherche et des médias. Pour y faire face, la société civile peut mettre en place des structures ou encore des programmes d’éducation aux médias. Cela ne doit pas être un calquage. Ces programmes doivent se baser sur nos réalités culturelles, sénégalaises et africaines. Également la pratique des médias est basée sur l’émotion au Sénégal. C’est une pratique inefficace, car lorsqu’on est dans l’émotion, on perd la raison. Ainsi, le désordre de l’information trouve son terreau fertile dans cette manière de faire. Il est alors crucial d’organiser des séances d’éducation aux médias non seulement dans les écoles, mais aussi avec les communautés et ceci dans les différentes langues locales, pour leur expliquer comment fonctionne la production de l’information. La désinformation réside dans la réception, car après la réception d’une information non vérifiée, il y a une propagation facile notamment de bouche à oreille vu qu’on est une société orale. Les priorités nationales globales pour assurer le bien-être des populations La priorité nationale reste l’organisation des élections présidentielles. Un autre point que j’aimerai aborder est la réconciliation nationale qui reste cruciale. Et par la suite, le nouveau gouvernement devra mettre l’accent sur l’éducation, l’économie, et la santé. Ce sont des points prioritaires. Évoquons par exemple la question de la santé, il y a une inégalité de partage de ressources, d’infrastructures etc… entre la ville et le milieu rural. Par exemple, en milieu rural, on retrouve des cases de santé. Il est difficile pour les gens du milieu rural d’avoir accès à une couverture de qualité. Il y a également une inégalité au niveau des transports. Les populations n’ont pas accès aux moyens de transport au-delà de 21h. Nous avons raté notre système éducatif. Ce dernier est basé d’une manière générale, sur l’université et l’éducation classique. Pourtant, il nous faut des centres de formation professionnelle. Tout comme on a misé sur l’université, on aurait pu miser également sur l’apprentissage professionnel. Le monde universitaire n’est plus en mesure de contenir un nombre d’étudiants conséquent. Le constat est que les centres de formation professionnelle sont en train de prendre le relais. Il faut accélérer les choses pour que les étudiants puissent avoir accès à des centres de formation professionnelle, surtout dans des endroits où les jeunes n’ont pas forcément les moyens d’accéder à l’université. La migration est une réalité. Un jeune diplômé sénégalais de l’université qui voit son « cousin » ou le « voisin » venir de l’Occident avec beaucoup d’argent a tendance à vouloir partir. Cela est dû au chômage et aux perspectives d’avenir presque inexistantes. Le mal est profond, le désespoir est constant et les jeunes sont prêts à se suicider pour un avenir meilleur. Pour ceux qui parviennent à arriver de l’autre côté de la Méditerranée, ils se retrouvent piégés voire complètement en déphasage avec le rêve espéré. Parfois, sur le chemin, ils sont maltraités. Et surtout, les médias ne jouent pas leur rôle. Si nos médias jouaient leur rôle, les jeunes seraient avisés sur les réalités. Et nombreux sont ceux qui auraient préféré rester. De l’autre côté, lorsque les médias occidentaux viennent en Afrique, ils montrent des réalités de nos pays notamment du Sénégal. Par contre, nos médias ne peuvent faire des reportages sur les réalités de nos immigrés en Europe. Et ceci dans le but de montrer ce que vivent nos frères et sœurs en Occident. Je finirai par dire qu’au lieu de faire miroiter des choses inimaginables à la jeunesse et leur donner envie d’y aller, il faudrait leur montrer les réalités que vivent nos frères et sœurs de l’autre coté (ceux-là qui n’ont pas les papiers ) ».